Cet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne.
Vu d’Occident, c’est sans doute le pays où le politique a le plus de pouvoir sur l’économie. Et pour cause : avec son parti unique (et communiste), la Chine a toujours connu une forte intervention étatique. Les Chinois, globalement, cautionnent. Après tout, « le pays affiche une croissance continue depuis plusieurs années et il s’est construit une place majeure sur l’échiquier mondial », explique David Baverez, investisseur et auteur de Chine-Europe : le grand tournant1. Entre 2000 et 2019, la part de la Chine dans le PIB mondial est passée de 3,6 % à 17,8 %. Le pays pourrait même dépasser les États-Unis pour devenir la première puissance économique au monde d’ici 2028, à en croire les projections du Center for Economics and Business Research (CEBR).
Brandissant ces résultats, l’État se vante d’être « visionnaire, de mener une politique industrielle forte, avec des plans quinquennaux, comme la France a pu le faire dans les années 1970. Et puis il n’hésite pas à changer de ligne après avoir poussé une logique jusqu’au bout. Enfin – et les Asiatiques sont convaincus sur ce point d’être supérieurs aux Occidentaux – l’État a le courage de prendre des mesures impopulaires. Ce que nous n’avons pas fait en France depuis 50 ans », poursuit le sinologue, installé à Hong Kong.
Cet article est extrait de notre magazine consacré aux super-pouvoirs économiques des politiques. À retrouver en kiosque et en ligne.
Vu d’Occident, c’est sans doute le pays où le politique a le plus de pouvoir sur l’économie. Et pour cause : avec son parti unique (et communiste), la Chine a toujours connu une forte intervention étatique. Les Chinois, globalement, cautionnent. Après tout, « le pays affiche une croissance continue depuis plusieurs années et il s’est construit une place majeure sur l’échiquier mondial », explique David Baverez, investisseur et auteur de Chine-Europe : le grand tournant1. Entre 2000 et 2019, la part de la Chine dans le PIB mondial est passée de 3,6 % à 17,8 %. Le pays pourrait même dépasser les États-Unis pour devenir la première puissance économique au monde d’ici 2028, à en croire les projections du Center for Economics and Business Research (CEBR).
Brandissant ces résultats, l’État se vante d’être « visionnaire, de mener une politique industrielle forte, avec des plans quinquennaux, comme la France a pu le faire dans les années 1970. Et puis il n’hésite pas à changer de ligne après avoir poussé une logique jusqu’au bout. Enfin – et les Asiatiques sont convaincus sur ce point d’être supérieurs aux Occidentaux – l’État a le courage de prendre des mesures impopulaires. Ce que nous n’avons pas fait en France depuis 50 ans », poursuit le sinologue, installé à Hong Kong.
Bras de fer avec la Tech
En 2020-2021, alors que le monde subit la pandémie de Covid-19, l’intervention étatique s’est considérablement accélérée. Le pouvoir chinois justifie ce durcissement des politiques publiques au nom de la « prospérité commune ». Comprenez : il faut mieux redistribuer les richesses dans ce pays qui compte aujourd’hui le plus de milliardaires au monde. « Le parti communiste a fondé sa légitimité sur une sorte de contrat social qui assurait aux gens que leurs enfants vivraient mieux qu’eux-mêmes. Aujourd’hui, cette promesse n’est plus tenue », décrypte Camille Brugier, spécialiste de la Chine à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem).

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Au nom de cette « prospérité commune », le gouvernement a renforcé son emprise sur les entreprises : il prive certaines sociétés d’accès au crédit, renforce les cellules du Parti communiste à l’intérieur des entreprises et dicte à d’autres des objectifs à atteindre. Les firmes sont de plus en plus nombreuses à être absorbées par des entreprises publiques. « Le montant des opérations de rachat de firmes privées par des sociétés publiques a dépassé les 20 milliards de dollars en 2019, soit plus du double du niveau de 2012, dans des secteurs allant des services financiers à la pharmacie en passant par la technologie », rapporte le Wall Street Journal.
Monopole/Oligopole
Le monopole se caractérise par la présence d’un seul vendeur et d’une multitude d’acheteurs. L’oligopole met en relation un petit nombre de vendeurs, souvent de taille importante, et une multitude de demandeurs.
Le secteur de la Tech est particulièrement dans le collimateur de Pékin. Les entreprises du numérique ont connu un développement considérable lors de la dernière décennie grâce à un marché intérieur en pleine expansion. « Le PC veut garder les entreprises dans la ligne du parti, pour éviter qu’elles ne deviennent trop puissantes et ne concurrencent l’État central », résume Camille Brugier. « Réussir trop, c’est désigner en creux les imperfections d’un système qui se prétend encore attaché aux valeurs du marxisme et qui prône l’égalitarisme », complète Jean-François di Meglio, président de l’institut de recherche Asia Centre.
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De fait, certaines stars des affaires se retrouvent en prison. Fin 2020, Jack Ma, patron et fondateur du géant du commerce Alibaba, a « disparu » après avoir critiqué en public le système chinois. Quand il a refait surface, en janvier 2021, c’était dans une vidéo où il expliquait vouloir « œuvrer pour le bien commun ». Pas loin de la « prospérité commune », donc. L’intervention étatique a été excessive, « au risque de casser l’économie chinoise », souligne David Baverez. En 2021, la croissance chinoise n’a cessé de ralentir. Le resserrement des politiques publiques, avec notamment la volonté du gouvernement de contenir l’endettement et de garder une mainmise sur les entreprises, a eu des répercussions sur la confiance des investisseurs.
La jeunesse donne de la voix
Il ne faut pas croire toutefois que le pouvoir est absolu en Chine, fait remarquer l’expert. « Vu d’Occident, on sous-estime la présence de vrais contre-pouvoirs chinois. » Parmi les contestataires, on trouve les collectivités locales. « La Chine est un pays extrêmement décentralisé : 75 % des recettes fiscales sont locales. Or les collectivités voient bien que les décisions prises à Pékin ne sont pas toujours adaptées à la réalité du terrain. » Les collectivités locales s’entendent donc souvent avec les acteurs privés, deuxième contre-pouvoir non négligeable. « Ce sont ces derniers qui créent les emplois, qui investissent et détiennent le pouvoir économique », souligne le spécialiste.
Enfin, la jeunesse constitue une troisième opposition face à l’État central : « Contrairement à la situation française, en Chine, ce sont les jeunes qui détiennent le plus de richesses. Ils expriment leur mécontentement à leur façon : par leurs choix de consommation, en exigeant du gouvernement qu’il lutte plus contre le réchauffement climatique, par exemple, ou en investissant moins dans l’immobilier. Ou encore en refusant de faire des enfants. » En 2021, le taux de natalité a atteint un niveau historiquement bas de 7,52 naissances pour 1 000 personnes.
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1. Le Passeur, avril 2021
Avertissement aux entreprises de la « liste négative » !
Fin 2021, Pékin a durci le ton vis-à-vis des entreprises chinoises qui veulent se coter en Bourse à l’étranger : interdiction de proposer aux investisseurs étrangers plus de 30 % du capital. Le gouvernement surveille. Il a dressé une « liste négative » des entreprises, souvent numériques, qui doivent obtenir une « approbation » préalable. Une façon de les « encourager » à se coter sur le marché national. Pour Jean-François di Meglio, c’est la preuve que « la Chine fait le choix du repli, d’une diminution de la dépendance vis-à-vis de l’étranger. Un pari énorme, difficile à réussir. »