La hausse générale du prix de l’énergie s’établit autour de 18 % en France, contre 26 % pour la zone euro sur l’année 2021. Le prix du baril de pétrole s’établit à 108 dollars le 29 avril (contre moins de 75 dollars fin décembre 2021). Le prix du Kwh de gaz a quant à lui plus que quintuplé passant de 25 euros il y a moins d’un an, à 132 euros aujourd’hui.
La reprise de l’activité économique post-Covid au milieu de l’automne, a été spectaculaire, et inattendue par les fournisseurs d’énergies.
Cette forte demande n’a pas pu être anticipée en amont par les producteurs d’énergie. Cela a mené à des pénuries, des retards d’approvisionnements des matières premières nécessaires pour la production et a eu pour effet une montée mécanique des prix.
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Cette inflation de l’énergie pèse ainsi sur les coûts de production des entreprises, provoquant un choc d’offre.
Choc d’offre
Un choc d’offre est une variation imprévue des conditions de production qui affecte les producteurs. Ici, le prix de l’énergie impacte les coûts de production.
La croissance touchée de plein fouet
L’énergie est le facteur sans lequel la production ne peut pas avoir lieu. Sans énergie, il n’y a plus d’électricité, on ne peut pas faire fonctionner ses machines, on ne peut pas se faire livrer ses matières premières (transports par bateaux, camions, avions qui nécessitent de l’énergie pour fonctionner).
L’inflation des prix de l’énergie pesant sur les coûts de production, elle se reflète logiquement sur les prix finaux des biens. De fait, la croissance du PIB se contracte avec la hausse des prix de l’énergie.

Observation d’un lien fort entre la croissance du PIB et la consommation d’énergie mondiale. Une contraction de la consommation d’énergie entraîne une diminution de la croissance du PIB.
« 10 % en moins de volume d’énergie apporte 1 point d’inflation et réduit la croissance du PIB d’environ 0,7 point » estimait récemment Stéphane Carcillo, professeur affilié au département d’économie de Sciences Po qui dirige en parallèle la division Emploi/Revenus de l’OCDE, sur le plateau de BFM Business.
La Bank of America a également revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’année 2022 en zone euro, passant de de 3,5 % à 2,8 %. La banque américaine a également augmenté ses prévisions d’inflation en 2022 à 6 % (contre 4,4 % prévus auparavant) en zone euro. Plus d’inflation, moins de croissance : la stagflation est là.
Un scénario comparable a eu lieu après le premier choc pétrolier en 1973. Un embargo mis en place, cette même année, par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a fait quadrupler le prix du baril, entraînant également un choc d’offre. C’est alors la première fois qu’on observe un phénomène de stagflation.
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La Banque centrale dans l’embarras
Pour lutter contre l’inflation, l’outil habituel de la Banque Centrale Européenne serait une augmentation de ses taux d’intérêt directeur.
Politique monétaire
Partie de la politique économique consistant à agir sur la masse monétaire notamment par les taux d’intérêt, pour influencer le niveau de l’activité économique, l’emploi et l’inflation.
Problème, l’augmentation du taux d’intérêt n’a que peu d’efficacité pour lutter contre ce genre d’inflation. Une hausse du taux d’intérêt va restreindre la demande, et de fait freiner l’activité économique, mais n’aura pas de réel impact sur la baisse des prix de l’énergie, surtout dépendants de l’offre et de la demande mondiale.
Aux États-Unis dans les années 70, la coûteuse lutte contre l’inflation
On peut regarder dans le rétroviseur pour analyser ce qui a été fait dans la période de stagflation des années 70 et au début des années 80. À cette époque, le gouverneur de la Réserve fédérale américaine (Fed), Paul Volcker (mandat 1979-87) décide de monter les taux d’intérêts directeurs de 9 points, passant de 11 % (1979) à 20 % (1981).
Sur le plan de l’inflation, les résultats sont spectaculaires : elle passe de 13,5 % à 3,2 % en deux ans. Mais le chômage s’envole : il passe de 6 % en 1979 à 10 % en 1982. Cette décision coûtera d’ailleurs en partie sa réélection au président démocrate de l’époque Jimmy Carter. Ce dernier, bon joueur, considérera malgré tout que l’action de Volcker était « nécessaire ».
Les banques centrales se retrouvent face à une impasse. Il est très difficile pour Christine Lagarde (présidente BCE) et Jerome Powell (président FED) d’augmenter leurs taux directeurs, car il y aura des conséquences négatives sur l’emploi et l’activité économique.
Pour le géant d’actifs financier Blackrock, le coût à payer pour réduire l’inflation actuelle serait par exemple aux États-Unis un triplement du taux de chômage, à un niveau proche des 10 %, loin du plein-emploi que connaît en ce moment le pays.