Le Danemark fait partie de l’Union européenne (UE) mais pas de la zone euro. À la conclusion du traité de Maastricht en 1992, le pays a obtenu une clause d’exemption – dite « opt-out » – qui lui a permis de ne pas entrer dans la troisième phase de l’Union économique et monétaire (UEM). Concrètement, cela signifie que le Danemark a choisi de ne pas adopter l’euro et de conserver sa monnaie (la couronne danoise).
En revanche, pour favoriser ses échanges extérieurs avec ses partenaires européens (et éviter les variations de change génératrices d’incertitude), les autorités danoises ont mis en place un régime de change fixe entre leur monnaie et l’euro.
La banque centrale danoise (DNB) s’est donc engagée à respecter une parité fixe entre la couronne danoise et l’euro : en cas de réévaluation de la monnaie danoise, elle doit racheter des euros sur le marché des changes pour retrouver le niveau du change fixe ; et inversement, en cas de dévaluation, elle doit utiliser ses réserves de changes (constituées de devises étrangères).
Marché des changes
Marché sur lequel se retrouvent les demandeurs et les offreurs de devises. Le prix, sur ce marché, est donné par le taux de change d’une monnaie par rapport à une autre. Le marché des changes est aussi appelé FOREX (FOReign Exchange).
Le secteur pharmaceutique danois connait un essor inédit. Non seulement il contribue déjà au tiers de la croissance économique du pays mais il ne cesse de progresser, au point de devenir l’un des principaux moteurs de l’économie danoise.
Une croissance économique qui est bien plus élevée que celle d’une grande partie de ses partenaires européens : au premier trimestre 2023, le PIB danois a augmenté de 0,6 % contre seulement 0,2 % en moyenne pour les pays de l’UE.
Des médicaments anti-obésité plébiscités par les consommateurs américains
Une partie très conséquente de ces bons résultats est due au laboratoire Novo Nordisk (dont le chiffre d’affaires devrait augmenter de 30 % en 2023) qui s’appuie sur deux produits phares : un traitement anti-obésité, Wegovy, et un médicament antidiabétique appelé Ozempic qui se présentent tous deux sous la forme de stylos préremplis de solution injectable.
Le succès de ces médications est spectaculaire : les ventes du produit pour maigrir ont bondi de 344 % lors de la première moitié de l’année 2023. Précision importante : c’est par les échanges extérieurs que l’industrie pharmaceutique tire l’activité économique danoise ; depuis dix ans, les exportations de ce secteur ont doublé. Lancé depuis deux ans, le traitement anti-obésité a définitivement convaincu les consommateurs américains, qui ne cessent d’en importer.
Par conséquent, l’excédent de la balance commerciale (exportations – importations) de l’économie danoise a fortement augmenté, ce qui a permis à son excédent courant d’atteindre un niveau jamais connu auparavant.
La balance des transactions courantes, qui enregistre les échanges extérieurs d’une économie en termes de biens, de services et de revenus, a connu un surplus de 13 % du PIB en 2022 au Danemark – contre 8,8 % en 2019. Même dans ses meilleures années, l’Allemagne qui a été la première économie mondiale en termes d’excédent courant, devant la Chine, n’a jamais fait autant…
La situation semble idyllique mais comme l’économie danoise vend davantage au reste du monde qu’elle ne lui achète, les monnaies étrangères entrent massivement dans le pays.
Quand les consommateurs importent le traitement anti-obésité, il leur faut changer du dollar en couronne danoise. Par conséquent, la demande de couronne danoise sur le marché des changes explose, ce qui conduit à la réévaluation de cette monnaie.
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Point méthode :
Lorsque la demande d’une monnaie est supérieure à l’offre de cette monnaie sur le marché des changes, la valeur de sa monnaie s’apprécie (en régime de change flexible) ou se réévalue (en régime de change fixe).
Or, on a vu plus haut que la banque centrale danoise s’est engagée à faire respecter une parité fixe de sa monnaie vis-à-vis de l’euro. Ces derniers mois, elle a donc massivement acheté de la couronne danoise sur le marché des changes : pour 68 milliards entre septembre 2022 et janvier 2023.
Mais la banque centrale a aussi décidé de baisser son taux directeur afin de limiter les entrées de capitaux étrangers (qui conduisent également à accroire la demande de couronne danoise) en le plaçant sous le niveau des taux de la banque centrale européenne (BCE) : 3,35 % contre 3,75 %.
Des conséquences sur l’inflation au Danemark
Le succès de l’industrie pharmaceutique danoise a donc des conséquences significatives sur la politique monétaire menée par la banque centrale, ce qui peut se traduire par la persistance de l’inflation à un niveau plus élevé que dans l’UE.
Signalons par ailleurs que le boom des traitements danois dans le monde apporte son lot de bonnes nouvelles : le taux de chômage est à 5 % de la population active ; l’État danois bénéficie d’un net excédent budgétaire (3,3 % du PIB – contre un déficit public moyen de 3,4 % dans l’UE) puisque la croissance économique permet à la fois de réduire les dépenses publiques les dépenses sociales baissent comme le chômage et d’augmenter les recettes fiscales.
Mais attention, la croissance économique du pays pourrait finir par trop dépendre d’un seul secteur d’activité – l’industrie pharmaceutique –, voire d’une seule entreprise : Novo Nordisk.
Sa capitalisation boursière dépasse actuellement 300 milliards d’euros, à comparer au PIB danois de 380 milliards d’euros en 2022. Il faut se souvenir du précédent Nokia en Finlande : au début des années 2000, il s’agissait du premier constructeur mondial de téléphone mobile ; au début des années 2010, sa chute avait durablement perturbé la croissance finlandaise.
Même si le Danemark a une économie davantage diversifiée que la Finlande de l’époque, force est de constater que le boom du secteur pharmaceutique souligne en creux les difficultés du reste de l’économie. Par sûr que les obligations de la banque centrale aident l’économie danoise au bout du compte…
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