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Ben Bernanke, l’homme des crises financières
Portraits d'Économistes
Ben Bernanke, l’homme des crises financières
Économiste et ancien président de la Banque centrale américaine (FED) entre 2006 et 2014, Ben Bernanke devient le nouveau lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, avec ses collègues américains Douglas Diamond et Philip Dybvig.
Antoine Tirot
© MARY F CALVERT/NYT-REDUX-REA
Qui suis-je ?
Ben Shalom Bernanke naît le 13 décembre 1953 à Augusta dans l’État de Géorgie aux États-Unis. Bernanke est un économiste néokeynésien, aussi connu sous le nom de “nouvelle école keynésienne”. Le mouvement néokeynésien prétend effectuer la synthèse entre la théorie néoclassique et la théorie keynésienne.
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D’origine austro-hongroise, l’économiste commence à étudier sur les bancs de la prestigieuse université d’Harvard où il est diplômé en 1975, puis obtient son doctorat d’économie au sein du MIT en 1979.
Après l’obtention de son doctorat, Bernanke devient enseignant d’économie à l’université de Stanford et à l’université de New York jusqu’en 1985. Durant cette période, il donnera également de nombreuses conférences à la London School of Economics.
En 1985, il évolue en tant que professeur d’économie à la célèbre université de Princeton, puis devient en 1996 le président de cette même université pendant six ans. Lors de sa carrière universitaire, il s’intéresse aux questions monétaires, bancaires mais aussi à l’histoire économique et notamment la grande dépression de 1929 aux États-Unis.
En 2002, Bernanke intègre le conseil des gouverneurs de la Réserve Fédérale américaine (FED) et est nommé, le 21 juin 2005, président du Conseil économique de la Maison-Blanche. Quatre mois plus tard, en octobre, Georges Bush parachute le natif de Géorgie à la présidence de la FED. Il succède au long règne d’Alan Greenspan, resté 18 ans à la tête de la banque centrale américaine.
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Au cours de sa présidence, Bernanke doit faire face à la grande crise financière de 2008 et notamment à la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers. Il met en place un plan de sauvetage du système financier en accordant des facilités aux banques et en organisant le rachat des dettes hypothécaires (quantitative easing), par la Réserve Fédérale.
Éco-mots
L’assouplissement quantitatif, ou quantitative easing (QE) en anglais, est un outil de politique monétaire non conventionnelle. Utilisé pour lutter contre le risque de déflation et de récession, il consiste, pour une banque centrale, à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur les marchés financiers en achetant des actifs (notamment des titres de dette publique) aux banques commerciales et à d’autres acteurs. Ces achats massifs entraînent une baisse des taux d’intérêt. Cela permet aux ménages, aux entreprises et aux États de continuer à se financer à de bonnes conditions, favorisant la croissance économique et la remontée du taux d’inflation.
En décembre 2009, il est élu “personnalité de l’année” par le magazine Time, pour avoir sauvé l’économie américaine d’un désastre financier. Bernanke préside la FED pendant huit ans jusqu’au 31 janvier 2014, et laisse sa place à Janet Yellen.
Il continue sa carrière du côté de Washington à la Brookings Institution, think-tank consacré à la recherche en sciences humaines (surtout en économie), en tant que membre principal. Il continue de donner des conférences aux quatre coins du monde, et est conseiller pour le fonds d’investissement “Citadel Investment Group” et pour le fonds obligataire “Pimco”.
Le 10 octobre 2022, Ben Bernanke et ses collègues américains Douglas Diamond et Philip Dybvig sont les lauréats du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, pour leurs recherches portant sur les banques et les crises financières.
Au cœur de la crise des subprimes
Grand expert de la crise de 1929, Bernanke a su ne pas répéter les mêmes erreurs effectuées dans le passé pour sauver l’économie américaine en 2008 lors de la crise des subprimes et la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers.
Éco-mots
Désigne un prêt immobilier bancaire auprès d’un client dit à risque, c’est-à-dire avec un risque de voir le client ne pas rembourser le prêt élevé. En contrepartie de sa solvabilité incertaine le client se voit offrir un taux d’intérêt, souvent variable, plus haut qu’un client offrant de meilleures garanties. Les prêts subprime se sont développés principalement aux États-Unis et au Royaume-Uni et sont à l’origine de la crise financière de 2008. À cause de la hausse du taux directeur de la banque centrale américaine, les mensualités de ces prêts ont augmenté et rendu impossible pour les clients de les rembourser.
La FED établit dans l’urgence un plan de sauvetage des banques américaines en rachetant leurs titres subprimes, actifs toxiques. Jusqu’alors, seul le Japon s’est déjà essayé aux politiques d’assouplissement quantitatif.
Le président de la banque centrale américaine décide également d’abaisser les taux d’intérêt directeurs à 0 % pour ne pas subir une période de déflation. Le but recherché est d’opérer une politique contracyclique pour éviter que la crise soit encore plus profonde. Bernanke s’assure également que toutes les banques centrales dans le monde disposent d’un niveau suffisant de liquidités en dollars pour freiner la propagation de la crise.
Éco-mots
Déflation
Elle se définit comme l’opposé de l’inflation. Elle se caractérise par une baisse continue et auto entretenue du niveau général des prix. Elle peut inciter les ménages à reporter leurs décisions d’achats dans l’attente de nouvelles chutes de prix et, surtout, provoque une dégradation de la situation financière des particuliers et institutionnels qui ont recours à l’emprunt.
En rachetant ces actifs toxiques et en accordant des prêts à taux zéro, le bilan de la FED a quadruplé, passant de 800 milliards de dollars avant la crise contre 3,2 milliards de dollars en 2012. Considéré comme le “pompier en chef” de la crise de 2008, Bernanke attire également les foudres de certains experts redoutant l’inflation.
Pour les “faucons”, le rachat des actifs toxiques (puis des obligations d’État) ainsi que les taux 0, conduisent à augmenter la quantité de monnaie en circulation, susceptible de provoquer par la suite une incontrôlable inflation. Cependant, le chef de la FED continuera, jusqu’à la fin de son mandat, d’opérer une politique monétaire accommodante pour se focaliser sur l’emploi et la croissance.
Ben Bernanke rentre un peu plus dans l’histoire économique car il devient le 10 octobre 2022, prix nobel d’économie grâce à ses travaux sur le rôle des banques et les crises financières.
Il s’intéresse notamment au phénomène de “Bank run” (course au guichet), étant un facteur aggravant les crises financières. En se précipitant pour retirer leurs liquidités lors d’une crise, les clients des banques peuvent transformer une simple récession en dépression économique. Il prend l’exemple de la crise de 1929 pour montrer ce phénomène de panique bancaire.
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Dates clés :
1953 : Naissance à Augusta (Géorgie)
1979 : Doctorat au MIT
1996-2002 : Président de l’université de Princeton
2002 : Membre du conseil des gouverneurs de la FED
2006-2014 : Président de la FED
2022 : Prix nobel d’économie