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La crise sanitaire a mis la science sur le devant de la scène médiatique dans des proportions probablement inédites. Avec un sentiment oscillant entre impatience, crainte et espoir, nous avons attendu que les scientifiques nous informent sur la dangerosité de ce nouveau virus, son origine, son évolution, puis sur les traitements possibles et leur efficacité, réelle ou imaginaire.
La communauté scientifique s’est montrée à la hauteur de nos attentes : elle a décrit le virus et élaboré un vaccin en un temps record. Dans ce contexte, on pourrait s’attendre à ce que la confiance de la population à l’égard de la science soit au plus haut.
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Pourtant, des indices permettent de penser que tel n’est pas forcément le cas – le fait, par exemple, que certains de nos concitoyens demeurent méfiants face au vaccin, voire le refusent. Qu’en est-il exactement ?
Une perception ambiguë
La période pandémique n’a pas profondément altéré le niveau de confiance des Français envers la science. C’est ce que montre l’édition 2021 d’une étude sur la perception de la science conduite régulièrement depuis 1972.
Un panel représentatif de la population composé de 3 500 personnes a été interrogé par des sociologues, fin octobre 2020. Il en ressort qu’une très large majorité des sondés – 84 % – dit avoir « plutôt » ou « très » confiance en la science. Cette proportion n’est que légèrement inférieure à celles qui ont été mesurées dans les éditions précédentes de cette étude : 88 % en 2001, 89 % en 2007, 87 % en 2011.
En revanche, si l’on se concentre sur les Français qui se disent « très confiants » envers la science, on constate une baisse notable par rapport aux trois dernières éditions : on passe de valeurs situées autour des 20 %, entre 2001 et 2011, à 11 % seulement en 2020.
De même, la perception de ce que la science apporte à l’humanité s’est dégradée par rapport aux années précédentes. En 2020, seuls 27 % des Français soutenaient que la science apporte « plus de bien que de mal », contre 41 % en 2011. Et la part de celles et ceux qui affirment que la science apporte « plus de mal que de bien » a doublé entre 2011 et 2020, passant de 6 % à 12 %.
Une autre étude fait ressortir un paradoxe dans la manière dont les Français perçoivent les chercheurs. En effet, s’ils sont 86 % à penser que « les chercheurs sont des gens dévoués qui travaillent pour le bien de l’humanité », 73 % estiment en même temps que « les chercheurs servent trop souvent les intérêts de l’industrie, notamment pharmaceutique ».
Constitution de la connaissance en live
Si le niveau global de confiance des Français dans la science n’a donc que peu évolué avec le Covid-19, d’autres indicateurs font apparaître que la perception des chercheurs et de leur travail est probablement plus ambiguë qu’avant la crise sanitaire.
Cela pourrait s’expliquer par le fait que la forte médiatisation de la science durant cette période a mis en lumière l’une de ses faces habituellement invisibles du public – celle de la constitution de la connaissance.
Avant de parvenir à un consensus plus ou moins marqué et définitif sur une question scientifique, la recherche connaît une phase d’incertitude durant laquelle hypothèses et données contradictoires s’opposent, parfois vigoureusement.
C’est à partir de cette confrontation des idées et des faits que se construit le savoir scientifique : les données et les hypothèses les plus solides rassemblent progressivement autour d’elles une majorité de spécialistes du domaine.
La médiatisation inhabituelle de cette phase de constitution de la connaissance au sujet du Covid-19 a pu apparaître aux yeux d’une partie du public comme le signe d’une confusion ou d’une impuissance du monde scientifique, voire de conflits d’intérêts chez des chercheurs soupçonnés de servir les intérêts de l’industrie pharmaceutique plutôt que le bien commun.
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La médiatisation de la recherche en temps réel a pu engendrer le doute, si ce n’est de la suspicion chez certains. Mais cela n’a pas été suffisant pour entamer de manière significative le haut niveau de confiance générale des Français à l’égard de la science et de ses acteurs.