Géopolitique
Don de doses du G7 : tout comprendre à l’importance de la vaccination des pays pauvres
Sélection abonnésL’annonce des membres du G7 d’un partage plus équitable de la vaccination vers les pays pauvres est jugée insuffisante. De quoi favoriser le risque d’un retour de l’épidémie ? Tout comprendre en 6 questions.
Stéphanie Bascou
© Seth/XINHUA-REA
Partager, distribuer équitablement les vaccins contre le coronavirus, vacciner le monde entier : le chemin à suivre pour de nombreuses ONG ne fait aucun doute pour mettre fin à la pandémie.
Pour y parvenir, des pays comme la Chine ont conclu des accords directement avec des pays pauvres et ont livré environ 30 millions de doses.
D’autres, comme les membres du G7, pour les 7 pays les plus riches du monde, avaient opté, avant le sommet de juin 2021, pour des aides financières en passant par un dispositif international créé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Covax (voir définition plus bas).
Face à une nouvelle vague épidémique en Afrique, encore démunie de vaccins, et l’apparition d’un nouveau variant, le G7 réuni en Cornouailles en juin 2021 n’a cette fois pas rempli un nouveau chèque. Il a annoncé le don d’un milliard de doses de vaccins.
1. Cette annonce du G7 est-elle suffisamment ambitieuse ?
Non, selon l’Organisation mondiale de la santé (l'OMS).
Partager, distribuer équitablement les vaccins contre le coronavirus, vacciner le monde entier : le chemin à suivre pour de nombreuses ONG ne fait aucun doute pour mettre fin à la pandémie.
Pour y parvenir, des pays comme la Chine ont conclu des accords directement avec des pays pauvres et ont livré environ 30 millions de doses.
D’autres, comme les membres du G7, pour les 7 pays les plus riches du monde, avaient opté, avant le sommet de juin 2021, pour des aides financières en passant par un dispositif international créé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Covax (voir définition plus bas).
Face à une nouvelle vague épidémique en Afrique, encore démunie de vaccins, et l’apparition d’un nouveau variant, le G7 réuni en Cornouailles en juin 2021 n’a cette fois pas rempli un nouveau chèque. Il a annoncé le don d’un milliard de doses de vaccins.
1. Cette annonce du G7 est-elle suffisamment ambitieuse ?
Non, selon l’Organisation mondiale de la santé (l'OMS).
Il ne faudrait pas moins de 11 milliards de doses pour vacciner 70 % de la planète, estime l’OMS. “Nous avons besoin de plus, et plus vite”, s’alarme son secrétaire général, António Guterres, après les annonces du G7.
"At the #G7UK Summit, I said that to end the #COVID19 pandemic, our shared goal must be to vaccinate at least 70% of the ?’s population by the time the G7 meets again in ?? next year.
To do that, we need 11 billion doses.
The @G7 & @g20org can make this happen"-@DrTedros pic.twitter.com/4IyCplIuDY— World Health Organization (WHO) (@WHO) June 14, 2021
Avec un milliard de doses, le G7 “fournira en fait suffisamment de doses pour vacciner environ 200 millions de personnes”, tacle Maé Kurkjian, directrice de l’ONG ONE en France.
200 millions... pour 1,2 milliard d’Africains. Seul 3 % du continent africain a reçu une injection mi-juin, contre presque 30 % en moyenne dans le monde, chiffre l’AFP.
Plus précisément, alors que le Royaume-Uni a administré 103,7 doses pour 100 personnes, le Nigeria - le pays le plus peuplé d’Afrique - n’en a administré que 1,1, indique le Financial Times.
Covax, censé combler ces disparités, ne fonctionne pas : les pays à "faible revenu" n’ont reçu, pour l'instant, que 0,3 % des doses injectées.
Éco-mots
COVAX
Outil de collaboration mondiale, créé en juin 2020 par l’OMS, par la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (Cepi) et par le GAVI, une organisation internationale qui œuvre pour un meilleur accès aux vaccins dans les pays pauvres. L’objectif de Covax est de répartir et de distribuer équitablement les vaccins contre le coronavirus, car nous ne produisons pas encore assez de vaccins pour toute la planète. En 2021, Covax souhaite distribuer aux pays pauvres 2 milliards de doses de vaccins anti-Covid.
1 milliard de doses en détail
Si les membres du G7 évoquent dans leurs discours un milliard de doses, le communiqué commun du G7 avance le chiffre de 870 millions. À quelle hauteur les membres du G7 vont-ils y contribuer ?
Les États-Unis se sont engagés à fournir 500 millions de doses de Pfizer-BioNTech, le Royaume-Uni 100 millions de doses sur les 500 millions achetées, 100 millions pour le Canada, 100 millions pour l’Union européenne, dont 60 millions pour la France.
Emmanuel Macron demande également aux laboratoires de réserver 10 % de leur production pour les pays pauvres. Le Président français a déclaré qu’il ferait pression pour que le G7 "lève les obstacles" afin d’accélérer la vaccination en Afrique pour atteindre un taux de vaccination de 40 % d’ici la fin de 2021 et de 60 % d’ici la fin du premier trimestre de l’année prochaine, reprenant une feuille de route du Fonds monétaire international.
2. Pourquoi Covax ne fonctionne pas (encore) ?
Au 16 juin 2021, Covax avait livré 88 millions de doses de vaccins dans 129 pays et territoires participants. Pourquoi si peu ?
Les pays riches ont d’abord commandé et réservé une grande partie des vaccins produits pour leur propre population, réduisant comme peau de chagrin ce qui pouvait être envoyé dans les pays à revenu faible et intermédiaire. “10 % de la population mondiale s’accapare 75 % des vaccins”, résume António Guterres, le secrétaire général de l’ONU.
