En 1985, Mikhaïl Gorbatchev arrive à la tête de l’URSS. L’économie soviétique est aux abois et il entreprend une série de réformes qui visent à sauver l’économie socialiste.
Comme le souligne l’économiste hongrois János Kornai (1928-2021), il faut rompre avec « l’économie de pénurie », où tout est contrôlé par le Parti communiste, où la propriété privée n’existe pas, où la bureaucratie est reine, où les entreprises fonctionnent sans contrainte de rentabilité, avec une productivité du travail extrêmement faible.
Les réformes sont fondées sur deux principes : la perestroïka (restructuration) doit permettre l’accélération de la croissance (uskorenie) et la glasnost (transparence) introduira des libertés politiques inconnues jusqu’alors.
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La suite est connue : en quatre ans, ce qui reste de l’économie centralisée et planifiée mise en place par Staline vole en éclats. L’URSS perd le contrôle des démocraties populaires, qui s’émancipent les unes après les autres, le mur de Berlin tombe en novembre 1989 et, le 25 décembre 1991, Gorbatchev annonce la disparition de l’URSS.
Économie centralisée
Économie régie non par le marché, mais par des injonctions de l'État, qui impose un plan aux unités économiques.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Union soviétique était la deuxième économie du monde, elle avait remporté de nombreux succès dans le domaine spatial, possédait un complexe militaro-industriel de premier plan et des scientifiques de très haut niveau.
Le démantèlement de l’Union débouche sur la création de la Communauté des États indépendants (CEI), dont l’entité la plus puissante est la Fédération de Russie dirigée, dans un premier temps, par celui qui a fait tomber le système, Boris Eltsine. Dans le même temps, le Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM), qui liait l’URSS aux pays de l’Est, disparaît.
Privatisation rapide et opaque
Une page nouvelle s’ouvre pour la Russie, qui doit réorganiser son économie en se débarrassant des scories de la période communiste. Il s’agit de se convertir à l’économie de marché et de réorganiser l’appareil productif.
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Économie de marché
Système dans lequel la valeur des échanges de biens et services provient de l'offre et de la demande.
Premier volet de la transition vers l’économie de marché : la privatisation d’une grande partie des entreprises d’État. L’affaire est délicate. La population russe n’a rien connu d’autre que le système soviétique et n’a aucune inclination pour le marché : elle s’oppose surtout à la corruption et au règne sans partage de la nomenklatura.
Il existe alors deux économies juxtaposées : une économie officielle, peu efficace pour satisfaire les besoins de la population, et une économie parallèle, où règnent en maîtres les mécanismes du marché… noir.
Conséquence : dès 1992, une partie de l’opinion se détourne des réformes dont le premier effet est l’inflation galopante. La libéralisation des prix de janvier 1992 anéantit l’épargne des ménages et les difficultés quotidiennes s’accroissent.
Le gouvernement hésite sur le rythme des réformes, sentant bien que la population n’y adhère pas vraiment, à la différence de ce qui se passe dans les anciennes démocraties populaires d’Europe.
En outre, la Russie perd le contrôle politique sur ses marges territoriales : beaucoup d’anciennes républiques soviétiques deviennent indépendantes, comme les pays baltes, la Biélorussie ou encore l’Ukraine, ce qui ne sera pas sans conséquences.
Les changements sont toutefois rapides. Une grande partie des entreprises d’État sont privatisées entre 1922 et 1994.
Très vite, cependant, il s’avère que le processus est opaque et profite à un petit nombre de responsables, souvent issus du Parti communiste : c’est ainsi qu’apparaît la « caste » des oligarques, multimilliardaires qui s’offrent des villas somptueuses sur la Côte d’Azur ou des clubs de football à Londres. Ils sont proches du pouvoir auquel ils sont très redevables.
La corruption est au cœur du système russe et les indicateurs plongent : entre 1990 et 1998, le PIB russe est divisé par deux, la production industrielle s’effondre et l’endettement public gonfle. Une partie des difficultés actuelles de la Russie date de cette époque : les services publics se sont dégradés, l’espérance de vie a baissé.
Ressources naturelles = 60 % des exportations
Nouvel homme fort de la Russie à partir de 1999, Vladimir Poutine a accentué le contrôle de l’État sur les grands groupes, en particulier ceux qui gèrent les ressources naturelles et énergétiques, comme le géant gazier Gazprom. Son objectif est de refaire de la Russie une grande puissance.
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Cela débouche sur des conflits périphériques comme la guerre de Tchétchénie ou la crise en Crimée. Sur le plan économique, pourtant, la Russie s’intègre peu à peu à l’économie mondiale : en 2012, le pays adhère à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Mais dans les faits, le commerce international est largement contrôlé par l’État, tout comme les investissements des entreprises occidentales. La croissance économique reste faible : le redressement est compromis par le déclin démographique, le sous-investissement chronique, le retard technologique et les carences dans la formation de la main-d’œuvre.
La puissance de la Russie actuelle est largement fondée sur les ressources naturelles : elles pèsent pour 20 % du PIB, assurent 40 % des recettes budgétaires et 60 % des exportations.
L’économie russe est donc extrêmement vulnérable aux variations des cours des matières premières. Cette dépendance est aussi une des explications de la faible productivité : les secteurs majeurs ne requièrent qu’un niveau technologique modeste. La malédiction des économies de rente guette le pays.
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La Russie, qui a d’indéniables atouts, est donc passée à côté de sa transition et peine à se réformer. C’est probablement une des explications du choix de la confrontation avec l’Occident : la faiblesse économique peut sans doute être masquée un temps par la volonté de puissance et le recours à une des grandes forces du pays : le patriotisme de sa population.