Economie
La fusion-acquisition : comment ça marche
Dataroom, due diligence, signing, closing… tout est fait pour donner aux deals entre entreprises des allures de thriller. Visite guidée dans les coulisses des « fusac ».
Maxime Hanssen
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Parole d’avocats d’affaires, les opérations de fusions-acquisitions sont une sacrée aventure. Un exercice périlleux, sophistiqué, qui mérite bien son acronyme : «fusac». Une fois lancée, la prise de contrôle d’une société par une autre obsède jour et nuit ses acteurs, qu’ils soient dirigeants d’entreprises, conseillers, experts, consultants et autres banquiers qui gravitent autour de l’opération.
Rien qu’en France, 3 296 opérations ont été recensées en 2018.
975 milliards
de dollars en valorisation, c'est ce qu'ont représenté ces mouvements au niveau européen.
Chaque opération est différente, selon qu’elle concerne un groupe mondial – prêt à dépenser des milliards pour acheter un concurrent– ou une PME dynamique en quête de croissance externe.
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L’espoir est à chaque fois le même : franchir la dernière étape du parcours, le fameux closing à l’issue duquel les protagonistes sabrent enfin le champagne, signe de la cession définitive de l’entreprise. Mais avant la célébration, le processus est parfois long, laborieux et tendu.
Trouver la cible
Les raisons d’une fusion-acquisition sont nombreuses : l’espoir d’augmenter significativement ses marges en acquérant une société bénéficiaire, l’envie d’étendre ses débouchés ou ses ventes, d’acquérir une nouvelle technologie, de neutraliser un concurrent, d’élargir son offre.
C’est ce dernier objectif qui a par exemple motivé le rachat par BlaBlaCar de la filiale SNCF Ouibus. La start-up française, qui a démocratisé le covoiturage, voulait alors renforcer son offre de solutions de transport pour devenir une plateforme de transport multimodal. Après neuf mois de négociation, le deal a été conclu le 1er juillet 2019.
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Comme ce fut certainement le cas dans l’affaire Ouibus/BlaBlaCar, les premières discussions se formalisent par une lettre d’intention qui marque le point de départ de la négociation officielle. C’est une feuille de route qui fixe un cadre, par exemple en décidant du caractère exclusif, ou non, des pourparlers. Ce document ouvre la porte à une phase essentielle, celle du "due diligence" au cours de laquelle les acheteurs développent leur connaissance de la cible à travers un diagnostic approfondi.
Mise à nu avant négociations
Pour permettre cet audit, le potentiel acquéreur se voit ouvrir la dataroom qui regroupe toutes les informations commerciales, financières et juridiques de l’entreprise vendeuse. Une vraie mise à nu. S’engagent alors des négociations pour l’établissement d’un protocole de vente, fixant les conditions du deal, dont la plus importante est… le prix !
Cette phase, soumise à des clauses suspensives (raisons légitimes de se retirer de l’affaire) est la plus critique : pendant les semaines d’analyse et de négociation, le deal peut capoter à tout moment.
On se souvient de l’échec, en 2016, des négociations entre les deux géants des télécoms français, Orange et Bouygues Telecom. L’ego des dirigeants, ainsi que l’intervention de l’État –actionnaire d’Orange– avaient eu raison du projet de rapprochement.
Une phase finale digne d’une série
Si toutes les parties tombent d’accord, elles établissent une convention actant la cession des actions : le signing, une sorte de compromis de vente.
Le deal est proche, mais certaines clauses suspensives sont encore à lever, comme les consultations auprès des instances de représentations du personnel ou l’obtention des autorisations des organismes de régulation.
Le dernier épisode, le closing, qui acte le transfert des titres de l’entreprise à l’acquéreur en échange des fonds, est digne d’une série, comme le relate une avocate d’affaires inscrite au barreau de Lyon.
Dans une pièce, certains vérifient la levée des conditions suspensives. Dans une autre pièce, l’acheteur vérifie avec son banquier les modalités du financement. Ce n’est qu’une fois ces deux opérations validées que le document final est signé. Le paiement est alors lancé.Une avocate d’affaires souhaitant rester anonyme,
inscrite au barreau de Lyon.
« Dans une pièce, certains vérifient la levée des conditions suspensives. Dans une autre pièce, l’acheteur vérifie avec son banquier les modalités du financement » raconte une avocate d’affaires, inscrite au barreau de Lyon et souhaitant rester anonyme.
« Ce n’est qu’une fois ces deux opérations validées que le document final est signé. Le paiement est alors lancé. Le banquier du vendeur valide en direct par téléphone avec son service la bonne réception du virement. Quand c’est confirmé, les bouchons peuvent sauter ! » Chacun reprend son souffle, et la nouvelle vie des entreprises fusionnées ou absorbées peut commencer.
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