Au début des années 1960, Charles Arnold Anderson est perplexe. Ce professeur de sociologie à l’Université de Chicago constate que la plupart de ses collègues attribuent au diplôme un rôle central dans la mobilité sociale. La thèse dominante d’alors est que la promotion sociale, c’est-à-dire le fait d’accéder à un statut socioprofessionnel plus élevé que celui de ses parents, est intimement liée à la promotion scolaire, autrement dit le fait d’avoir atteint un plus haut niveau de diplôme que son père ou sa mère.
Or Anderson observe un lien causal plutôt faible dans les enquêtes de mobilité en provenance de Suède, d’Angleterre et des États-Unis qu’il examine. Il tire de cette analyse un paradoxe qui, depuis, porte son nom : atteindre un niveau de diplôme supérieur à celui de ses parents est loin de garantir à un individu une position sociale plus élevée que la leur au même âge.
Plus de diplômés que d'emplois qualifiés
L’origine de ce "paradoxe d’Anderson" est clairement identifiée : les diplômes se sont peu à peu dévalués. Attention ! Marie Duru-Bellat (1), sociologue spécialiste des questions d’éducation, nous invite à ne pas confondre ici dévaluation nominale et dévaluation réelle. Affirmer que les diplômes se sont dévalués, ce n’est pas avancer que leur qualité a diminué (dévaluation nominale) mais constater que leur rendement socio-économique s’est érodé (dévaluation réelle).
Au début des années 1960, Charles Arnold Anderson est perplexe. Ce professeur de sociologie à l’Université de Chicago constate que la plupart de ses collègues attribuent au diplôme un rôle central dans la mobilité sociale. La thèse dominante d’alors est que la promotion sociale, c’est-à-dire le fait d’accéder à un statut socioprofessionnel plus élevé que celui de ses parents, est intimement liée à la promotion scolaire, autrement dit le fait d’avoir atteint un plus haut niveau de diplôme que son père ou sa mère.
Or Anderson observe un lien causal plutôt faible dans les enquêtes de mobilité en provenance de Suède, d’Angleterre et des États-Unis qu’il examine. Il tire de cette analyse un paradoxe qui, depuis, porte son nom : atteindre un niveau de diplôme supérieur à celui de ses parents est loin de garantir à un individu une position sociale plus élevée que la leur au même âge.
Plus de diplômés que d'emplois qualifiés
L’origine de ce "paradoxe d’Anderson" est clairement identifiée : les diplômes se sont peu à peu dévalués. Attention ! Marie Duru-Bellat (1), sociologue spécialiste des questions d’éducation, nous invite à ne pas confondre ici dévaluation nominale et dévaluation réelle. Affirmer que les diplômes se sont dévalués, ce n’est pas avancer que leur qualité a diminué (dévaluation nominale) mais constater que leur rendement socio-économique s’est érodé (dévaluation réelle).
Dans les faits, cela signifie qu’un diplôme donné ne permet plus d’accéder aux mêmes emplois qu’auparavant ou même à des niveaux de rémunération équivalents. Le paradoxe d’Anderson tient au fait que le nombre de diplômés croît plus vite que le nombre d’emplois qualifiés. Pour le cas français, Duru-Bellat relève par exemple qu’« entre les années 1960 et les années 1980, la proportion des cadres dans la population active est passée de 5 % à 8 %, alors que la proportion des bacheliers parmi les jeunes sortant du système éducatif s’est élevée de 10 % à 30 % ».
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Aux sources du sentiment de déclassement
En France, cette discordance entre l’évolution de la structure des emplois et la forte massification scolaire à l’œuvre depuis les années 1970 a eu plusieurs conséquences. Selon Louis-André Vallet, sociologue spécialiste de la mobilité sociale, le paradoxe d’Anderson est d’abord à l’origine d’une augmentation de la fluidité sociale dans notre société.
Autrement dit, l’affaiblissement du lien causal entre le niveau de diplôme et le statut socioprofessionnel a conduit à ce que davantage de personnes prennent l’ascenseur social… pour descendre comme pour monter !
Fluidité sociale
La fluidité sociale désigne une situation où la position sociale d’une personne ne dépend pas de son origine sociale. La fluidité sociale est un outil de mesure de la mobilité sociale. À l’aide des « odds-ratio », les sociologues évaluent ainsi le rapport des chances d’un individu d’accéder aux différentes positions sociales.
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Le sociologue Camille Peugny (2) insiste, lui, sur un autre fait : le paradoxe d’Anderson atteste du déclassement effectif et du sentiment de déclassement ressenti par une part non négligeable de la population. De fait, de nombreux individus se sont engagés dans la poursuite d’études dans l’espoir de connaître une mobilité sociale ascendante, un espoir qui a été déçu pour certains.
Ce constat ne doit pas faire oublier que le diplôme demeure un puissant passeport pour l’emploi qualifié et bien rémunéré. En 2019, selon l’Insee, le salaire annuel net moyen des titulaires d’un bac + 3 ou plus était ainsi de 42 790 euros pour un temps plein contre moitié moins pour les personnes sans diplôme.
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(1) Marie Duru-Bellat, L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie, 2006
(2) Camille Peugny, Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, 2013
Cet article est issu de notre numéro consacré à la mobilité sociale.
Dans le programme de Terminale SES
« Quels sont les caractéristiques contemporaines et les facteurs de la mobilité sociale ? »
« Quelle est l’action de l’École sur les destins individuels et sur l’évolution de la société ? »