Sans financement privé, pas de transition énergétique. Voilà pourquoi la Commission européenne veut mettre en place une « taxonomie des investissements verts », incluse dans le Pacte vert pour l’Europe, afin de faire du continent un territoire climatiquement neutre en 2050.
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En classant les activités économiques contribuant à la neutralité carbone, la taxonomie veut aider les investisseurs à mieux orienter leurs liquidités et les entreprises à financer plus aisément des activités vertes.
Investisseurs et entreprises font aujourd’hui face à un foisonnement de labels privés, qui notent les actifs selon des critères Environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) plus ou moins rigoureux.
Gare au greenwashing
D’où le risque d’écoblanchiment (ou greenwashing) de la part des entreprises comme des investisseurs ; le risque est aussi que les entreprises sincères, ne sachant pas à quelles normes se vouer, ne puissent pas planifier correctement leur transition.
Dans sa taxonomie, la Commission a établi six objectifs, comme la lutte contre le changement climatique ou la transition vers une économie circulaire. Une activité (et par extension le financement de celle-ci) sera « verte » si elle « contribue de manière importante » à au moins l’un des objectifs, sans nuire significativement aux autres et tout en répondant à des minimums sociaux.
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La « contribution importante » d’une activité est soigneusement définie : l’activité doit soit permettre d’atteindre l’un des six objectifs, soit être une activité en « transition » (sans alternative viable à court terme), soit être indispensable à d’autres activités bas carbone (« habilitante »).
Inclus gaz et nucléaire
L’enjeu est proprement énorme : une entreprise ou un secteur exclus auront du mal à faire appel aux marchés financiers. La volonté de Bruxelles d’inclure le nucléaire et le gaz naturel dans sa taxonomie, en les considérant comme des activités de transition, a provoqué une forte polémique.
Un projet nucléaire pourrait ainsi recevoir des financements verts dans les pays qui, à court terme, doivent abandonner les centrales au charbon. Le projet de texte pourrait être bloqué si les eurodéputés le rejettent à la majorité absolue.
En l’état, la taxonomie européenne a perdu de sa crédibilité. Certains estiment qu’établir des catégories favorise en soi l’écoblanchiment.
En outre, les choix énergétiques créent des dépendances à long terme et produisent donc une grande inertie au changement. Il manque encore à la taxonomie une partie « obscure », à savoir une catégorie « brune », voire une liste d’exclusions.
Elles faciliteraient le travail des investisseurs et limiteraient le greenwashing (les actifs polluants apparaîtraient comme tels dans les portefeuilles).
La taxonomie a certes été conçue pour être évolutive. C’est à la fois une faiblesse (les acteurs privés peuvent l’influencer, en mettant en avant par exemple des technologies écologiquement contestables, comme le stockage du carbone) et un atout : elle représente un outil politique et réglementaire sur lequel les gouvernants peuvent agir et qui peut être affiné (rien n’empêchera d’ajouter une catégorie « brune »). Ce qui veut dire aussi qu’elle est perméable aux pressions sociétales.
La taxonomie pourra enfin être coordonnée avec les politiques publiques européennes qui doivent mener vers l’objectif de neutralité en 2050 et au-delà.
Quels sacrifices sommes-nous prêts à consentir pour financer, exécuter et assumer la transition énergétique, c’est-à-dire une gigantesque décarbonation de l’économie et de la société ? C'est le sujet qu'a choisi de traiter la rédaction de Pour l'Éco ce mois-ci. À retrouver ici.