Chaque être humain désire être heureux et veut pouvoir se réaliser pleinement. « Quelques différents moyens qu’ils y emploient […] c’est le motif de toutes les actions de tous les hommes […] jusqu’à ceux qui vont se pendre », écrivait Pascal1, l’auteur des Pensées, au XVIIe siècle.
À première vue, l’économiste paraît plutôt éloigné de cette question du bonheur, lui qui évalue la production, les échanges ou la demande. Pourtant, l’économie pourrait bien en détenir quelques clés, puisqu’elle explique les comportements des individus.
Les jouissances de la richesse frappent l’imagination comme quelque chose de noble et de beau.
Adam SmithPour satisfaire leurs besoins fondamentaux, combler des manques et assouvir d’innombrables désirs, la richesse semble bien être un bon moyen d’améliorer leur bien-être. Aussi, même s’il est difficile d’appréhender une notion aussi subjective que le bonheur, « l’économie du bonheur » tente de le faire.
Adam Smith est un des économistes les plus connus du XVIIIe siècle, mais c’est comme moraliste qu’il aborde le bien-être et bâtit une réflexion associant richesse, libéralisme et bonheur. « Les jouissances de la richesse frappent l’imagination comme quelque chose de noble et de beau, écrit-il, et cette illusion fait cultiver la terre, bâtir des maisons au lieu de cabanes, fonder des villes, inventer et perfectionner les sciences et les arts2… ».
Pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, combler des manques et assouvir d’innombrables désirs, la richesse semble bien être un bon moyen d’améliorer leur bien-être. Aussi, même s’il est difficile d’appréhender une notion aussi subjective que le bonheur, « l’économie du bonheur » tente de le faire.
Adam Smith est un des économistes les plus connus du XVIIIe siècle, mais c’est comme moraliste qu’il aborde le bien-être et bâtit une réflexion associant richesse, libéralisme et bonheur. « Les jouissances de la richesse frappent l’imagination comme quelque chose de noble et de beau, écrit-il, et cette illusion fait cultiver la terre, bâtir des maisons au lieu de cabanes, fonder des villes, inventer et perfectionner les sciences et les arts2… ».
Plus « heureux » dans les pays développés ?
C’est aussi le cas de Jeremy Bentham, réformateur social de la fin du XVIIIe siècle, qui considère que l’homme agit toujours pour se procurer des plaisirs (ceux des sens, de la richesse, de l’amitié, de la puissance, de l’habileté, de la bienveillance comme de la malveillance, de la piété…) et éviter les peines (liées à la privation, l’inaptitude, l’inimitié, l’attente…). L’utile doit alors guider les conduites humaines, c’est le critère pour désigner « la tendance de quelque chose à engendrer bien-être, joie, biens ou bonheur3 ».
D’ailleurs l’expression « utilitarisme » qu’il emploie pose qu’une action ou un choix est bon s’il permet de maximiser le bonheur, notamment pour le plus grand nombre. Comment mesurer les plaisirs et les peines si ce n’est par la somme d’argent qu’un individu est disposé à dépenser pour se procurer les premiers ou éviter les seconds ?
Éco-mots
Utilitarisme
Doctrine conséquentialiste selon laquelle les actions des hommes se jugent en fonction de leurs conséquences (maximiser le bien-être, limiter les peines et les efforts) et non pas en fonction des intentions de ceux-ci.
Toutefois, la satisfaction ressentie n’augmente pas proportionnellement à la richesse et aux sommes d’argent dépensées. Il considère dès lors que la relation entre bonheur et richesse est aussi influencée par les interactions entre les individus : l’enrichissement n’est qu’un moyen parmi d’autres pour atteindre le bonheur.
L’économie va s’emparer de ce champ d’étude avec Richard Easterlin, économiste américain, qui montrera en 1974 que si l’argent fait le bonheur en permettant d’acquérir un bien-être émotionnel et une meilleure satisfaction de vie, à long terme et dans les pays développés le niveau moyen de bonheur de la population n’augmente pas vraiment : c’est le Paradoxe d’Easterlin.
