Les exposés ci-dessous s’inscrivent dans un cours de rhétorique, ils ne reflètent en rien les idées et opinions personnelles des étudiants concernés.
Oui, car ses besoins spécifiques ne sont pas pris en compte
L’union de l’Europe a été mise en œuvre au départ pour mettre en commun la production de charbon et d’acier, plus connue sous le nom de CECA. Au début, on ne parlait donc pas d’union, mais bien de communauté.
On voit toute la nuance que suppose ce choix de mot pour définir le cadre dans lesquels coopèrent plusieurs pays. En passant d’une communauté à une union, on accepte une intégration plus forte.
Alors que la création de la CECA avait un but surtout économique, l’UE développe désormais un volet social.
L’ Europe sociale n’a cessé de croître en importance face à la politique d’élargissement de l’UE. En effet, en intégrant à l’Europe des six de nouveaux États membres moins développés, on se retrouve avec une Europe hétérogène dont les déséquilibres doivent être corrigés.
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La France est considérée comme un pays développé, on comprend donc qu’elle n’est pas la cible prioritaire des politiques sociales européennes. D’où la difficulté, pour une Europe sociale, de répondre aux besoins de chaque État à cause d’attentes différentes de la part des gouvernements nationaux.
Les politiques sociales apparaissent donc inefficaces, car elles ne réussissent pas à satisfaire les 27. En effet, sur les 351 milliards d’euros alloués à la politique de cohésion, 180 milliards vont aux régions européennes les moins développées.
Le but de l’Europe sociale est de réussir à créer une Europe homogène, pas de répondre aux besoins ressentis par chaque pays pour pallier ses difficultés dans ce domaine.
En récupérant sa souveraineté, la France aurait l’opportunité de développer une politique sociale plus ciblée sur ses propres besoins, notamment en allouant au ministère français qui lui est dédié le budget européen destiné au volet social. Les politiques sociales européennes présentent des dysfonctionnements face, par exemple, au dumping social.
Dumping social
Toute pratique consistant, pour un État ou une entreprise, à violer, à contourner ou à dégrader le droit social en vigueur – qu’il soit national, communautaire ou international – afin d’en tirer un avantage économique, notamment en termes de compétitivité.
La législation européenne empêche la France de développer ses lois sociales parce que ces dernières doivent rester conformes aux lois européennes. Quant au dumping social, il pousse les entreprises françaises à délocaliser afin de trouver, au sein de l’Union européenne, la main-d’œuvre la moins chère.
Encore une fois, l’Europe sociale manque d’expérience et ne réussit pas à déroger à la règle pour traiter la problématique sociale de la délocalisation. Or le rôle de l’UE sur la scène internationale est d’une importance primordiale.
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On parle même de l’« effet Bruxelles » puisqu’elle arrive à imposer la législation européenne partout dans le monde, mais cela reste cantonné au domaine économique.
Les pays extérieurs de l’UE ont tout intérêt à respecter le droit européen afin de devenir un partenaire commercial de premier plan. On en revient donc au principe même de cette cohésion entre pays européens : le commerce, pas le social.
Marie Blando, étudiante en master Affaires européennes
Non, le « Frexit social » est une promesse absurde
La guerre en Ukraine aura permis de remettre en exergue la raison d’être de l’Union européenne – établir la paix sur le continent. Autrefois théâtre de guerres sanglantes, l’Europe est devenue un symbole de liberté, de démocratie et de respect des droits fondamentaux. Or, sans ces fondations pacifiques qu’assure l’UE, la France sociale serait encore en chantier.
La gauche critique souvent le caractère néo-libéral dominant de l’Union, mais cette attaque est-elle justifiée ? En 1950, Robert Schuman déclarait : « L’Europe ne se fera pas d’un coup » mais « par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »
Le projet européen s’est en effet construit progressivement, avec l’idée que de l’avancée économique découlerait le progrès social. À partir des années 1970, et notamment avec le Français Jacques Delors comme président de la Commission (1985-1995), l’UE a pris une tournure sociale.
Diverses politiques comme les conditions de travail, la protection des consommateurs, les migrations, l’économie ou encore l’environnement, furent ainsi adoptées par l’UE. Aujourd’hui encore, l’Union continue d’approfondir et d’élargir ses politiques sociales.
Lors du sommet européen de Porto, en 2021, les États membres se sont engagés à réaliser trois objectifs majeurs du socle européen des droits sociaux d’ici à 2030 dans les domaines de l’emploi, de la formation professionnelle et de la pauvreté.
Enfin, il convient de se demander dans quel état la France serait sortie de la crise sanitaire sans l’UE ? La réponse réside dans l’exemple de nos voisins britanniques : le pays « libéré » affiche le plus grand nombre de décès en Europe, a conduit une campagne vaccinale chaotique et, en plus, ne bénéficiera pas du plan de relance européen.
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La philosophie de l’Europe pourrait se résumer à une volonté de nivellement par le haut. Les diverses politiques précédemment citées assurent une protection sociale minimale à l’ensemble des citoyens européens.
Bien entendu, les mesures prises à l’échelle communautaire n’interdisent en rien aux États membres de légiférer de manière plus stricte afin d’assurer une meilleure protection sociale au niveau national.
L’objectif communautaire est ainsi davantage de fixer un cadre et des objectifs en matière sociale – en atteste par exemple le socle européen des droits sociaux. Enfin, il ne faut pas oublier qu’une part significative des propositions du programme de Marine Le Pen, telle que la « priorité nationale » pour l’accès à l’emploi et au logement, aurait ainsi été incompatible avec le droit européen.
La France pourrait-elle conduire une politique plus sociale hors de l’Union européenne ? Peut-être. Mais, serait-elle réellement efficace ? Certainement pas. Le « Frexit social » est une promesse absurde.
Frexit
Mot composé à partir de « France » et d’« exit » (sortie), par analogie avec le Brexit, la sortie de la Grande Bretagne de l’UE décidée par référendum en 2016.
Sans une Europe sociale à ses côtés, la France serait isolée politiquement et économiquement dans un monde de plus en plus interdépendant. Pays social de par ses traditions et riche de par son poids historique sur le continent, la France se doit, au contraire, d’être le moteur d’une nouvelle Europe sociale.
Eva Bell, étudiante en première année du master LEA Affaires européennes à Sorbonne Université
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