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Théorie du ruissellement : Voltaire, militant décomplexé de la première heure

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Saluant la société d’abondance, l'écrivain et philosophe des Lumières offre une vision décomplexée de l’économie de rente. Persuadé que la fortune des nantis profite aussi aux plus démunis, il propose une des premières théories du ruissellement : réinvesties dans l’économie, les ressources des riches stimulent croissance et emploi. Rousseau, lui, est résolument contre.

Martial Poirson, professeur à l’iniversité Paris 8
,

© DR

« Le riche est né pour beaucoup dépenser ;

Le pauvre est né pour beaucoup amasser.

[…] Ainsi l’on voit en Angleterre, en France,

Par cent canaux circuler l’abondance.

Le goût du luxe entre dans tous les rangs ;

Le Pauvre y vit des vanités des Grands ;

Et le travail, gagé par la mollesse,

S’ouvre à pas lents la route à la richesse »

Prenant position dans la « querelle sur le luxe » qui agite les esprits au XVIIIe siècle, Voltaire est un partisan de la dépense improductive, qu’il considère comme source de prospérité. Il passe sous silence le commerce des denrées coloniales issues de la traite esclavagiste telles que le sucre ou le café, dont le chapitre 19 de Candide (1759) offre une dénonciation sans appel à travers la figure du « nègre de Surinam ».

Vantant les mérites d’une France galante empreinte de mondanité, soucieuse de savoir-vivre, il aborde le luxe, non plus comme une question éthique, à l’instar de ses devanciers, mais comme un enjeu économique et idéologique. Et énonce une série de paradoxes et d’idées contre-intuitives.