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Ce que le 11 septembre 2001 a changé pour le transport aérien

Il y a vingt ans, les attentats commis aux États-Unis secouaient toute la planète. Si du côté du trafic, le transport aérien a réussi à se remettre du choc, la menace terroriste a transformé à jamais l’expérience des passagers.

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© Minneapolis Star Tribune/ZUMA/RE

11 septembre 2001. Quatre attentats sont perpétrés par le réseau djihadiste Al-Qaïda aux États-Unis. Ces attaques terroristes, les plus meurtrières jamais commises, font près de 3 000 morts et plus de 6 000 blessés. Les images des deux avions qui s’écrasent sur les tours jumelles du World Trade Center, à Manhattan, font le tour du monde.

Face à la catastrophe, « on décide de clouer tous les avions au sol. Les appareils ne peuvent plus entrer sur le sol américain. Certains se retrouvent bloqués au Canada ou sont contraints d’atterrir ailleurs », se souvient Paul Chiambaretto, enseignant-chercheur spécialiste de l’économie du transport aérien.

Un fait inédit, qui durera quatre jours avant que les avions puissent redécoller. Le secteur va être ébranlé. Pas tant du côté du trafic, mais en matière de lutte contre la menace terroriste.

La démocratisation du transport aérien après la libéralisation du marché

Avant 2001, le transport aérien vit pourtant de belles années. Très dynamique et tributaire de la situation économique, il connaît une forte croissance à l’échelle mondiale. L’ouverture à la concurrence y a amplement contribué. « Jusque dans les années 1980, le transport aérien était très régulé. La libéralisation de celui-ci, en Europe, a lieu en 1997 », relate Paul Chiambaretto.

Le marché européen voit l’arrivée de nouveaux acteurs, « les fameuses compagnies à bas coût comme EasyJet ou Ryanair » : « Certes, les monopoles nationaux ont des craintes, mais on entre dans une phase de démocratisation du transport aérien. Finalement, ces nouvelles compagnies, en proposant des prix plus bas ou tout simplement des nouvelles routes qui n’étaient pas desservies, vont accroître la taille du gâteau à se partager. »

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Des impacts très faibles sur le trafic

Et puis, survient le 11 septembre 2001. Vingt ans après les faits, force est de constater que les conséquences sur le trafic aérien ont été assez limitées. Entre le 11 septembre et le 4 novembre 2001, les voyages ont diminué de 26 % sur l’Atlantique du Nord et de 10 % en Europe.

Mais sur l’ensemble de l’année, le trafic aérien mondial n’a reculé que de 2,7 %. « Les impacts ont été très faibles. Après quelques mois, les trafics ont repris leur ascension, +3 % à 4 % par an », commente Yves Crozet, professeur émérite à Sciences-Po Lyon.

Pour limiter la casse, les États décident néanmoins de venir en aide à cette industrie. Aux États-Unis, les aides versées atteignent environ 18 milliards de dollars pour les compagnies aériennes.

En France, elles bénéficient d’une compensation de 360 millions de francs pour la fermeture du ciel américain. Certaines compagnies, les plus fragiles comme Swissair ou Sabena, ne résistent pas au choc. Toutes voient leur taux de remplissage, (c’est-à-dire, le pourcentage de places vendues dans l’avion par rapport aux nombres de sièges disponibles) baisser.

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La sûreté a pris une ampleur phénoménale

Ce qui change profondément après le 11 septembre, c’est l’expérience passager, s’accordent à dire les professionnels. Le risque terroriste est devenu primordial. « Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, il faut se rappeler qu’avant les attaques terroristes de 2001, une partie des contrôles de sûreté aéroportuaires se faisaient sur une base aléatoire et non systématique », rappelle Romain Papy, expert en transport aérien dans une opinion publiée par Les Échos.

En France, dès le soir des attentats, le gouvernement met en place le plan « Vigipirate renforcé » sur l’ensemble du territoire. Des mesures antiterroristes sont prises partout dans le monde. « Alors qu’auparavant, toute l’attention était portée sur des enjeux de sécurité, (c’est-à-dire les accidents qui ont lieu involontairement, pour des raisons techniques ou humaines) la problématique de la sûreté, relative à un acte malveillant, a pris une ampleur phénoménale », ajoute Paul Chiambaretto.

On ne prend donc plus du tout l’avion de la même façon avant et après le 11 septembre. Auparavant, voyager avec sa bouteille d’eau ou un ciseau ne posait pas de problème. Aujourd’hui, il faut venir 1h30 avant de prendre un vol pour passer les contrôles. Et d’une certaine façon, cela a contribué à réduire l’attractivité de l’avion par rapport au train.
Paul Chiambaretto

Enseignant-chercheur, expert en économie du transport aérien

12,35 euros sur un billet d’avion

Et toutes ces mesures entraînent des dépenses non négligeables. En 2016, le coût de la sûreté dans les aéroports français représentait 766 millions d’euros. Or, « le problème, c’est que ces coûts sont normalement une mission régalienne de l’État. Toutefois des accords passés font que ce sont les compagnies aériennes qui paient les aéroports pour mettre en place ces mesures, mais que c’est l’État qui fixe les règles du jeu. Résultats : les mesures sont toujours plus nombreuses et cela renchérit le prix d’un billet d’avion », détaille l’enseignant-chercheur.

Ce coût est en effet financé par la taxe d’aéroport, incluse dans le prix du billet. En moyenne, celle-ci représente 12,35 euros par passager en 2021. « Au final, ce sont les passagers qui paient. »

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Un secteur résilient

Malgré ces coûts devenus presque structurels vingt ans après les attentats, le transport aérien a su rebondir : en 2019, la Banque mondiale enregistrait près de 4,4 milliards de passagers. Et ce, alors que le secteur a aussi subi la crise des subprimes en 2008 et l’épidémie de SRAS en 2003. Des soubresauts face au marasme provoqué par la crise du Covid-19 en 2020.

« De ce point de vue, la pandémie a fait relativiser l’impact économique du 11 septembre pour le transport aérien », soulignent les experts. L’Association internationale du transport aérien (IATA) estimait la baisse du chiffre d’affaires à 252 milliards de dollars pour l’ensemble du secteur en 2020.

Mais Paul Chiambaretto se veut rassurant : « Le transport aérien reste un secteur qui fait preuve d’une résilience absolument extraordinaire. Sa croissance est essentiellement générée par la croissance économique. Et tant que la conjoncture économique sera bonne - et c’est majoritairement le cas à l’échelle mondiale -, le transport aérien continuera de croître. »

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Éco-mots

Élasticité revenu

L’élasticité revenu est un indicateur qui mesure la réaction de la demande d’un bien (par exemple des consommateurs) face à une variation du revenu des consommateurs. Pour la plupart des biens, l’élasticité revenu est positive.

Des mesures sanitaires permanentes ?

Est-ce que les mesures sanitaires liées au Covid-19 vont perdurer dans le transport aérien ? Après tout, les coûts de sûreté, actés à la suite du 11 septembre, sont devenus presque structurels. « Il est possible que les aéroports, les compagnies aériennes continuent de demander un pass sanitaire ou un vaccin aux passagers à l’avenir. On ne le sait pas, mais c’est envisageable », prévient Paul Chiambaretto.

Après la crise du SRAS de 2003, certains pays asiatiques, très impactés par ce virus, ont d’ailleurs systématisé des contrôles de température des passagers grâce à des caméras infrarouges. Mais là encore, se pose la question des coûts de ces mesures et de qui va les gérer. « Pour l’instant, ce sont les aéroports et les compagnies. À la fin, donc, ça retombe sur le client. »