« La diplomatie environnementale organise chaque accord comme un tout » explique dans un article Amandine Orsini, professeure de relations internationales à l'université Saint-Louis-Bruxelles, centre de recherche en science politique (Crespo). D’où l’usage du mot « paquet » par Alok Sharma, « package » dans la version originale en anglais.
« Chaque négociation est découpée en sous-thématiques, mais l’accord final porte sur la totalité, un paquet global. » Si les pays les plus développés promeuvent des avancées, il faut alors accepter de faire des concessions. Autrement, l’accord est rejeté en bloc.
La chercheuse belge poursuit : « La diplomatie environnementale repose sur la règle du consensus. Le vote est très rarement pratiqué. [...] Or, les efforts pour limiter les changements climatiques n’ont de sens que si l’ensemble des États s’engage. De ce fait, l’issue de la diplomatie environnementale doit être celle d’un accord global » au sens mondial.
Biens environnementaux
Biens communs, en accès libre donc non excluables, transnationaux, mais rivaux, dans la mesure où leur utilisation par l'un ou l'une réduit les possibilités d'utilisation par l'autre. Les ressources halieutiques, l'atmosphère, l'orbite terrestre en font partie. Ils requièrent donc des règles communes, des actions collectives.
Le premier accord entre pays, aussi appelé accord multilatéral, en matière de climat date de 1857. Il engageait trois États limitrophes du lac de Constance, à cheval sur les actuelles Allemagne, Autriche et Suisse, dans la gestion commune, y compris financière, du lac.
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Bientôt 50 ans de coopération internationale en matière de climat
La coopération à l’échelle mondiale sur les questions environnementales est bien plus récente. Elle date de 1972 et la première Conférence des Nations Unies sur l'environnement humain. La Suède en est à l’origine, raconte Pamela Chasek, pour l’Institut international pour le développement durable.
En pleine guerre froide, le moment était venu selon les dirigeants suédois d’« avoir une discussion sérieuse et substantielle au niveau mondial sur les problèmes environnementaux ». « Pour beaucoup d'États, c'est d'ailleurs cet évènement qui stimule la mise en place d'un ministère de l'Environnement au niveau national », recontextualise de son côté Amandine Orsini dans cette note.
Cette première conférence n’avait pas vocation à aboutir sur des décisions. « Toutes les recommandations en découl[ant] dev[aient] être formellement adoptées par l'Assemblée générale », rappelle la chercheuse américaine.
Sur les 132 États membres de l'ONU, 113 étaient présents mais seulement deux dirigeants : Gandhi et Olof Palme de Suède. « Les résolutions demandaient l'interdiction des essais d'armes nucléaires susceptibles d'entraîner des retombées radioactives, la création d'une banque de données internationale sur l'environnement, la nécessité d'aborder les actions liées au développement et à l'environnement, des changements organisationnels internationaux et la création d'un fonds pour l'environnement. »
Le rythme s'accélère
Depuis, les réunions de ce type se sont multipliées. Rien qu’en 2021, les ministres de l’Environnement, de l’Économie ou les chefs d’État eux-mêmes se sont rassemblés pour parler climat à l’occasion du G20 en Italie, du G7 au Royaume-Uni, de l’inopiné One Planet Submit en France en janvier, du Congrès mondial de la Nature de l’UICN en septembre à Marseille et bien sûr de la COP26 à Glasgow.
Dans les prochains mois, les agendas sont aussi bien remplis, avec notamment :
- Convention pour la biodiversité (CBD) en Chine en mai 2022
La déclaration de Kunming devrait lister 21 cibles prioritaires pour protéger la nature. Parmi les priorités : la protection des espèces, la diversité génétique, la protection et restauration des écosystèmes, et enfin le respect des services écosystémiques. Néanmoins, aucun des 20 objectifs de la dernière CBD n'a été atteint. Elle a eu lieu en 2010 à Nagoya et l’échéance portait sur... 2020.
« Préciser la rédaction des objectifs permet de les rendre beaucoup plus solides et d'éviter les ambiguïtés, donc le risque d'inefficacité », espère Paul Leadley, professeur d'écologie à l'université Paris-Saclay, à l’origine de plusieurs recommandations pour cette convention.
