La France peut-elle s'inspirer des politiques économiques réussies des autres pays du globe ? C'est le sujet qu'a choisi de traiter la rédaction de Pour l'Éco ce mois-ci. À retrouver en kiosque et en ligne.
1. Au Canada, de belles primes pour recruter des salariés trop rares
Là-bas, comme en France, de nombreux secteurs peinent à recruter : soins, aide à la personne, emplois saisonniers, vente, industrie. La solution des entreprises québécoises ? Verser une prime aux candidats ! Le McDonald’s des Laurentides offre une prime d’embauche de 1 000 dollars à chaque nouveau recruté.
Pendant ce temps, la scierie Résolu promet une prime de 2 000 dollars, mais versée progressivement au cours de 12 premiers mois. Elle peinait à recruter pour ses usines situées à plusieurs heures de route des grandes villes. « Quand tu attires un employé et sa conjointe, ça fait des employés pour les autres entreprises », soulignait un directeur d’usine, début janvier, à Radio Canada.
Ces primes s’ajoutent aux incitations des municipalités pour attirer de nouveaux résidents sur leur territoire. En France, des mairies de petites communes rurales mènent des politiques similaires. Un restaurateur de l’Orne, Sébastien Lecervoisier, avait réussi à recruter un cuisinier salarié en 2017 en promettant une prime de 500 euros, versée au terme d’une période d’essai.
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Une idée qui pourrait en inspirer plus d’un dans l’hôtellerie-restauration, qui peine à recruter en sortie de pandémie.
2. « Dette-nature » : Belize peut emprunter à condition de protéger son corail
En septembre dernier, le Belize – frontalier du Guatemala et du Mexique –, est parvenu à restructurer sa dette en échange d’une promesse : le pays investira plus de 23,4 millions de dollars dans des projets destinés à protéger sa barrière de corail. Un exemple d’échange « dette-nature ».
En 1987, une ONG américaine avait ainsi fait l’acquisition de dette extérieure bolivienne à un prix drastiquement réduit, en échange de quoi la Bolivie s’était engagée à investir pour la protection de la réserve de la biosphère du Beni. Des approches similaires ont été utilisées pour établir un sanctuaire marin aux Philippines ou pour protéger la faune et la flore de Pologne.
Toutefois, malgré l’exemple récent du Belize, les échanges dette-nature demeurent peu nombreux depuis 30 ans. Pourtant, selon la professeure d’économie italo-suisse Beatrice Weder di Mauro dans Le Monde, « les pays riches sont responsables de la crise climatique et ont donc la responsabilité morale d’aider les pays les plus pauvres à faire face aux conséquences… Les échanges dette contre action climatique peuvent alors être une option parmi d’autres ».
En France, depuis 2017, une (toute) petite partie de la dette publique est adossée à des dépenses en faveur de l’environnement, que ce soit dans l’énergie, le transport, le bâtiment, les ressources vivantes, etc.
Éco-mots
Dette publique
Ce sont les emprunts contractés par l'État pour financer les déficits publics cumulés année après année, le plus souvent sous forme d'obligations d'État ou de bons du Trésor et non encore remboursés. C'est donc ce que l'État doit.
Ces « OAT vertes » financent par exemple les Voies navigables de France, qui entretiennent les berges en respectant la biodiversité et exploitent les voies navigables, accueillant du fret, évitant ainsi d’autres transports plus polluants.
3. L’Allemagne motive ses enseignants avec des salaires élevés
Le Luxembourg, l’Allemagne et la Suisse comptent parmi les pays où les enseignants sont le mieux payés. En Allemagne, un enseignant du primaire débutant peut espérer gagner 3 469 euros et 4 258 euros avec 15 ans d’expérience. Au collège, il touchera même 3 825 euros, puis 4 364 euros ensuite, selon l’OCDE.
L’Allemagne fait le choix de motiver ses enseignants en les payant plus. Toutefois, ils travaillent aussi davantage : non seulement un professeur allemand de collège ou de lycée dispose de 10 semaines de congé sur l’année (cinq semaines de moins qu’en France), mais en plus, il part en retraite plus tard : à 65 ans (bientôt 67).
Cette durée du travail plus longue, couplée à une concentration dans des établissements scolaires plus grands, débouche sur une surprise : malgré de meilleurs salaires, l’Allemagne consacre seulement 4,8 % de ses dépenses publiques à l’enseignement, contre 5,5 % en France.
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Pour l’heure, dans l’Hexagone, un enseignant du primaire débutant gagne en moyenne 1 716 euros net par mois. Fin août 2021, le ministre de l’Éducation nationale a promis une revalorisation à venir des salaires des professeurs en France, pour atteindre au minimum 2 000 euros net par mois en 2024.
4. En Suisse, une assurance chômage généreuse, mais très rigoureuse
En Suisse, l’assurance chômage relève du régime de Sécurité sociale, au même titre que l’assurance maladie et les prestations sociales.
Le montant des allocations perçues est plus élevé que chez nous : un ex-salarié sans enfant à charge percevra 70 % de son dernier salaire brut et 80 % s’il a des enfants à charge. Un critère qui n’existe pas en France.
En échange de cette générosité, les critères d’attribution sont stricts. Par exemple, un salarié doit avoir travaillé au moins 12 mois sur les deux dernières années pour toucher une allocation, contre six mois minimum en France.
Les démarches entreprises par les allocataires pour retrouver un emploi sont surveillées de très près : « Ce qui prime, c’est qu’une personne au chômage retrouve un emploi le plus rapidement possible et les allocataires doivent honorer au moins un rendez-vous par mois dans un centre de l’office régional de placement », souligne Giovanni Ferro Luzzi, professeur d’économie à la Haute école de gestion et à l’Université de Genève.
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Par ailleurs, les gestionnaires du régime veillent à ce qu’il n’y ait aucun dérapage dans les finances. Si le cas survient, ils ajustent brutalement les allocations.
Une telle réactivité n’est possible que grâce au consensus social qui règne en Suisse. Les organisations patronales et syndicales sont unies dans un même but : ne pas laisser les finances du régime d’assurance chômage se dégrader. Une différence majeure avec la situation française.
5. Le Danemark, médaille d’or de l’anti-corruption
Noté 88/100 dans le classement publié fin janvier, le Danemark se place en tête des nations les plus vertueuses contre la corruption depuis 10 ans, d’après l’ONG Transparency International.
La justice y est indépendante, les ONG puissantes pour faire le lien entre la société civile et l’État. Il existe aussi un médiateur public et un office de surveillance de la gestion de l’argent public.
La France est… 22e et l’ONG estime que la lutte contre la corruption n’a pas progressé depuis 10 ans dans notre pays. Elle pointe « les attaques portées contre le Parquet national financier et les associations de lutte contre la corruption, ou encore le nombre de membres du gouvernement mis en cause dans des affaires d’atteinte à la probité ».
Elle note aussi qu’« un nombre très important de décisions impactant considérablement les libertés publiques ont été prises dans le cadre très restreint et très opaque du Conseil de défense sanitaire, sans réel débat parlementaire, sans réels contrepouvoirs », durant la crise sanitaire.
L’ONG a récemment publié une liste de 11 propositions aux candidats à la présidentielle, pour une politique publique de lutte contre la corruption. Elle propose notamment de limiter à trois le nombre de mandats consécutifs pour les parlementaires et de rendre obligatoire la publication des rendez-vous des principaux décideurs publics avec des lobbyistes.