Politique. Si, si, la droite et la gauche existent encore

Élimination dès le premier tour : c’est le sort qu’ont connu les deux grands partis (droite républicaine et parti socialiste) qui se succédaient au pouvoir depuis des décennies, lors de l’élection présidentielle de 2017. Le vieux clivage droite gauche avait-il vécu ? C’est ce que proclamait le candidat Emmanuel Macron, finalement élu, dans son livre Révolution.

Selon lui, ces deux familles politiques étaient obsolètes et divisées en leur sein sur les grands enjeux du XXI^e siècle – l’environnement et l’Europe. Et dans la revue Telos (février 2019), le politologue Gérard Grunberg n’excluait pas la possibilité d’une « re-bipolarisation, différente de celle qui se structurait hier autour du clivage gauche-droite ».

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Mais ces fines analyses ne prennent pas en compte le point de vue des citoyens : l’immense majorité (91 %) d’entre eux continue de se situer sur cet axe, d’après une enquête Cevipof (2017). Ce positionnement constitue un « marqueur profond de l’identité sociale d’un individu. Selon qu’ils se disent de droite ou de gauche, ils n’ont ni les mêmes opinions, ni les mêmes comportements. […] Les Français restent attachés à leur orientation politique », explique Janine Mossuz-Lavau, politologue, dans Le Clivage droite gauche. Toute une histoire (Presses de Sciences Po, septembre 2020).

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Des attentes vivaces et irréconciliables

En clair, proclamer que droite et gauche n’existent plus revient à oublier la distinction entre « offre » et « demande » politique, décrypte Janine Mossuz-Lavau. Selon elle, l’offre des partis politiques rejette cette distinction pour essayer de nouer des alliances destinées à remporter les élections, au point que près de trois Français sur quatre sont conduits à déclarer aux sondeurs que « les notions de droite et gauche ne veulent plus dire grand-chose » (Cevipof, décembre 2018).

« Je suis de gauche, je serai de gauche. Ne me dis jamais d'aller à droite ». Dessin d'Érik Tartrais

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Mais la « demande » intime des électeurs continue de se référer aux valeurs fondamentales de chacune des deux grandes familles, dont les projets demeurent distincts. Symboliquement, on situe leur naissance au 28 août 1789, lorsque l’Assemblée nationale constituante, créée à la suite des États Généraux, se réunit à Versailles : les partisans de la religion et le roi siégeaient à droite, ceux qui étaient contre, à gauche.

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Des idéaux qui restent différents

Depuis, les deux camps ont évolué en se positionnant sur des enjeux successifs, comme l’affaire Dreyfus. Au XX^e siècle, toutefois, un double mouvement de « démarxisation » à gauche et de « déchristianisation » à droite, a atténué la confrontation.

Les idéaux de la « droite » et de la « gauche » restent fondamentalement différents. Pour Janine Mossuz-Lavau, au cœur de cette différence figure la notion d’égalité. Centrale pour la gauche, inaccessible, voire nocive pour la droite.