Economie
Le tango marché-État pour piloter l’économie
La lutte contre la pandémie met particulièrement en exergue les interactions entre mécanismes du marché et rôle de l’État dans notre paysage économique.
Martine Peyrard-Moulard
© pixabay
Le 17 mars 2020, face à la progression mondiale de la pandémie et la saturation dans les hôpitaux hexagonaux, l’État français décidait le confinement de la population et la mise à l’arrêt quasi totale de l’économie. Cette décision inédite a provoqué un choc exogène brutal d’offre et de demande. Il va entraîner une récession entre 11,4 % et 14,1 % en 2020 selon l'OCDE. "L’après" dépendra du potentiel de réactivité des marchés, des entreprises et de l’État.
Le marché est le fonctionnement de base de l’économie, certains y voient son mécanisme naturel. Il est le lieu de rencontre de nombreux vendeurs de biens proposant des réponses aux besoins des différents acheteurs.
"Le marché est le seul révélateur des préférences de millions d’individus, en toute liberté."Ludwig von Mises
Sur le marché, c’est le prix qui fixe l’échange, un échange librement et volontairement accepté par les deux parties. L’économiste Ludwig von Mises disait : "Le marché est le seul révélateur des préférences de millions d’individus, en toute liberté." Ils réagissent aux prix qui révèlent leurs goûts, la valeur des biens et leur coût. Le marché indique quels sont les produits, en quelle quantité et à quel coût, étant susceptibles de satisfaire les besoins croissants, rapidement changeants et illimités des demandeurs qui préfèrent en général la solution leur procurant le plus d’utilité au moindre prix.
Indispensable concurrence
L’essentiel dans ce système, c’est la flexibilité des prix. Ces derniers sont une information pour les consommateurs qui cherchent des produits abordables, de même pour les producteurs qui réduisent leurs coûts pour baisser leurs prix et/ou améliorent la qualité des produits. Un produit cher signifie un produit relativement rare, mais cela signifie également qu’il est rentable de le fabriquer, ce qui encourage les concurrents à le produire aussi.
Pour être efficace, rien ne doit entraver ce mécanisme des prix qui, seuls, informent "de la valeur relative des ressources rares et de leurs utilisations optimales pour le bien de la société", dit Mises. Cela indique que la concurrence est indispensable et assure l’adaptabilité des entreprises incitées à investir, innover, améliorer leur productivité et leur compétitivité pour satisfaire les besoins solvables.
Éco-mots
Solvable
Qui s’appuie sur un pouvoir d’achat, une capacité d’acquérir les biens et services produits. Seul l’État peut satisfaire un besoin ou une demande non solvable.
Voilà pourquoi les libéraux considèrent que le rôle de l’État doit se limiter à garantir un cadre réglementaire et juridique favorable au marché, prendre en compte ses mécanismes. Pour eux, l’État doit entendre que la liberté économique, la confiance, la propriété privée et la concurrence sont nécessaires aux échanges et à la réactivité économique. L’État doit être régalien, rester un arbitre faisant respecter les règles – les mêmes pour tous – afin que tous, libres et cohérents dans leurs multiples choix, puissent décider des moyens qu’ils affectent à la réalisation de leurs fins.
Limites du choix
Cependant, le marché a besoin de l’État car il ne peut pas répondre à toutes les demandes. Il est par exemple dans l’incapacité de produire les biens pour lesquels les consommateurs ne veulent pas payer quand leur intérêt individuel ne se confond pas avec l’utilité collective. C’est le cas des "biens communs" que tous peuvent consommer ou des "biens collectifs" dont les effets externes profitent à toute la collectivité. Car la répartition des revenus, si elle est laissée au marché, ne pourrait qu’être inégalitaire puisque celui-ci ne rémunère que les participants à la création de richesses. Seul l’État "social" peut corriger cette répartition primaire.
Éco-mots
Bien commun
Il n’appartient à personne, donc personne ne le gère ni ne veille à sa durabilité. En revanche, son utilisation par un individu en prive les autres et peut conduire à son épuisement. C’est le cas des ressources naturelles ou environnementales comme les ressources halieutiques, la faune sauvage ou les rivières.
Éco-mots
Bien collectif
Il est non rival, car sa consommation par un individu n’empêche pas un autre de le consommer. Il est indivisible, non exclusif, comme un jardin public, l’éducation ou la santé.
Pourtant, une alternative au marché a existé. Le système d’économie planifiée et centralisée par l’État fut appliqué en Union soviétique et dans les ex-pays de l’Est pendant près de 70 ans, jusqu’à son implosion, en 1989. Toutes les activités économiques étaient organisées par un Gosplan décrétant la quantité et la nature de la production dans ses moindres détails. Toutes les ressources (matières premières, équipements, main-d’œuvre…) et les besoins étaient évalués quantitativement. L’idée étant de produire conformément aux objectifs du plan quinquennal et des priorités de l’État. Toutefois, l’absence d’informations fiables, de propriété privée, de débat démocratique concernant les choix de production et l’absence d’un marché et d’un système de prix interdisaient d’évaluer ce que désiraient vraiment les individus et d’orienter l’économie vers la qualité et la productivité. Le totalitarisme accompagnait cette centralisation extrême afin de gérer les pénuries et le faible niveau de vie général.
Les économies développées sont en réalité majoritairement mixtes. État et marché cohabitent et se répartissent la production, la régulation économique et la redistribution sociale conformément aux choix démocratiques des populations.
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