Economie
La DIPP ou pourquoi la production s'internationalise
Comment appliquer à la fabrication d’un produit le principe de la spécialisation internationale et des avantages comparatifs, établi par Ricardo ?
Martine Peyrard-Moulard
© Pixabay
De nombreuses Firmes multinationales (FMN) comme Boeing, Airbus ou Apple décident, pour faire face à la concurrence mondiale et accroître leur réactivité, de localiser et d’optimiser « chaque segment du processus de production de leur produit dans les pays où les avantages sont les plus grands ». Ici, c’est la fiscalité, plus favorable aux revenus du capital qui permet d’obtenir des profits plus élevés et de financer des investissements, là le coût du travail moins élevé qui assure une meilleure compétitivité (prix ou hors prix), ailleurs le peu de réglementations qui offre plus de flexibilité ou bien encore des avancées technologiques avec l’espoir d’en recueillir des externalités positives… Le produit est ensuite « recomposé », c’est-à-dire assemblé, souvent sur le territoire national de la firme, avant d’être vendu et/ou exporté. Bienvenue dans la Décomposition internationale des processus productifs (DIPP).
Rendement maximal
Boeing est un bel exemple de ce phénomène. En Europe aussi, les constructeurs automobiles allemands sont connus pour avoir beaucoup investi dans les PECO (Pays d’Europe centrale et orientale) pour y trouver des coûts salariaux bien inférieurs aux leurs. Évidemment, la production mondiale en a été profondément modifiée. La Chine, comme d’autres pays émergents, a réalisé son décollage économique en devenant l’usine du monde dans les années 1990-2000 avant d’être aujourd’hui en compétition sérieuse avec les États-Unis. Mais en même temps, d’autres pays développés ont vu leur base industrielle se réduire.
Produits semi-finis
La DIPP consiste à appliquer aux différentes étapes de la fabrication d’un produit le principe de la spécialisation internationale et des avantages comparatifs, conformément à l’analyse de l’économiste britannique David Ricardo (1772-1823).
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David Ricardo

Ricardo (1772-1823) est surtout connu pour sa théorie des avantages comparatifs. Ses analyses portent sur le circuit de production, les relations entre les profits et les salaire, la rente et la monnaie.
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En effet, traditionnellement, la DIT (Division internationale du travail) enseigne que les pays ont intérêt à se spécialiser dans les productions pour lesquelles ils possèdent des avantages relatifs en termes de coûts ou d’innovations et ainsi échangent leurs produits finis ou finals. Cependant, c’est l’économiste français Bernard Lassudrie-Duchêne qui explique, au début des années 1980, que les avantages comparatifs doivent aussi être observés au niveau des « morceaux ou segments des processus de production concourant à la fabrication du bien final ». Cette modularité de la production correspond à une division verticale du travail qui assure le rendement maximal de chaque étape. La DIPP se traduit alors par des échanges de produits semi-finis, de composants intermédiaires et de pièces détachées entre les filiales des grandes firmes. Bref, elle développe un commerce intra-firme qui représente aujourd’hui plus du tiers du commerce mondial.
Une logique qui s’étend
L’internationalisation de l’activité et la fragmentation de la chaîne de valeur passent par des flux internationaux de capitaux, des Investissements directs à l’étranger (IDE) réalisés entre les firmes et leurs filiales. Le phénomène s’est beaucoup développé grâce à la globalisation financière et à la baisse des coûts de transports notamment la généralisation des porte-containers, mais aussi grâce aux innovations technologiques, par exemple Internet qui assure une diffusion rapide et peu coûteuse des informations dans le monde entier. Désormais, la logique de la DIPP s’étend à de nombreux autres domaines : finance, informatique, connaissances et compétences ou R & D… et imprime ainsi une nouvelle « géographie » aux différentes activités économiques et une spécialisation de plus en plus marquée par l’importance des connaissances et du savoir.
Éco-mots
Investissements directs à l’étranger (IDE)
Prises de participation dans le capital d’une entreprise étrangère avec pour objectif d’obtenir « un intérêt durable et la capacité d’exercer une influence dans sa gestion ». En règle générale, ce sont des investissements durables allant de la création d’entreprise au rachat d’une entreprise existant déjà à l’étranger. Selon le FMI, il y a « intérêt durable » et donc investissement direct lorsqu’une entreprise détient au moins 10 % du capital social ou des droits de vote d’une entreprise résidente d’un pays autre que le sien ou quand elle y réinvestit ses bénéfices. Le montant d’IDE reçus par la France s’élevait à 44 milliards d’euros en 2017. Les investisseurs français ont réalisé 52 milliards d’euros d’IDE dans le reste du monde (INSEE).
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