Le patronat est une réalité complexe et désigne un groupe très composite qui va des grands patrons du CAC 40 aux dirigeants des TPE-PME. Les organisations patronales adoptent elles aussi des formes très diverses, avec des frontières souvent poreuses entre chambres de commerce, branches, confédérations, unions voire clubs de réflexion.
Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les patrons se sont efforcés de s’organiser collectivement pour défendre leurs intérêts tant face à la contestation des salariés que face à l’action réglementaire et législative des pouvoirs publics : il s’agit de faire entendre la voix des entrepreneurs et de peser sur les décisions politiques dans un sens jugé favorable aux entreprises.
Si la logique des patrons et entrepreneurs est individualiste, dès le début du XIXe siècle, des convergences apparaissent au sein des branches industrielles. La suppression du délit de coalition, en 1864, puis la loi Waldeck-Rousseau de 1884, autorisent la création des deux premiers grands comités de branche : le Comité des forges, dirigé par Eugène Schneider, et le Comité central des houillères, en 1887. D’autres organisations en émanent comme l’Union des Industries Métallurgiques et Minières (UIMM), fondée en 1901.
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Corporatisme de Vichy
C’est en 1919 que naît la Confédération générale de la production française (CGPF). Elle représente toutes les entreprises, assure la défense des industries nationales et de la valeur travail et combat les empiètements de l’État. Hostile au socialisme et au communisme, elle souhaite la modernisation de l’industrie, la diffusion de l’Organisation scientifique du travail (OST) et la concentration des entreprises.
Dans les années 1930, elle affronte la crise mondiale puis la victoire du Front Populaire (1936) et les grandes grèves qui s’ensuivent. Signataire des accords de Matignon (loi des 40 heures, congés payés, représentation syndicale et hausses de salaires) avec la CGT, la CFTC et les représentants de l’État, la CGPF se transforme en Confédération générale du patronat français, sur fond de dissensions entre représentant des grandes entreprises et petits patrons. La CGPF est dissoute après la défaite de 1940 et les organisations patronales rejoignent les comités d’organisation, d’inspiration corporatiste, qui sont au cœur du projet de révolution nationale du gouvernement de Vichy.
Soupçons de collaboration
Dès octobre 1944, des patrons des PME s’émancipent des grands groupes en créant la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME). Le CNPF, né d’une initiative gouvernementale, est fondé le 21 décembre 1945. Alors que les syndicats de salariés sortaient de la guerre tout auréolés de leur participation au Conseil national de la Résistance (CNR), les patrons sont considérés avec défiance : le soupçon de collaboration est très prégnant.
Le CNPF est conçu de manière souple et fonctionne comme une confédération qui regroupe en son sein les fédérations professionnelles et s’inscrit d’abord dans une logique de combat contre les aspirations syndicales : il s’oppose aux nationalisations, à l’augmentation des cotisations sociales, à la création des Comités d’entreprise et à celle du SMIG (1950). Protectionniste, ancré d’abord sur les fondamentaux traditionnels du patronat français, il finit par accepter la construction européenne, dont il deviendra un grand partisan dans les années 1980.
Surpris par le mouvement de mai 68, le CNPF est contraint d’accepter les accords de Grenelle, qui renforcent le pouvoir syndical dans les entreprises, accordant une revalorisation des salaires de 10 % et du SMIG de 35 %. La victoire électorale de François Mitterrand installe la gauche au pouvoir. Le CNPF et la CGPME s’opposent au gouvernement et refusent les nationalisations, la Réduction du temps de travail (RTT, 39 heures) mais aussi la loi amnistiant les syndicalistes condamnés pour avoir violenté des patrons et cadres. Yvon Gattaz, le « patron des patrons » cherche aussi à éviter que l’outil de travail soit intégré à l’assiette de l’ISF. Le « tournant de la rigueur », en 1983, détend quelque peu les relations avec l’État.
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Essor du tertiaire
La grande crise suivante a lieu en 1997. La victoire de la gauche plurielle conduit à la mise en place de la logique du « partage du travail » avec les 35 heures, pour lutter contre le chômage et créer de nombreux emplois. Le sentiment d’avoir subi, voire d’avoir été trahi par les promesses de la loi Aubry I, provoque la transformation du CNPF en Mouvement des entreprises de France (Medef).
C’est aussi l’expression de changements structurels, les entreprises tertiaires gagnant du poids par rapport à une industrie en déclin. Depuis, les objectifs du Medef sont d’accroître la flexibilité interne et externe des entreprises et d’adapter le tissu économique français à la mondialisation. C’est ainsi qu’il réclame aux gouvernements successifs de ne pas entraver la compétitivité des entreprises.
Le Medef et la CGPME (rebaptisée CPME en 2016) souhaitent aussi la simplification administrative et fiscale. Les difficultés liées aux crises successives, en particulier celle du Covid-19, ont conduit les organisations patronales à demander le soutien de l’État, en particulier lors des confinements. Partisans des réformes des retraites et de l’assurance chômage, Medef et CPME négocient toutefois avec les syndicats sur le partage de la valeur ajoutée, la participation et les salaires, sujet particulièrement délicat dans un contexte de retour de l’inflation.