Le 1er janvier 1999, l’euro devenait officiellement la monnaie des 10 pays ayant choisi de suivre le processus d’Union économique et monétaire post-ratification du traité de Maastricht (1992) et qualifiés pour la monnaie unique.
Le 1er janvier 2002, les citoyens des pays de la zone euro peuvent toucher les pièces et billets, la monnaie unique devient ainsi une réalité pour plus de 300 millions d’Européens. Pour reprendre le mot de Romano Prodi, alors président de la Commission européenne, « ils reçoivent dans leurs mains un petit bout d’Europe ». Aujourd’hui, neuf autres pays ont adopté l’euro. Par quel processus ?
Garantir la stabilité des cours
L’idée n’est pas nouvelle. En 1865, la France, l’Italie, la Belgique et la Suisse signent une convention monétaire instaurant l’Union latine. Rejoints par La Grèce en 1868, ces pays sont alors « bimétallistes » : ils définissent légalement leur monnaie en or et en argent. Les monnaies nationales subsistent, mais les pièces d’or et d’argent frappées sont de même masse et de même titre, elles ont cours légal dans tous les pays membres.
Convertie progressivement au monométallisme or, elle perdure jusqu’en 1927, sans avoir le succès escompté du fait de l’hostilité du Royaume-Uni et parce que l’Allemagne opte pour l’étalon or en 1873.
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La question monétaire revient sur le devant de la scène après la Seconde Guerre mondiale et la signature du Traité de Rome, en 1957. L’idée d’une harmonisation monétaire figure en effet dans le texte fondateur de la CEE : il s’agit de garantir la stabilité des cours de change par l’harmonisation des politiques monétaires des « six ». L’idée de coopération monétaire et d’une plus grande convergence économique est posée par les plans Barre 1 et 2 de 1968 et 1969.
En 1970, le plan Werner propose la mise en place d’une Union économique et monétaire avec, à terme (1980), une politique économique commune, un système européen de banques centrales et un ajustement des cours de change. Patatras ! L’effondrement du système monétaire international de Bretton Woods, entre 1971 et 1976, et le passage progressif aux changes flottants rendent le plan Werner inapplicable.
Vie et mort du serpent
Secouée, l’Europe réfléchit. Les turbulences imposées par les dévaluations du dollar poussent les Européens vers la coopération monétaire. En 1972, ils instaurent le Serpent monétaire européen qui veut limiter les fluctuations des devises entre les six pays de la CEE, en particulier pour préserver la Politique agricole commune (PAC) qui repose alors sur des prix agricoles uniques.
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La crise économique et les difficultés d’intégration du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark au sein de la CEE signent l’arrêt de mort du serpent et conduisent, en 1979, à la création du Système monétaire européen (SME).
Voulu par le président Valéry Giscard d’Estaing et le chancelier Helmut Schmidt, le SME prévoit des parités fixes ajustables dont le pivot est l’European Currency Unit (ECU), unité de compte dans laquelle sont exprimés les prix agricoles uniques. Ce système fonctionne de 1979 à 1993.
Parité d'une monnaie
La parité d'une monnaie, ou taux de change, compare la valeur d'une monnaie avec un étalon international (or, DTS) ou une autre monnaie nationale
La CEE devient une zone monétaire stable malgré un élargissement à des pays à monnaie faible (Grèce, Espagne et Portugal). Son fonctionnement est assuré par le Fonds européen de coopération monétaire (Fecom).
Pour franchir la dernière étape avant l’euro, l’élément déterminant, c’est la signature de l’Acte unique européen, en 1986. Il prévoit, au 1er janvier 1993, la création du Marché unique européen qui libèrera la circulation des capitaux. Dans cette configuration, il faut une politique monétaire unifiée. Sinon, les divergences de taux d’intérêt provoqueront des mouvements de capitaux interdisant le maintien de parités fixes.
Pressions allemandes
En septembre 1992, le traité de Maastricht lance le processus final. Pour permettre la monnaie unique, il faut faire un peu de politique. Les Allemands demandent et obtiennent que la Banque centrale européenne soit indépendante des pouvoirs politiques, avec, pour mandat unique, la stabilité des prix sur le modèle de la Bundesbank.
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Des conditions de convergence économique sont fixées. Pour aller à l’euro, un pays doit maintenir ses déficits publics sous la barre des 3 % du PIB, sa dette publique à moins de 60 % du PIB. Les taux d’inflation et d’intérêt devront converger. Ces critères restent les fondements du pacte de stabilité et de croissance. Tous les pays de la CE ne vont pas adopter l’euro, mis en circulation en janvier 2002.
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Les débats sur l’euro n’ont pas cessé depuis sa mise en service. Ils portent essentiellement sur le mandat de la BCE, la parité avec le dollar et la question des divergences internes entre États.
La crise de la zone euro, à partir de 2009, a conduit à se demander s’il était viable à long terme d’appliquer la même politique monétaire à des pays dont les situations macroéconomiques et les niveaux de compétitivité externe varient autant. Les débats sont âpres entre les partisans de davantage d’intégration et les « eurosceptiques »