Les Américains, eux aussi, connaissent les affres de la bureaucratie. Entendre par là : la bureaucratie privée des dizaines d’entreprises qui régissent leur vie quotidienne ou leurs services de première nécessité. Qu’il s’agisse du câble et de l’internet, des transports aériens ou de la médecine, le fameux consommateur roi se découvre trop souvent le dindon de la farce, contraint, faute de choix, de payer des prix abusifs, sans beaucoup de recours face à des systèmes opaques.
L’humble client qui demande à son opérateur de câble pourquoi le prix mensuel de son combo téléphone, télévision et internet est passé subitement de 120 à 200 dollars, s’entend répondre « qu’il a eu beaucoup de chance » de profiter jusque-là d’un mystérieux tarif promotionnel. « Le vrai prix a toujours été 200 dollars », rétorque l’impavide chargé de clientèle, plongeant son interlocuteur dans un abîme de questionnements : justement, c’est quoi le "vrai prix", aux États-Unis ?
Les Américains, eux aussi, connaissent les affres de la bureaucratie. Entendre par là : la bureaucratie privée des dizaines d’entreprises qui régissent leur vie quotidienne ou leurs services de première nécessité. Qu’il s’agisse du câble et de l’internet, des transports aériens ou de la médecine, le fameux consommateur roi se découvre trop souvent le dindon de la farce, contraint, faute de choix, de payer des prix abusifs, sans beaucoup de recours face à des systèmes opaques.
L’humble client qui demande à son opérateur de câble pourquoi le prix mensuel de son combo téléphone, télévision et internet est passé subitement de 120 à 200 dollars, s’entend répondre « qu’il a eu beaucoup de chance » de profiter jusque-là d’un mystérieux tarif promotionnel. « Le vrai prix a toujours été 200 dollars », rétorque l’impavide chargé de clientèle, plongeant son interlocuteur dans un abîme de questionnements : justement, c’est quoi le "vrai prix", aux États-Unis ?
Internet trois fois plus cher qu’en France
L’abonné désabusé habite près d’une ville moyenne, à deux heures au nord de New York, une zone où l’opérateur de câble Spectrum profite de fait d’un monopole. Pour seule alternative, une autre entreprise propose la télévision par satellite assortie d’un poussif service d’internet via DSL. Le schéma se répète à l’identique dans tout le pays.
Il explique à lui seul pourquoi, faute de concurrence, les prix de l’accès au web sont en moyenne trois fois et demie plus élevés aux États-Unis qu’en France. Une enquête du Center for Public Integrity, menée en 2015 dans des villes françaises et américaines comparables, confirmait que les abonnés de l’Hexagone peuvent choisir entre sept opérateurs en moyenne, alors que les Américains n’ont au mieux que deux options dans leur voisinage.
En cause, les chasses gardées territoriales que s’octroient les géants de la Toile : Spectrum, Comcast, Altice – les trois plus grands – disposent d’un monopole dans près de la moitié des régions où ils sont implantés. Dans une zone donnée, un faible peuplement ou les réticences des mairies à autoriser plusieurs chantiers successifs de plusieurs opérateurs, peuvent expliquer les monopoles. Mais moins, beaucoup moins, que les millions de dollars versés par ces sociétés dans les fonds de campagne des élus locaux…

Il était une fois la concurrence
Le consommateur voit rouge, aussi, quand il achète un billet d’avion. Après 20 ans de fusions de compagnies, 65 % du transport aérien sont aujourd’hui répartis entre quatre « Airlines » – United, Delta, American et Southwest – qui s’arrogent, grâce à leurs positions dominantes, des bénéfices trois fois supérieurs à leurs équivalents européens. Leur quasi-monopole sur certaines destinations et certaines tranches horaires ont également un impact, au-delà du prix des billets, sur le confort et le respect de la dignité des passagers.
Les manières impérieuses du personnel des compagnies envers une clientèle captive, en plus de l’atmosphère ultra-sécuritaire en vigueur depuis le 11 septembre 2001, favorisent les tensions. Le colosse United Airlines, avant d’entamer sa révolution culturelle il y a deux ans, figurait ainsi en tête de la liste des entreprises les plus détestées d’Amérique.
En Chiffres
65%
Parts de marché du trafic aérien détenues par « Airlines », United, Delta, American et Southwest
Et pour cause : en 2017, la compagnie avait fait éjecter par la police, avec coups et blessures, un passager qui refusait de céder sa place à un membre du personnel de United en transit. Un an plus tard, un steward avait intimé l’ordre à une femme de placer son chien dans le compartiment à bagages, causant la mort par suffocation de la pauvre bête. JetBlue, cet été, s’est aussi distinguée en débarquant une mère et ses six enfants parce que le petit dernier, âgé de deux ans, ne voulait pas porter son masque…
Factures surprises à l’hôpital
Pour compléter ce tableau déjà peu reluisant, les Américains sont aussi maltraités dans la sphère médicale, même quand ils ont la chance d’être assurés (environ 25 millions ne le sont pas). Couverts pour 80 % d’entre eux via leurs entreprises, ils voient leur prise en charge rétrécir depuis une dizaine d’années et les incertitudes grandir. Les pires surprises ont lieu à la sortie de l’hôpital, lorsque le patient découvre qu’une opération réputée "couverte" a requis, par exemple, un anesthésiste extérieur non conventionné par l’assurance. Le praticien présente alors sa note au patient, parfois pour des milliers de dollars.
Un projet de loi contre ces factures surprises devrait imposer un arbitrage si l’assureur et l’hôpital ne peuvent s’entendre sur le prix des interventions. Jusqu’à présent, en cas de désaccord insoluble, le malade est prié de régler lui-même le prix « plein pot » de l’opération, qui peut atteindre des centaines de milliers de dollars. Il lui reste à utiliser les services d’un négociateur de factures, un vrai métier aux États-Unis, qui pourra réduire la note, non sans empocher au passage une commission de 20 % ou 30 % de l’économie réalisée.
Philippe Coste, à New York.
La tyrannie de la credit history
Sans elle, le rêve américain reste un mirage. La credit history, ce document long parfois de dizaines de pages, raconte vos remboursements réguliers de cartes de crédit, de traites de voiture et de logement, ainsi que votre niveau d’endettement. Il est établi par trois sociétés privées concurrentes qui reçoivent ces informations, les analysent, leur assignent une note et les « vendent » à d’autres créanciers potentiels ou aux employeurs qui veulent s’assurer ainsi de votre solvabilité.
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