Manifestations des Gilets jaunes, marches pour le climat, grèves contre les délocalisations d’entreprises… les mouvements sociaux et les actions collectives semblent se multiplier en France, un pays déjà réputé pour sa conflictualité.

Comment les interpréter ? Ces tensions sont-elles le signe de véritables dysfonctionnements de la société ou, au contraire, constituent-elles un moyen de faire évoluer les relations sociales ?
Les raisons de la colère
Pour qu’un conflit existe, il faut bien sûr une dimension collective et protestataire, des groupes d’individus interdépendants et des enjeux, qu’ils soient économiques, matériels ou symboliques.
Le conflit est une action qui traduit un antagonisme entre les groupes sociaux. C’est un fait social. En raison des transformations sociales et culturelles des sociétés, de la rareté des biens économiques et sociaux, la compétition et la frustration sont structurelles.
Elles sont évidemment sources de conflits pour ceux qui se sentent exclus de leur possession. Le conflit vise alors à modifier les comportements et les institutions, c’est-à-dire l’ordre social établi.
Manifestations des Gilets jaunes, marches pour le climat, grèves contre les délocalisations d’entreprises… les mouvements sociaux et les actions collectives semblent se multiplier en France, un pays déjà réputé pour sa conflictualité.

Comment les interpréter ? Ces tensions sont-elles le signe de véritables dysfonctionnements de la société ou, au contraire, constituent-elles un moyen de faire évoluer les relations sociales ?
Les raisons de la colère
Pour qu’un conflit existe, il faut bien sûr une dimension collective et protestataire, des groupes d’individus interdépendants et des enjeux, qu’ils soient économiques, matériels ou symboliques.
Le conflit est une action qui traduit un antagonisme entre les groupes sociaux. C’est un fait social. En raison des transformations sociales et culturelles des sociétés, de la rareté des biens économiques et sociaux, la compétition et la frustration sont structurelles.
Elles sont évidemment sources de conflits pour ceux qui se sentent exclus de leur possession. Le conflit vise alors à modifier les comportements et les institutions, c’est-à-dire l’ordre social établi.
Aujourd’hui, l’idée d’une France socialement et fiscalement injuste, très inégalitaire (76 % des Français la perçoivent ainsi1) est au cœur du mouvement des Gilets jaunes.
Ce conflit traduit une pathologie, un défaut d’intégration pour une partie de la population « assignée à résidence dans une situation sociale difficile dont elle ne peut s’extraire »2 et qui vit profondément cette fracture sociale.
Dans ces conditions, le conflit est un révélateur, une réponse violente aux intérêts divergents qui existent entre les différents groupes sociaux et il peut constituer une menace pour la société.
Un sociologue nommé Marx
Toutefois, pour Émile Durkheim, sociologue français (1858-1917), le conflit n’est pas en soi le signe d’une pathologie sociale, il fait partie de la vie en société, comme moyen d’expression des rapports sociaux.
C’est la multiplication des conflits qui n’est pas normale, car elle traduit un défaut d’intégration pouvant conduire à l’anomie (voir encadré), à un malêtre, en raison d’une défaillance des règles sociales, ce qui désoriente les individus et peut aboutir à une grande violence.
Le conflit peut aussi être le moyen de renforcer la cohésion sociale.
Anomie
Concept élaboré par Émile Durkheim. C’est la situation dans laquelle se trouvent les individus quand les règles sociales qui guidaient leur comportement et leurs aspirations perdent leur pouvoir, sont incompatibles, ou lorsque, rendues obsolètes par les changements sociaux, elles doivent céder la place à d’autres.
Il oblige à la reconnaissance de l’existence de « l’autre », il crée de la solidarité « contre » l’adversaire, renforçant par-là l’identité partagée par les membres du groupe et leur cohésion, mais aussi « avec » l’adversaire, car le dialogue qui s’instaure suppose de trouver une solution, un compromis.
Le conflit devient moteur de changement social, car les nouvelles règles adoptées pourront renforcer la cohésion sociale. Pour Max Weber (1864-1920) et Georg Simmel (1858-1918), sociologues allemands, les conflits permettent l’interaction entre les individus et contribuent donc à l’évolution de la société.
Ils sont « moteurs » de changement social. C’est aussi la position de Karl Marx, autre sociologue allemand (1818-1883), pour qui la lutte des classes transforme les rapports économiques et la société.
Conflits et actions postmatérialistes
L’objet des conflits évolue avec la société. Le travail a été l’objet principal et traditionnel des luttes et des conflits sociaux dans la société industrielle, le plus souvent sous forme de grèves.
Ce sujet n’a pas disparu, bien sûr, mais d’autres sources de conflits sont apparues et concernent davantage les évolutions sociétales.
Les nouveaux mouvements sociaux s’orientent davantage vers des questions post-matérialistes, des valeurs, des normes, le fonctionnement de la société (Alain Touraine) : mouvements identitaires, féministes, écologiques, mais aussi des actions de résistance face aux changements sociétaux porteurs de nouvelles visions du monde.
Selon Ronald Inglehart, politologue américain, depuis les années 1970, les sociétés développées pour lesquelles les contraintes matérielles se sont réduites sont davantage sensibles aux causes immatérielles, au respect de l’individu, à son épanouissement et à son cadre de vie.
Le répertoire d’actions change aussi : la crise du syndicalisme marque en quelque sorte une rupture avec l’institutionnalisation des conflits sociaux.
Désormais, se développent des formes d’action moins centralisées, plus diversifiées et plus proches de la population, de la base, mobilisée grâce aux réseaux sociaux : pétitions, manifestations très médiatisées… mais il faut mobiliser des ressources financières, sociales et matérielles pour les organiser.
Les conflits sont donc eux-mêmes influencés par l’évolution économique et sociale de la société.
Pour aller plus loin
1. Statista Infographie, 2019
2. Baromètre des territoires : la France en morceaux, Institut Montaigne, Elabe, 2019