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Non, les jeunes ne sont pas plus dépolitisés que les autres 

Les jeunes désertent les urnes. Sont-ils individualistes, dépolitisés ? Non. Ils s’impliquent fortement dans la vie publique, mais selon des modalités différentes, moins institutionnalisées que le vote.

Anne Daubrée, Illustration d'Erik Tartrais
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© Midjourney

Les faits sont têtus : en 2022, 41 % des 18-24 ans n’ont pas voté au second tour de l’élection présidentielle contre 28,2 % pour l’ensemble de la population1. Quel sens donner à cette abstention, quand l’exercice du droit de vote fait figure de symbole de la participation à la vie démocratique ? Faut-il y voir une dépolitisation de la jeunesse ?

En tout cas, cette abstention massive ne résulte pas d’une indifférence aux enjeux politiques : par exemple, 67 % des jeunes considèrent le racisme comme un sujet « très important », soit deux fois plus que leurs parents, d’après l’enquête « Une jeunesse plurielle », de l’Institut Montaigne. En fait, ce qui est en cause, c’est un « effritement générationnel de la confiance démocratique », estime Anne Muxel, sociologue, coauteure de « Les Français sur le fil de l’engagement » 2.

Concrètement, les jeunes estiment que les outils traditionnels de la démocratie ne sont pas nécessairement les plus efficaces pour défendre une cause. Et en 2022, 74 % d’entre eux se sont engagés en choisissant d’autres modes d’action que le vote selon le baromètre « L’engagement des jeunes » de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Certaines de ces actions appartiennent au registre du politique au sens strict du terme, comme la participation à des manifestations. D’autres sortent du champ de l’action politique proprement dite, mais relèvent de l’engagement citoyen.

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« Zut, j’ai peur qu’on soit en train de devenir un mouvement politique. »

​​​​​Contestation numérique et action de terrain

Distribuer de la nourriture, planter des arbres… Les jeunes sont nombreux à choisir de contribuer à une cause d’intérêt général en agissant. Environ 45 % d’entre eux sont engagés dans une association, selon l’Injep. Et parmi ceux qui donnent bénévolement de leur temps, plus de quatre sur 10 le font au profit de l’environnement ou d’une cause humanitaire ou sociale. Dans le même sens, en 2021, ils sont plus de 145 000 à avoir signé pour réaliser un Service civique, dispositif gouvernemental destiné à encourager l’engagement des jeunes.

Mais ces derniers investissent aussi le champ du politique proprement dit, dans une attitude souvent contestataire. Par exemple, les jeunes sont plus prompts que les baby-boomers à manifester pour défendre leurs idées : 24 % contre 15 %, d’après l’Institut Montaigne. Et l’espace public digital constitue leur terrain d’action favori : 44 % s’y impliquent, évalue l’Injep. Greta Thunberg, militante suédoise de 15 ans qui a mobilisé des millions de personnes pour la cause du climat à partir de 2018, est devenue le symbole de l’engagement novateur de cette nouvelle génération. D’autres font des choix différents : en 2020, à 18 ans, Hugo Biolley a été élu maire de Vinzieux, un village ardéchois.

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​​​​​1. Ipsos.

2. Fondation Jean Jaurès.