Portraits d'Économistes
Joseph Stiglitz et la théorie du screening
Économiste américain, colauréat du prix Nobel d’économie en 2001 pour ses travaux sur les marchés avec asymétrie d’information, il appartient au courant des « nouveaux keynésiens ».

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Qui suis-je ?
Joseph Stiglitz est un économiste américain, colauréat du prix Nobel d’économie en 2001 pour ses travaux sur les marchés avec asymétrie d’information. Il appartient au courant des « nouveaux keynésiens » qui ont introduit dans la problématique macroéconomique keynésienne l’étude des comportements individuels.
Le screening est une théorie qui a comme objectif d'expliquer le processus qui permet d'obtenir l’information privée (information privilégiée) de la part d’un agent économique. C'est l'une des composantes de base de l'économie de l'information, avec le Market for Lemons d'Akerlof (asymétrie d'information).
Les économies de marché ne sont pas capables de s'autoréguler. Elles ne peuvent pas fonctionner en pilote automatique, en particulier si l'on veut s'assurer que leurs bénéfices seront largement partagés.Joseph Stiglitz
Mes dates clés
- Naissance : Né le 9 février 1943 à Gary, aux États-Unis
- 2001 : Reçoit le "Prix Nobel" d'économie
Si l’information circulait trop bien…
« Si l’équilibre concurrentiel est défini comme une situation dans laquelle les prix sont tels que tous les profits d’arbitrage sont éliminés, est-il possible qu’une économie concurrentielle soit toujours en équilibre ? Clairement non, car ceux qui se livrent à l’arbitrage ne dériveraient aucun profit de cette activité coûteuse. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle tous les marchés, y compris celui de l’information, sont toujours en équilibre et toujours parfaitement arbitrés est incohérente lorsque l’arbitrage est coûteux. »
SANFORD J. GROSSMAN AND JOSEPH STIGLITZ, « On the impossibility of informationally efficient markets », American Economic Review, 1980
Grossman et Stiglitz appliquent cette idée à une question plus complexe : la révélation de l’information par les prix des actifs financiers. Pour comprendre ce mécanisme, considérons l’exemple de la vente aux enchères d’un tableau trouvé dans un grenier. Une vingtaine de personnes participent à l’enchère, et trois d’entre elles savent que le tableau est en réalité de Picasso. Au cours de l’enchère, dans leur tentative de l’acquérir, elles surenchériront entre elles jusqu’à ce que le prix reflète la vraie cote d’un Picasso. Ce prix révèle aux 17 autres participants que c’est un Picasso. L’information privée de nos trois experts devient donc publique à travers son effet sur le prix d’adjudication. De plus, ceux-ci sont incapables d’en profiter pour faire une bonne affaire en achetant au-dessous de la cote. Au prix d’équilibre, il n’y a en effet pas de possibilité d’arbitrage. Un marché financier « parfait » est tel que toute information nouvelle est immédiatement reflétée dans les prix, de sorte qu’il n’est pas possible de gagner de l’argent en utilisant cette information. C’est sur de tels résultats que les économistes s’appuient quand ils préconisent des stratégies passives de détention d’un portefeuille diversifié de valeurs boursières plutôt que de recourir à un conseiller financier impliqué passant de nombreux ordres d’achats et de ventes. Pourquoi ? Parce que si ces ordres reposent sur des informations déjà reflétées dans les prix de marché, alors cette stratégie « active » ne donnera aucun résultat. Relativement à une stratégie passive, l’investisseur ne fera qu’y perdre les émoluments de son conseiller…
Grossman et Stiglitz nous disent que si l’on était dans une telle situation, personne n’aurait intérêt à produire de l’information ni à arbitrer sur les marchés. Conséquence : il est impossible, dans la réalité, que les marchés transmettent parfaitement l’information. On s’attend plutôt à ce que les prix reflètent l’information des investisseurs, mais pas au point d’éliminer les gains de ceux-ci : l’information restera suffisamment « rare » pour que ceux qui la produisent aient des gains d’arbitrage suffisants pour compenser les coûts de production de l’information. Si l’on en croit ces auteurs, les craintes de Huxley ne sont donc pas entièrement justifiées. À l’équilibre, il subsistera toujours une dose de diversité culturelle compatible avec une certaine incitation à voyager. Cela explique sans doute pourquoi le Big Mac n’a pas tout à fait le même goût à São Paulo qu’à Moscou, ou encore pourquoi les horaires des repas madrilènes ne sont pas encore les mêmes qu’à Berlin.
Si l’information circulait trop bien…
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