En Chiffres
44 %
La part de la population mondiale vivant avec moins de 5,5 dollars par jour avant la crise sanitaire.
Une première explication concerne le référentiel du bien-être dans une société, soit son niveau de vie moyen. Le bonheur est donc relatif. Mais plus le niveau de vie d’une population augmente, plus ses exigences s’élèvent aussi. Son niveau de bonheur reste alors identique, bien que sa norme de consommation intègre des biens (eau, électricité, voiture, vacances, éducation, santé…) considérés comme un luxe inaccessible pour de nombreux êtres humains.
Près de 44 % de la population mondiale vivait avec moins de 5,5 dollars par jour avant la crise sanitaire, selon la Banque mondiale, nul doute qu’une hausse de leurs revenus aurait des effets indéniables sur leur bien-être et probablement sur leur bonheur. Andrew Clark, Sarah Flèche et Claudia Senik4, de l’École d’économie de Paris, ont montré qu’au cours de ces 40 dernières années, les inégalités de bonheur ont diminué dans la plupart des pays qui ont connu une croissance des revenus.
Une existence décente, au minimum
Daniel Kahneman (Nobel d’économie en 2002, bien que psychologue !), l’un des fondateurs de l’économie comportementale, explique cependant que chacun s’adapte en permanence à son niveau de bonheur de référence.
En effet, l’individu admet que celui-ci ne peut croître éternellement. À cause du phénomène d’adaptation, poursuit Kahneman, il ne peut pas non plus durablement se détériorer. C’est l’utilité marginale décroissante de la hausse des revenus sur le bonheur, qui offre peu de perspectives de succès aux politiques économiques visant à satisfaire sans relâche leur population.
En revanche, l’enquête5 récente du chercheur Matthew Killingsworth (Université de Pennsylvanie) révèle que le bien-être augmente bien avec le revenu, laissant penser que des revenus plus élevés procurent toujours une plus grande satisfaction globale de vie, sans se heurter à des seuils. Dans cette hypothèse, la croissance économique aurait bien la capacité d’améliorer le bien-être, voire le bonheur, des populations.
Une seconde explication traite de la comparaison sociale. C’est moins le niveau du revenu qui compte que sa comparaison avec ceux des collègues et de son groupe de référence et donc l’existence d’écarts.
Les individus sont doués de droits inaliénables ; parmi lesquels celui à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Déclaration d’indépendance des États-Unis (1774).Ainsi, une amélioration de niveau de vie identique pour tous, sans modification de la répartition des revenus, n’a pas d’influence sur le niveau de satisfaction. Mais l’amélioration de la satisfaction étant plus forte pour les revenus faibles en hausse, tout doit être fait pour faciliter la mobilité sociale. Les inégalités posent moins de problèmes quand la mobilité est forte.
Éco-mots
Mobilité
Changement de position sociale d’un individu au cours de sa vie ou entre générations.
On le voit, le bonheur est une notion complexe. À partir du moment où une « existence décente » est garantie, il n’y a pas que l’argent dans la vie ! L’économiste britannique Richard Layard6 met en avant d’autres sources de satisfaction : la vie familiale et sociale, la satisfaction au travail, l’honnêteté, la confiance, l’autonomie, la sécurité… auxquelles on peut rajouter la démocratie, la liberté et la possibilité de choisir sa vie.
« Les individus sont doués de droits inaliénables ; parmi lesquels celui à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur », est-il écrit dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis (1774). Et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen rappellera, en 1793, que « le but de la société est le bonheur commun ».
Notes
1. « Pensée » 138, Blaise Pascal.
2. Théorie des sentiments moraux, 1759.
3. Introduction aux principes de la morale et de la législation, 1789.
4. The Great Happiness Moderation, PSE Working Papers, 2012.
5. Échantillon de 33 391 personnes (âgées de 18 à 65 ans), pendant sept ans (étude 2020).
6. Le Prix du bonheur, Armand Colin, 2007.