Géopolitique

Avec le DSA, l’Union européenne s’affirme encore un peu plus face aux géants du numérique

Après le RGPD, entré en application en 2018, l’UE se dote d’un nouvel outil de protection des consommateurs européens en ligne : le DSA. L’objectif premier est de forcer les géants du numérique à mieux modérer les contenus problématiques sur leurs plateformes.

,
Illustration de l'article Avec le DSA, l’Union européenne s’affirme encore un peu plus face aux géants du numérique

© Callum Hilton / Pexels

Pourquoi_en_parle.png

Depuis le 25 août, l’Union européenne est dotée d’un nouvel outil de protection numérique des citoyens européens.

Cet outil, c’est le DSA, pour Digital Services Act. Derrière ce nom technique se cache un texte censé contrer la diffusion de contenus illicites (pédopornographie, terrorisme, haine, etc.) et contenir la prolifération d’actions préjudiciables comme les fake news ou les ingérences sur les plateformes numériques que vous utilisez tous les jours comme les réseaux sociaux ou les sites d’achat en ligne.

Le DSA vient compléter un autre texte au nom barbare, le DMA (Digital Markets Act), entré en application le 2 mai 2023 et qui vise à contrôler les activités économiques des grandes plateformes du numérique.

DEfinition.png

Le DSA, tout comme le DMA, sont deux règlements européens. Cela signifie que, à la différence des directives, les textes doivent être appliqués tels quels (sans adaptation nationale) dans tous les États membres.

Le DSA vise surtout une liste de 19 grandes entreprises du numérique comme Alibaba, Amazon, Apple, Facebook, Google, Bing etc). Pourquoi elles d’abord ? Car elles rassemblent chacune plus de 45 millions d’utilisateurs actifs chaque mois, soit environ 10 % de la population de l’UE.

De ce fait, concernant les contenus illicites, le règlement leur impose désormais de mettre en place des outils simples et rapides à destination des utilisateurs pour signaler ces contenus. Et pour accélérer leur retrait, les entreprises doivent coopérer avec des « signaleurs de confiance » dans chaque pays (ONG, associations etc.).

Dans le cas des contenus dangereux (fake news, manipulation, ingérence…), les plateformes sont soumises à une plus grande transparence auprès des utilisateurs et du législateur concernant leurs algorithmes de recommandation des contenus. Il est même possible, pour un utilisateur européen, de désactiver l’utilisation de cet algorithme. Dans la même veine, le DSA interdit à ces plateformes de procéder à de la publicité ciblée.

Pour aller plus loin > Intelligence artificielle, data, cloud… L’UE n’est-elle bonne qu’à réguler ?

C’est la Commission européenne qui est chargée de contrôler la bonne application du texte par les plateformes, avec l’aide de l’autorité de protection des données numériques du pays dans lequel se trouve le siège social européen de la plateforme.

En cas d’infraction, le législateur européen prévoit des amendes qui peuvent atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise visée, mais également des suspensions d’activités dans l’Union européenne.

MEcanisme.jpg

La Commission européenne, qui est à l’initiative des politiques de l’UE, travaille sur le sujet depuis décembre 2020.

Après des modifications du texte par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’UE (ou Conseil de l’UE), une version finale du DSA est entrée en vigueur le 27 octobre 2022, avant d’entrer en application ce 25 août. Du moins pour sa première partie puisqu’une deuxième mise en application pour l’ensemble des plateformes numériques interviendra le 17 janvier 2024.

La réflexion du législateur européen a été initiée après de nombreuses polémiques visant les dérives des comportements et des enjeux politiques et sociaux sur les plateformes numériques. Ingérence russe dans la campagne électorale américaine de 2016, campagne de désinformation sur le Covid, vidéos violentes, propos haineux et racistes etc. toutes ces raisons ont poussé l’Union européenne à mettre de l’ordre dans l’internet européen.

Pour aller plus loin > Comment fonctionne la surtransposition des normes européennes ?

Cependant, cette nouvelle régulation pose un certain nombre de questions. Les plateformes qui bénéficient d’un pouvoir énorme à travers leur audience joueront-elles le jeu ? En tout cas, certaines semblent prêtes à le faire : TikTok, Google et Meta ont déjà annoncé, via des communiqués, avoir procédé à des changements dans leurs paramètres. Bruxelles va examiner ces changements et déterminer s’ils sont suffisants.

De son côté, X (ex-Twitter), par la voix de son propriétaire Elon Musk, assure aussi qu’il se conformera aux règles européennes, sans toutefois donner plus de précisions.

Par ailleurs, des entreprises comme Amazon ou Zalando ont d’ores et déjà posé des recours contre leur présence dans la liste des 19 entreprises soumises à la législation à partir du 25 août.

Pour aller plus loin > La concurrence, histoire d’une obsession européenne

L’un des plus gros enjeux des DSA est d’ailleurs la question de la modération des contenus. Compte tenu de la somme astronomique de contenus à analyser, des investissements importants doivent être réalisés par les plateformes pour suivre le rythme. Chez Meta, près de 1 000 personnes seraient dévolues à cette tâche. Mais qu’en est-il de Twitter, dont les effectifs ont fondu depuis l’arrivée d’Elon Musk ?

Enfin, peut-on imaginer la suspension de réseaux sociaux comme Facebook ou Instagram si d’aventure ces plateformes ne se conformaient pas aux règles européennes ?

Citation.png

Thierry_Breton_citation_ok.png« La modération du contenu ne signifie pas la censure. Il n’y aura pas de ministère de la Vérité en Europe. Le maître mot est "transparence" ».

Thierry Breton

Commissaire européen au marché intérieur et qui porte le Digital Services Act

Utile pour ces chapitres

Première HGGSP : « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication »

Terminale SES : « Quelles politiques économiques dans le cadre européen ? »

  1. Accueil
  2. Monde
  3. Europe
  4. Avec le DSA, l’Union européenne s’affirme encore un peu plus face aux géants du numérique