- Le Sommet « Stockholm+50: une planète saine pour la prospérité de toutes et de tous » en juin 2022
C'est la rencontre entre dirigeants mondiaux. Elle a lieu tous les dix ans et a notamment permis la naissance du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
Mais selon Pamela Chasek, « la COP reste LA rencontre diplomatique pour lutter contre le changement climatique. Bien qu'il existe de nombreux forums de discussion (AGNU, G20, G7, sommets entre dirigeants mondiaux), la CCNUCC est le seul organe qui peut réunir tous les pays et peut prendre les décisions nécessaires pour mettre en œuvre l'accord de Paris et se rapprocher de l'objectif de + 1,5 degré celsius ». Les prochaines auront lieu en Égypte 2022 pour la COP27 et en Arabie Saoudite en 2023 pour la COP28.
Pour quelle efficacité ?
« Ces sommets permettent la définition du cadre idéologique général autour duquel s'organise la coopération plus sectorielle », décrit Amandine Orsini. « La majeure partie de ces conventions internationales se décline en protocoles internationaux sur des points encore plus spécifiques. Par exemple, la Convention sur la diversité biologique, adoptée en 1992, se décline en deux protocoles : le protocole de Cartagena sur la biosécurité de 2000 ; et le protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques de 2010. »
Pour fonctionner, les initiatives internationales doivent trouver un bon équilibre entre contraintes et acceptation par les États.
Amandine Orsini,professeure de relations internationales.
Ainsi, le protocole qui a le plus prouvé son efficacité dans l’histoire de la diplomatie environnementale découle de la Conférence de plénipotentiaires sur la protection de la couche d'ozone organisée à Vienne, en Autriche le 22 mars 1985. Il a mis fin, à l’échelle mondiale, à l'utilisation de substances chimiques nuisibles à la couche d'ozone. « L’ozone est la seule thématique environnementale que les États auraient réussi à résoudre », selon Amandine Orsini.
Mais les 747 accords multilatéraux d'environnements ne découlent pas tous de ces sommets, comme le montre un recensement réalisé en 2013 par Rakhyun Kim, alors étudiant à la Fenner School of Environment and Society en Australie. « La diplomatie environnementale tente [aussi] de faire adopter ses objectifs par d’autres », continue la chercheuse belge, avec un exemple :
« Dès les années 1980, la Banque mondiale est accusée de dégrader l’environnement, à la suite de l’octroi de prêts de plusieurs millions de dollars pour des projets de développement aux impacts environnementaux désastreux », ce qui lui vaudra des menaces de suspension de la contribution nord-américaine notamment. « La banque a dû modifier ses pratiques et tente aujourd’hui d’être davantage en accord avec un objectif de développement durable. »
Autre percée en 2007, quand « les questions climatiques s’invitent pour la première fois au Conseil de sécurité des Nations unies [...], les États y évoquent les conséquences des changements climatiques sur la sécurité mondiale avec des menaces comme la montée du niveau des océans ou la multiplication des réfugiés climatiques
« D'autres organismes peuvent nous aider à nous rapprocher et peuvent soutenir les objectifs de l'accord de Paris. Mais la CCNUCC (qui se réunit dans le cadre des COP, NDLR) est la convention sur le changement climatique et le forum pour examiner cela de manière plus globale », assène de son côté la chercheuse américaine.
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Que la diplomatie environnementale soit organisée en conventions globales ou en conférences très précises, la question de la tenue des objectifs continue de se poser. Sans mesures contraignantes, l'application des décisions dépend de la bonne volonté des pays.
« Alors que le niveau interne (l'État, NDLR) est caractérisé par la hiérarchie, les relations verticales et la présence d'une autorité centrale (le gouvernement), illustre Amandine Orsini, le niveau international est caractérisé par l'anarchie, les relations horizontales et l'absence d'autorité centrale au-dessus des États (il n'existe pas de gouvernement mondial). [...] Pour fonctionner, les initiatives internationales doivent trouver un bon équilibre entre contraintes et acceptation par les États. »