"La France risque le déclassement productif" déclarait le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors de la présentation du Pacte productif, en octobre 2019. Il faisait allusion, notamment, aux impôts dits "de production". Ces impôts payés par les entreprises sont "sept fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que la moyenne des pays de la zone euro", précisait-il.
On le sait, la France est championne de la pression fiscale. Concernant les entreprises, l’Impôt sur les sociétés (IS), qui frappe les bénéfices à hauteur de 31 %, est le plus connu. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elles paient aussi ces impôts de production. Ils sont indépendants de leur santé économique et beaucoup plus élevés au total que l’IS, qui a rapporté 31,8 milliards d’euros en 2019.
Cette fiscalité de production représente en effet 77 milliards d’euros, soit 3,3 % du PIB, contre 0,5 % en Allemagne et 1,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne. Et ce montant augmente plus vite que le PIB…
"La France risque le déclassement productif" déclarait le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors de la présentation du Pacte productif, en octobre 2019. Il faisait allusion, notamment, aux impôts dits "de production". Ces impôts payés par les entreprises sont "sept fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus élevés que la moyenne des pays de la zone euro", précisait-il.
On le sait, la France est championne de la pression fiscale. Concernant les entreprises, l’Impôt sur les sociétés (IS), qui frappe les bénéfices à hauteur de 31 %, est le plus connu. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elles paient aussi ces impôts de production. Ils sont indépendants de leur santé économique et beaucoup plus élevés au total que l’IS, qui a rapporté 31,8 milliards d’euros en 2019.
Cette fiscalité de production représente en effet 77 milliards d’euros, soit 3,3 % du PIB, contre 0,5 % en Allemagne et 1,6 % en moyenne au sein de l’Union européenne. Et ce montant augmente plus vite que le PIB…
Près de 200 impôts différents
CET, C3S, CFE, CVAE… Voici les sigles des impôts et taxes qui portent sur l’activité des entreprises. Au nombre de presque 200, ils sont regroupés en impôts sur le travail, sur le capital, sur le foncier, sur la Valeur ajoutée (VA) et le Chiffre d’affaires (CA). Autrement dit, ils concernent la production, les effectifs, l’utilisation et la propriété de terrains et de locaux, le transport… ainsi que leur valeur ajoutée, c’est-à-dire la richesse que ces actifs créent.
Le principal impôt de production est la Contribution économique territoriale (CET). Elle est la somme de la Cotisation foncière des entreprises (CFE, 6,5 milliards d’euros en 2019) versée à la commune où l’entreprise dispose de locaux et de terrains, et de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, 19 milliards) dont le taux progressif est fonction de la richesse créée par l’entreprise. Par ailleurs, une Contribution sociale de solidarité des sociétés, C3S (3,8 milliards) prélevée sur le Chiffre d’affaires, participe au financement de l’assurance vieillesse.
Enfin, les entreprises versent des impôts sur la masse salariale (26,2 milliards), dont 6,1 milliards de taxes sur les salaires (le taux progressif est calculé en fonction des salaires bruts versés). Sans oublier la fameuse Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, 13,1 milliards) utilisés comme carburant ou combustible.
Un choix de société
Ces impôts et taxes, indépendants des résultats et de la rentabilité des entreprises, sont payés sans contrepartie et, pour beaucoup d’entre eux, avant même que l’entreprise ait réalisé le premier euro de chiffre d’affaires ou de profit. Ils s’apparentent donc à des "coûts fixes".
Coûts fixes
Dépenses que l’entreprise supporte, indépendamment de la quantité de biens produite, comme les loyers, les assurances, les équipements…
Le problème, c’est qu’ils provoquent des distorsions tout au long de la chaîne de production. Selon le Conseil d’analyse économique (1), "ils affectent les décisions des entreprises en termes de choix des modes de production et de prix et pénalisent leur productivité et leur compétitivité, d’autant plus que nos principaux concurrents en Europe n’ont pas recours à ce type de taxe, ou pas autant que nous".
En Allemagne, par exemple, certaines taxes sur la masse salariale (taxes sur les salaires, forfait social, transport…) ou sur la valeur ajoutée n’existent pas du tout. Il s’agit d’une "exception française"(2).
En ce qui concerne la nature et l’assiette de cette fiscalité, les impôts sur le capital augmentent le coût du capital et découragent donc les investissements. En conséquence, les entreprises industrielles de taille intermédiaire sont beaucoup plus touchées que les entreprises de services. Quant aux taxes sur les salaires, elles pénalisent l’emploi, ce qui est paradoxal dans un pays où persiste depuis des décennies un chômage de masse.
Pour sa part, la C3S dissuade carrément de produire davantage puisque plus l’entreprise produit, plus elle paie d’impôts, quel que soit son bénéfice. Or, plus de 60 % de cet impôt est payé par les ETI industrielles. Voilà pourquoi l’Allemagne compte deux fois plus d’ETI que la France.

À cause de la fiscalité sur le foncier, les entreprises localisées dans l’Hexagone subissent un véritable "désavantage compétitif", une distorsion de concurrence, par rapport à celles qui, produisant hors de France, ne supportent pas les mêmes contraintes fiscales.
Désavantage compétitif
Facteur subi par une entreprise ou une industrie qui la rend sous-performante par rapport à ses concurrents.
Réduire ou supprimer ces contraintes sera déterminant si l’on veut éviter délocalisations et pertes d’emploi. Conséquence des impôts de production : selon France Stratégie, la part de l’industrie française dans le PIB est passée de 16,7 % à 11,9 % entre 2000 et 2018, contre plus de 22,9 % en Allemagne. Or le secteur industriel, c’est 80 % de l’investissement en R & D, 75 % des exportations. Sa bonne santé est essentielle !
L’autre problème, c’est que ces impôts constituent l’essentiel des ressources des collectivités territoriales. Difficile pour elles de s’en passer. Selon les théoriciens américains de l’école des "choix publics", James Buchanan (Nobel 1986) et Gordon Tullock, l’avaient souvent écrit : l’État exige des contribuables toujours plus d’impôts pour exister et les dépenses publiques, justifiées sur le plan politique, ne le sont pas toujours au plan économique. Quant aux choix fiscaux, rappelle le sociologue Marc Leroy (3), ce sont toujours des choix de société.
Pour aller plus loin
(1) CAE, n° 53, juin 2019
(2) "Taxes de production : préservons les entreprises dans les territoires", Institut Montaigne, octobre 2019
(3) L’impôt, l’État et la société, Marc Leroy, Economica, 2010