La Scanie est une province située tout au sud de la Suède, à quelques kilomètres des côtes danoises, qui compte presque autant d’habitants que l’agglomération lyonnaise. Elle abrite à la fois un manoir ayant donné son nom à des pieds d’armoire Ikea, la ville natale du footballeur Zlatan Ibrahimovic et surtout, le seul réseau de transport européen permettant aux voyageurs d’utiliser leur iPhone comme titre de transport.
Certes, à Paris et Toulouse, on peut aussi passer les bornes du métro avec son téléphone… à condition que ce dernier fonctionne sous Android. La Skånetrafiken est bien le seul transporteur public de l’UE où on peut payer via le mode Express de l’iPhone.
C’est la faute d’Apple. Soulevez la coque de votre iPhone et cherchez la puce NFC, celle qui permet de badger ou de payer en posant simplement votre téléphone sur un terminal. Eh bien, Apple refuse que des applications tierces accèdent aux puces de ses appareils. Conséquence : pour se servir d’un iPhone comme d’une carte sans contact, il faut passer par Apple Pay.
La Scanie est une province située tout au sud de la Suède, à quelques kilomètres des côtes danoises, qui compte presque autant d’habitants que l’agglomération lyonnaise. Elle abrite à la fois un manoir ayant donné son nom à des pieds d’armoire Ikea, la ville natale du footballeur Zlatan Ibrahimovic et surtout, le seul réseau de transport européen permettant aux voyageurs d’utiliser leur iPhone comme titre de transport.
Certes, à Paris et Toulouse, on peut aussi passer les bornes du métro avec son téléphone… à condition que ce dernier fonctionne sous Android. La Skånetrafiken est bien le seul transporteur public de l’UE où on peut payer via le mode Express de l’iPhone.
C’est la faute d’Apple. Soulevez la coque de votre iPhone et cherchez la puce NFC, celle qui permet de badger ou de payer en posant simplement votre téléphone sur un terminal. Eh bien, Apple refuse que des applications tierces accèdent aux puces de ses appareils. Conséquence : pour se servir d’un iPhone comme d’une carte sans contact, il faut passer par Apple Pay.
Pour s’en servir comme ticket de train, il faut passer par le mode Express d’Apple. Mais dans l’UE, ce mode n’est donc compatible qu’avec les petits bus verts et noirs d’une dizaine de métropoles suédoises. Et ce n’est pas près de changer, car les 27 sont plus que jamais décidés à faire la guerre aux entreprises qui faussent la concurrence.
Mettre « de l’ordre dans le chaos »
Le 24 mars dernier, un accord a été trouvé à Bruxelles sur l’Acte sur les marchés numériques – plus couramment désigné par son sigle anglais DMA (pour Digital Markets Act). La commissaire européenne chargée du Numérique, Margrethe Vestager, avait promis que ce règlement mettrait « de l’ordre dans le chaos » de notre marché numérique, pour l’heure dominé par une poignée d’entreprises toutes-puissantes.
Le DMA s’appliquera aux entreprises susceptibles d’abuser de leur position dominante, c’est-à-dire les gatekeepers qui disposent d’au moins 45 millions d’utilisateurs européens, avec une capitalisation boursière au-delà de 75 milliards d’euros minimum et un chiffre d’affaires annuel dans l’UE dépassant 7,5 milliards d’euros.
Exemple typique : Facebook, avec 1 000 milliards de capitalisation et huit milliards de chiffre d’affaires chaque… trimestre. Toutes les firmes concernées devront se plier à de nouvelles règles, sous peine d’écoper d’amendes pouvant atteindre jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial.
En Chiffres
69 %
Part que représentent Apple, Amazon, Microsoft, Google Facebook, Alibaba et Tencent sur les 6 000 milliards d’euros de l’économie des plateformes… Une concentration inédite, selon la Commission européenne.
Guerre des apps
Ces nouvelles règles marqueront un tournant dans la politique numérique de l’UE, elles promettent aussi quelques révolutions pratiques dans nos smartphones. Fini les applications imposées « par défaut ». Les utilisateurs devront pouvoir installer le moteur de recherche, l’app de courrier électronique, de météo ou l’assistant vocal de leur choix. Et désinstaller tout le reste. Fini aussi le verrouillage de certaines technologies : le DMA prône un accès équitable des développeurs aux fonctionnalités des smartphones. Apple devra laisser la concurrence accéder à ses puces NFC et donc permettre aux compagnies de transports et aux banques de proposer leurs tickets dématérialisés ou leur service de paiement mobile aux détenteurs d’iPhone.
Autre nouvelle règle, techniquement délicate : l’interopérabilité. Les gatekeepers devront rendre certains de leurs services interopérables (c’est-à-dire aptes à travailler avec) ceux des concurrents, notamment les services de messagerie. Enfin, fini le passage obligé par les boutiques d’applications telles que l’AppStore, Google Play ou Amazon Apps. Les appareils devront être ouverts à tout. Les grandes plateformes ne pourront plus refuser certaines applications au motif que celles-ci n’utilisent pas l’un ou l’autre de leurs services – comme l’a fait Apple en banissant le jeu Fortnite, qui proposait à ses joueurs l’achat de monnaies virtuelles via un autre système de paiement que celui de l’entreprise.
Les lobbyistes DES GAFAM se déchaînent
Face au Digital Markets Act (DMA), les Gafam ne sont pas restés sans réaction. « Ces 10 dernières années, les grandes entreprises du numérique se sont imposées comme les plus dépensières en lobbying. Avec le DMA, leurs dépenses et leurs opérations d'influence ont encore augmenté », constate Margarida Silva, membre du centre de recherche Corporate Europe Observatory et coautrice d’un rapport sur le sujet.
Apple – dont le budget lobbying atteignait les 3,5 millions de dollars sur la seule année 2020, selon Corporate Europe – a bataillé pour éviter de se trouver contrainte par le DMA à autoriser le sideloading – le téléchargement d’applications en dehors de sa boutique officielle. Cette pratique pourrait mettre à mal la sécurité des iPhone, martèle la firme, jusque dans des notes adressées directement aux gouvernements nationaux. « Un propos auquel les États membres ont été plutôt réceptifs », note Margarida Silva.
L’argument a également infusé et fait débat au Parlement européen. Les eurodéputés écologistes ont tenté d’y faire barrage. Les libéraux et les socialistes, eux, ont plaidé pour que les entreprises craignant pour la sécurité de leurs appareils aient le droit de s’opposer au sideloading, à condition toutefois de pouvoir justifier les craintes avancées. Cette dernière option a finalement été retenue dans le texte définitif. Sans plus de précisions toutefois. Et les entreprises, Margarida Silva n’en doute pas, « redoubleront d’efforts » pour passer entre les mailles du filet.