Il s’agit entre autres des règles de bonne conduite, qui dictent la manière dont il convient de se comporter en public (mettre sa main devant la bouche quand on baille, par exemple).
Comment intégrer les normes ?
Une norme sociale peut toujours être transgressée. Mais cela ne va généralement pas sans conséquences pour le transgresseur. Le type de sanctions qui accompagnent la transgression d’une norme dépend du type de norme dont il s’agit.
Si c’est une norme légale, la réponse pourra être judiciaire. Dans le cas des normes informelles, les sanctions passeront bien souvent par le regard des autres. Le transgresseur sera vu négativement, ce qui pourra lui valoir, dans les cas les plus graves, d’être rejeté par les membres de sa société.
Les normes sociales varient d’une société et d’une époque à l’autre. De plus, certaines normes ne s’appliquent que dans des situations bien particulières. La question se pose donc de savoir comment les enfants parviennent à intégrer les normes – nombreuses, variées et souvent complexes – qui existent dans leur société.
Une partie de la réponse réside évidemment dans l’éducation : les parents des enfants, ainsi que d’autres adultes, leur apprennent l’existence d’un certain nombre de normes et la manière dont il faut s’y conformer.

Mais la psychologie du développement montre que les enfants recherchent aussi d’eux-mêmes les normes qui régulent les actions des individus qui les entourent. C’est ce qu’illustre l’expérience suivante.
L’arbitrairement correct
Dans cette expérience, des psychologues ont montré à des enfants de trois ans cette petite scène : un adulte joue avec une série d’objets placés devant lui en suivant une règle arbitraire. À aucun moment, l’adulte ne mentionne cette règle ou ne dit qu’il en existe une1.
Une marionnette, absente jusque-là, intervient alors : elle se met à jouer avec les mêmes objets que l’adulte, mais d’une manière différente. Voyant cela, les enfants testés dans l’expérience ont la plupart du temps manifesté un clair désaccord avec la manière dont la marionnette jouait avec les objets. Ils l’ont reprise, en lui indiquant fermement comment elle devait jouer avec ces objets – à savoir, à la manière dont l’adulte venait de le faire.
Ce que montre cette expérience, et d’autres du même type, c’est qu’à l’âge de trois ans déjà, les enfants arrivent à découvrir l’existence d’une norme sociale totalement arbitraire (la manière « correcte » de jouer avec des objets, par exemple) simplement en observant le comportement des personnes qui les entourent (ici, l’adulte qui joue en premier avec les objets). De plus, si d’autres individus ne se conforment pas à cette norme, les enfants les grondent et les corrigent.
Si les enfants parviennent à intégrer certaines normes sociales par la seule observation, l’enseignement de bon nombre d’entre elles par les adultes n’est pourtant pas inutile. En effet, les enfants semblent attacher plus d’importance aux normes qui sont énoncées explicitement par des adultes qu’à celles qu’ils découvrent par eux-mêmes2.
Les jeunes enfants ne se contentent pas de découvrir ou d’apprendre l’existence de normes sociales auxquelles il leur faut se plier. Ils en créent eux aussi – les règles d’un jeu, par exemple – en se mettant d’accord avec d’autres personnes sur ce qu’il est permis ou non de faire dans une situation particulière3. Et, là encore, ils tiendront à faire respecter ces normes par tout le monde !
1. “Young Children Attribute Normativity to Novel Actions Without Pedagogy or Normative Language”, Schmidt et al., Developmental Science, 14 (3), 2011.
2. “Young Children Use Pedagogical Cues to Modulate the Strength of Normative Inferences”, Butler et al., British Journal of Developmental Psychology, 33 (4), 2015.
3. “Young Children Understand the Role of Agreement in Establishing Arbitrary Norms – But Unanimity is Key, Schmidt et al., Child Development, 87 (2), 2016.