Les sciences sociales opèrent une distinction entre les notions de sexe et de genre. La première renvoie aux différences biologiques qui existent entre les femmes et les hommes. La seconde correspond aux catégories sexuelles telles qu’elles sont socialement construites et utilisées.
Si beaucoup de sociétés reconnaissent l’existence de deux genres – féminin et masculin – des associations militent pour la reconnaissance d’une plus grande diversité d’identités de genres, voire pour l’abandon de la catégorisation des individus selon un genre déterminé.
Un certain nombre de représentations sociales sont associées à chaque genre – on parle de « stéréotypes de genre » pour qualifier ces représentations.
Par exemple, dire de quelqu’un qu’il est un « vrai homme » ne vise le plus souvent pas à affirmer que cette personne est dotée d’organes sexuels masculins, mais bien que son comportement ou ses choix de vie sont conformes à ce qui est socialement attendu d’un individu de genre masculin (faire preuve de courage physique, ne pas laisser transparaître ses sentiments, etc.).
Les stéréotypes de genre sont susceptibles d’évoluer dans le temps et de différer dans l’espace. Le fait de porter des cheveux longs, par exemple, peut être perçu comme une pratique féminine, masculine, ou encore, « non genrée » (c’est-à-dire, ne correspondant pas spécifiquement à un genre donné) en fonction de la société et de l’époque considérées.
Dysphorie et transition sexuelle
Le sexe biologique et le genre social ne recouvrant pas les mêmes réalités, il arrive que des personnes s’identifient à un genre différent de celui qui leur a été assigné à la naissance sur la base de leurs propriétés biologiques.
Cette situation est qualifiée de « dysphorie de genre » – par exemple, se sentir femme dans un corps masculin. Certaines de ces personnes demandent alors une modification de leur état civil afin de faire correspondre le prénom et le sexe qui y sont inscrits au genre auquel elles s’identifient. Elles peuvent également recourir à des traitements hormonaux et/ou chirurgicaux visant à modifier les caractéristiques sexuées de leur corps.
En France, comme dans de nombreux autres pays, de telles interventions médicales ne peuvent être entreprises qu’à la suite d’une évaluation psychologique ayant pour but de s’assurer que la dysphorie de genre ressentie est réelle, durable, et qu’elle est source de souffrances.
Des associations de défense des droits des transgenres déplorent qu’une évaluation de ce type soit exigée et demandent à ce qu’une transition sexuelle médicale puisse se faire sur la seule base d’une déclaration de consentement de la part de la personne concernée.
Les interventions médicales de conversion sexuelle se révèlent la plupart du temps efficaces pour diminuer la souffrance psychologique induite par une dysphorie de genre1.
Changer de sexe à l’adolescence ?
Une dysphorie de genre peut se manifester très tôt, parfois même avant la puberté. En Europe et en Amérique du Nord, de plus en plus d’adolescents entreprennent des démarches visant à obtenir une conversion sexuelle médicale2.
Donner accès à ce traitement à des enfants ou à des adolescents demandeurs est une décision délicate. En effet, s’ils désirent changer de sexe, c’est généralement que leur dysphorie de genre provoque chez eux une souffrance à laquelle le corps médical doit répondre. Cependant, les hormones utilisées pour modifier le développement et l’expression des caractères sexuels masculins ou féminins engendrent des effets irréversibles.
Il faut dès lors s’assurer que les jeunes concernés ressentent une authentique dysphorie de genre et que cet état est durable. Or, c’est là que le bât peut blesser.
La psychologue Laura Edwards-Leeper, spécialiste des procédures de conversion sexuelle, s’inquiète de la légèreté et de la brièveté croissante des évaluations qui, aux États-Unis, précèdent de telles interventions sur les enfants et les adolescents3.
Cela est d’autant plus problématique que des études ont montré qu’en l’absence de toute intervention, plus de 80 % des enfants qui disent souffrir d’une dysphorie de genre cessent de la ressentir à la fin de l’adolescence4.
Certaines dysphories précoces sont donc transitoires, tandis que les effets des interventions médicales de conversion sexuelle sont, eux, irréversibles.
Un autre phénomène à prendre en compte est celui des dysphories de genre « soudaines », qui ont été récemment mises au jour chez certains jeunes5.
Il s’agit d’adolescents qui se déclarent dysphoriques sans en avoir manifesté les prémisses habituelles. De telles dysphories pourraient résulter d’une forme de conformisme social.
En effet, elles concernent pour une bonne part des adolescents dont le groupe d’amis comprend une majorité d’individus se disant dysphoriques.
Lutter contre les discriminations
Au final, les parents de mineurs qui affirment ressentir une dysphorie de genre se trouvent face à un dilemme.
Soit ils acceptent que leur enfant s’engage dans un processus médical de transition sexuelle, au risque que les modifications engendrées ne correspondent plus à son identité de genre une fois l’adolescence passée. Soit ils lui refusent cette possibilité, au risque de faire perdurer inutilement ses souffrances.
Face à ce dilemme, il est important que tant leur enfant qu’eux-mêmes puissent bénéficier de l’écoute et de l’aide de spécialistes de la conversion sexuelle. Il est aussi urgent que le regard posé par la société sur les transgenres cesse d’être stigmatisant. Il en va du respect et du bien-être de ceux de nos concitoyens qui sont nés dans un corps dans lequel ils ne se reconnaissent simplement pas.