Deuxième problème, Covax devait être alimenté en grande partie par du sérum AstraZeneca fabriqué en Inde. Mais depuis l’apparition du variant indien appelé maintenant Delta et l’explosion de la pandémie dans ce pays, le gouvernement local a décidé de stopper ces envois et d’utiliser ces doses pour sa propre population.
Résultat, Covax ne reçoit pas assez de vaccins pour en distribuer. Pour l’OMS, les pays riches doivent “partager les doses immédiatement" pour aider à combler le déficit d’approvisionnement de Covax.
3. Combien coûterait une vaccination pour tous ?
Vacciner tout le monde est-il hors de prix ? Pas du tout, avance le New York Times, qui s’appuie sur le prix payé pour une dose de vaccin contre le coronavirus, un prix négocié par chaque pays (ou par l’Union européenne) avec chaque fabricant de vaccins.
L’administration américaine paie entre 5 à 7 dollars par dose (soit 4 à 5 euros) pour les vaccins Pfizer que les États-Unis donnent par la suite. Si on multiplie ce chiffre par le nombre de doses nécessaires avancé par l’OMS, à savoir 11 milliards, on estime qu’une campagne de vaccination mondiale coûterait de 55 à 77 milliards de dollars, soit de 45 à 63 milliards d’euros.
Un montant bien inférieur au "coût de cette pandémie tellement énorme", estime Rachel Silverman, du Center for Global Development, un think tank américain spécialisé dans le développement international, rapporte le New York Times. "Ce sera la meilleure affaire de l’histoire si, pour 50 à 70 milliards de dollars, nous pouvons vacciner le monde et sortir de cette crise."
Le Fonds monétaire international avance quant à lui la somme de 50 milliards de dollars nécessaire pour vacciner “au moins 40 % de la population dans tous les pays d’ici à la fin de 2021 et au moins 60 % d’ici au premier semestre de 2022”, dans une proposition de plan d’action publiée en mai 2021.
4. Qui pourrait supporter ce coût ?
Les pays les plus pauvres pourraient en couvrir une partie. Ils pourraient être aidés en totalité par les pays riches. Sur les 50 milliards de dollars que coûterait une vaccination mondiale selon le Fonds monétaire international, “35 milliards devraient être payés par des dons, et le reste par les gouvernements nationaux, les ONG et les organismes multilatéraux…”
Le coût financier d’une vaccination mondiale paraît, sur le papier, accessible. Mais à quoi cela sert-il de pouvoir payer quelque chose qui n’est pas suffisamment produit ?
5. Les pays riches accepteront-ils de renoncer à une partie de leurs doses ?
La fabrication à grande échelle de sérums contre le coronavirus est toujours, actuellement, insuffisante pour vacciner toute la planète. Augmenter la cadence des lignes de production pourrait prendre des mois.
Puisqu’on ne produit pas assez de vaccins, il faudrait alors mieux organiser leur répartition, et prélever des doses destinées aux pays riches pour permettre a minima de vacciner les soignants et les personnes à risque dans les pays pauvres.
Une idée refusée pour l’instant par le G7, analyse le journaliste Dominique Seux sur France inter. Car en filigrane, cela signifierait que les pays riches acceptent de renoncer à vacciner une partie de leur population, et donc de prolonger les périodes d’application des mesures barrières et de restrictions de liberté. “Sommes-nous prêts à l’accepter ?”, s’interroge-t-il.
D’autres propositions émergent, pour l’instant sans succès : partager les doses excédentaires, lever les brevets, généraliser les licences obligatoires, créer une réserve d’urgence, organiser de A à Z la livraison et la vaccination dans les pays pauvres… avec un seul mot d’ordre. Agir le plus vite possible.
6. Pourquoi y a-t-il urgence à partager le vaccin vers les pays pauvres ?
D’abord pour éviter que de nouveaux variants, plus dangereux, ne touchent des personnes vaccinées comme au Royaume-Uni, où un tiers des patients positifs au variant indien et “en soins d’urgence” avait reçu au moins une dose du vaccin AstraZeneca, note cet article du Guardian.
Ensuite pour éviter l’apparition de nouveaux variants. Après le variant anglais et indien, un nouveau variant est observé en Inde, un variant du variant indien, résistant à certains traitements contre le coronavirus, explique cette vidéo du média indien Editorji du 14 juin 2021.
"Fournir des vaccins n’est pas seulement un acte de charité : c’est une forme d’autoprotection, peut-être la meilleure police d’assurance au monde" pour en finir avec la pandémie, rappelle Gordon Brown, ancien premier ministre britannique.
Mais surtout parce que le timing est primordial. “Si les doses arrivent seulement en fin d’année (2021) dans les pays d’Afrique où l’on observe une forte augmentation des cas positifs, comme en République démocratique du Congo, au Botswana et en Zambie”, précisait la docteure Ayoade Alakija, le 11 juin 2021, dans les colonnes du Financial Times, il sera probablement trop tard. L’Afrique "pourrait être au beau milieu d’une troisième vague”.
Quatre jours plus tard, la co-présidente de l’Alliance pour la fourniture de vaccins en Afrique voit déjà ses craintes se réaliser en Ouganda, pays d’Afrique de l’est dans lequel les cas positifs ont bondi de 2 800 % en un mois.
“Cela fait des mois que je hurle, à proprement parler, des alertes sur cette potentielle troisième vague en Afrique, sans succès. Mais nous y sommes”, se désespère-t-elle sur Twitter. "La troisième vague est déjà là, avec l’Ouganda à court de vaccins et d’oxygène. Les gouvernements doivent se réveiller, maintenant”.
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