Depuis lundi 26 septembre, l’activité de raffineries et de dépôts de carburants est ralentie par un mouvement de grève de la part des salariés de TotalEnergies et ExxonMobil. Si depuis les années 1980, on observe une longue tendance à la baisse de la conflictualité, la France reste un pays où les salariés utilisent la grève pour manifester leur gronde.
En France, en 1975, selon la Dares, on dénombrait plus de 3 000 journées non travaillées pour 1 000 salariés, contre 114 jours en 2018. En comparaison, l’Allemagne n’en compte que 18 en 2018.
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Pourtant, à en croire Mancur Olson, les individus n’ont pas intérêt à s’engager dans une grève. Véritable pionnier dans l’analyse des mouvements sociaux, cet auteur formulait en 1966 son célèbre « paradoxe de l’action collective ».
Il part d’un constat : participer à une action collective – une grève, par exemple – induit à la fois des inconvénients (perte d’une journée de salaire non travaillée) et des avantages (potentiel gain de salaire).
Depuis lundi 26 septembre, l’activité de raffineries et de dépôts de carburants est ralentie par un mouvement de grève de la part des salariés de TotalEnergies et ExxonMobil. Si depuis les années 1980, on observe une longue tendance à la baisse de la conflictualité, la France reste un pays où les salariés utilisent la grève pour manifester leur gronde.
En France, en 1975, selon la Dares, on dénombrait plus de 3 000 journées non travaillées pour 1 000 salariés, contre 114 jours en 2018. En comparaison, l’Allemagne n’en compte que 18 en 2018.
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Pourtant, à en croire Mancur Olson, les individus n’ont pas intérêt à s’engager dans une grève. Véritable pionnier dans l’analyse des mouvements sociaux, cet auteur formulait en 1966 son célèbre « paradoxe de l’action collective ».
Il part d’un constat : participer à une action collective – une grève, par exemple – induit à la fois des inconvénients (perte d’une journée de salaire non travaillée) et des avantages (potentiel gain de salaire).
Si les coûts sont jugés supérieurs aux avantages, alors les individus n’ont pas intérêt à y prendre part, d’autant qu’ils pourront bénéficier des avantages si d’autres y participent à leur place.
C’est le cas classique du non-gréviste qui bénéficie de l’augmentation de rémunération conquise par la grève, sans avoir à subir de retenue de salaire. Mais si tous suivent ce raisonnement, personne ne participera et l’action collective ne pourra avoir lieu. D’où le paradoxe.
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Éco-mots
Passager clandestin
Phénomène où celui qui ne participe pas à une action collective (grève, manifestation, sitting…) pour ne pas en supporter les coûts (temps passé à défiler, perte de salaire, prise de risque…), profite en revanche pleinement des avantages retirés de cette action sans en payer le juste prix (augmentation de salaires, droits sociaux...). Différents domaines sont concernés par ce comportement : le syndicalisme, la finance, les conseils d’administration des grandes sociétés, l’ONU, la lutte contre le réchauffement climatique…
Rétributions symboliques
Mais alors comment inciter un individu à s’engager tout de même dans une grève ? Certaines organisations, notamment des syndicats, ont mis en place des « incitations sélectives » c’est-à-dire des récompenses financières rendant les coûts de participation moins lourds pour les grévistes.
C’est le cas, par exemple, des caisses de grève, qui visent à compenser la perte de revenus des grévistes. Ainsi prémunis contre la perte financière d’une journée non travaillée, les individus ont davantage intérêt à faire grève.
Plus récemment, le sociologue Daniel Gaxie a développé une analyse incontournable dans la compréhension des mouvements sociaux. Selon lui, la participation à une action collective peut apporter des « rétributions symboliques » : constitution d’un capital social, sentiment de donner un sens à sa vie, de défendre des idées nobles, de participer à l’histoire, acquisition d’une culture militante, autant de récompenses non financières.
En outre, les grévistes, via leur participation, vont pouvoir développer de nouvelles compétences potentiellement valorisables dans d’autres sphères (rédaction de tracts, discours en public).
Au-delà de ces gains, cet auteur n’oublie pas la dimension d’intégration sociale. En participant à une grève, les individus partagent des émotions, entretiennent ou tissent de nouvelles relations. L’expérience de grève ainsi vécue suggère que le sentiment de participer à une aventure riche dépasse les calculs purement rationnels et économiques.
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