L’essentiel
- En cette COP27, les questions financières n’ont jamais été autant à l’ordre du jour alors que les questions du financement de la transition écologique et de l’adaptation aux effets du changement climatique se font de plus en plus pressantes.
- Les pays du Sud en font un axe majeur de négociations, rappelant la responsabilité historique des pays occidentaux dans le réchauffement climatique.
- Pour le moment les pays du Nord rechignent à verser les fonds promis.
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Le 6 novembre, près de 100 chefs d’État et de gouvernement ont fait le déplacement jusqu’à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour l’ouverture officielle de la 27e conférence des Nations unies sur le climat (COP27).
Après une année de catastrophes climatiques, la priorité de nombreux États pauvres et/ou vulnérables est d’obtenir d’urgence de nouveaux moyens financiers. Une obsession qui a pour effet de reléguer l’ambition climatique au second plan, selon certains observateurs.
« Je ne crois pas qu’il se passe grand chose lors de cette COP27. Les négociateurs vont plus parler d’argent que de lutte contre le changement climatique et de baisse des émissions de gaz à effet de serre », a ainsi confié l’ancien écologiste et ministre de l’Environnement (sous François Mitterrand), Brice Lalonde, à nos confrères de News Tank.
Une opinion catégoriquement contredite par une autre observatrice, la responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat, Aurore Matthieu. Selon elle « la lutte contre le changement climatique est fondamentalement une question d’argent. On peut toujours avoir des ambitions, elles restent inatteignables sans ressources », martèle-t-elle.
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Une affaire de gros sous
En effet, qu’on se le dise : la lutte contre le changement climatique est bel et bien une histoire de gros - très gros - sous ! Pour sortir (enfin) des énergies fossiles, qui représentent 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’Agence internationale estime qu’il faudra tripler les investissements bas carbone d’ici à 2030, pour atteindre 4 200 milliards de dollars (et autant d’euros) par an. La moitié de ces investissements devront être fléchés directement vers les pays émergents et en développement.
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À la même date, les besoins d’adaptation des économies et des écosystèmes aux effets du changement climatique auront atteint 300 milliards de dollars par an, comme l’a rappelé le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, en ouverture du sommet. Enfin, les pertes et dommages provoqués par les catastrophes naturelles pourraient coûter entre 290 et plus de 580 milliards de dollars par an, selon Oxfam. Elles ont déjà entraîné 227 milliards de dollars de pertes économiques sur les dix premiers mois de 2022, selon l’assureur Aon.
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Face à ce mur d’investissement, la coopération Nord-Sud est indispensable, d’autant que les économies développées ont une responsabilité historique dans les dérèglements actuels. Le G20, qui réunit les 20 plus grandes puissances mondiales, génère à lui seul 80 % des émissions planétaires. « Nous devons être aidés pour réparer les dégâts que vous nous avez infligés », a implacablement résumé le président des Seychelles, Wavel Ramkalawan.
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Mais les gesticulations des grandes puissances pour avoir l’air de participer à l’effort de guerre ne font plus illusion. Leur unique promesse, faite en 2009, de financer un Fonds vert à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 n’est toujours pas tenue. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déterminé que les financements avaient atteint 83,3 milliards de dollars en 2020, dont 80 % de prêts et seulement 20 % de subventions.
Et les premiers jours de la COP ont été chiches en annonces. « Est-ce que certains leaders pensent honnêtement que cette question va disparaître toute seule ? », s’interroge Friederike Röder, vice-présidente de l’ONG internationale Global Citizen.
Réformer le système bancaire
À la tribune de la COP27, plusieurs orateurs dont le président français Emmanuel Macron, se sont toutefois prononcés pour une réforme du système bancaire international afin de faciliter l’accompagnement des pays pauvres et vulnérables. « Quand les pays du Nord empruntent à un taux d’intérêt de 4 %, nous empruntons à 14 % », a illustré la Première ministre des Barbades, Mia Mottley.
Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un « groupe de sages de haut niveau » chargé de faire des propositions « au printemps » pour transformer les règles de fonctionnement du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale. La suspension des créances pour les pays touchés par une catastrophe climatique ou encore le déblocage de droits de tirages spéciaux font partie des solutions envisagées.
Les entreprises pétro-gazières sollicitées ?
« C’est bien sûr très important de réformer le système bancaire mais cela va prendre des années. Or, les pays pauvres réclament des solutions à très court terme », estime Fanny Petitbon, de l’ONG Care France. Mais, « ces réformes ne peuvent en aucun cas être un substitut au déblocage de moyens immédiats », abonde Friederike Röder de Global Citizen.
Les pays du sud défendent en particulier la création d’un fonds d’urgence pour la réparation des pertes et dommages. Ils espèrent voir son principe acté lors de cette COP pour une mise en œuvre dès 2024. Concernant la provenance des fonds, beaucoup lorgnent les superprofits des compagnies pétro-gazières.
« Comment des entreprises qui ont fait 200 milliards de dollars de profits dans les trois derniers mois pourraient ne pas contribuer », s’est ainsi indignée la Première ministre des Barbades Mia Mottley. Une chose est sûre, l’aboutissement des négociations financières sera un critère d’échec ou de réussite du sommet.
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