C’est une des propositions phares de l’alliance de la gauche pour les législatives : augmenter du Smic à 1 400 euros.
Au 1er mai 2022, le Salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) est passé de 10,57 à 10,85 euros brut de l’heure (+ 2,65 %), pour atteindre 1 603,12 euros brut pour une personne à temps plein. En net, cela revient à 1 302,64 euros net par mois, soit 97 euros de moins que ce que suggère la Nouvelle union populaire écologiste et sociale (Nupes).
Aux 1er janvier, 1er mai, 1er juillet et 1er octobre de chaque année, la hausse du smic est automatique dès lors que l’inflation dépasse les 2 % pour les 20 % des ménages disposant des revenus les plus modestes, or l’indice des prix de l’Insee affichait une hausse de 3,5 % pour le premier trimestre 2022.
En octobre 2021, lors de la dernière revalorisation, Bruno Le Maire prévenait pourtant : « Donner un coup de pouce au Smic, c’est aussi donner un coup de canif au redressement de l’emploi. » Sur quel raisonnement économique le ministre de l’Économie se fonde-t-il ? Et pourquoi la Nupes persiste-t-elle avec cette proposition ?
L’analyse néo-classique du marché du travail (Marshall, 1896) estime de fait que la hausse d’un salaire minimum peut inciter les entreprises à réduire leur demande de travail, c’est-à-dire à diminuer le nombre d’emplois qu’elles proposent.
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Plus précisément, cette baisse intervient quand ce salaire est supérieur au salaire d’équilibre du marché du travail (celui pour lequel l’offre de travail formulée par les salariés est égale à la demande de travail des employeurs).
Dans cette situation, des travailleurs sont bien prêts à occuper un emploi, mais aucune entreprise n’est disposée à les embaucher à ce tarif. La hausse du salaire minimum a donc créé du chômage.
Interrogé en 2012, l’économiste Francis Kramarz estimait ainsi qu’une hausse de 1 % du Smic conduisait à une destruction de « 15 à 25 000 emplois ».
Pierre Cahuc et André Zylberberg (2015) jugent, eux, que le Smic est trop élevé et qu’il est largement responsable du fort taux de chômage des jeunes et des travailleurs les moins qualifiés.
Cette disproportion du salaire minimum français inciterait notamment les entreprises à substituer des machines aux travailleurs et à délocaliser certaines productions. Pour autant, les effets négatifs d’un coup de pouce au salaire minimum ne doivent pas être exagérés.
Le groupe d’experts sur le Smic avançait, en 2013, qu’« une hausse du Smic n’aurait qu’un faible effet négatif sur le volume agrégé d’emploi », conclusion corroborée par la synthèse des travaux empiriques récemment effectuée par Jérôme Gautié (2021).
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Les fast-foods du New Jersey
Cet économiste rappelle aussi l’existence d’effets positifs d’une hausse du salaire minimum. David Card et Alan Krueger (1994) ont par exemple montré que le relèvement de ce salaire de 4,25 dollars à 5,05 dollars dans les fast-foods du New Jersey, en 1992, alors qu’il restait fixe dans l’État voisin de Pennsylvanie, a conduit à une hausse de l’emploi… dans le New Jersey !
La revalorisation a en effet contribué à fidéliser les salariés, réduisant le chômage lié au fort turnover des emplois précaires. Les effets d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi sont donc contrastés.
Dans certaines configurations, une augmentation du Smic peut créer du chômage. Dans d’autres, en procurant un gain de pouvoir d’achat qui augmentera la consommation des ménages et donc la production des entreprises, une telle hausse peut constituer une bonne nouvelle pour l’emploi.