« Oui, si elle utilise ses atouts », par Karine Berger
Je citerai d’abord la capacité qu’a montrée l’État à se moderniser : numérisation, simplification… Les relations avec les particuliers et les entreprises sont plus fluides, l’action publique a gagné en efficacité. On s’inquiétait beaucoup, en 2011, des risques de ghettoïsation. Or les déséquilibres territoriaux sont moins marqués aujourd’hui : l’effort d’investissement des collectivités locales a payé.
Dans ces deux domaines, nous sommes sortis de l’ornière. Oui, nous avons un avenir si nous savons utiliser nos atouts. C’est ce que j’écrivais il y a 10 ans dans Les Trente Glorieuses sont devant nous, cosigné avec Valérie Rabault. Mais ailleurs, nous patinons. Il y a d’abord la question de l’éducation, notamment scientifique : objectivement, la situation s’est dégradée et cela compromet notre avenir. Il est capital d’inverser la tendance.
Deuxième point d’inquiétude, l’industrie. La force de la France, c’est son ingénierie. Nous sommes capables de développer des industries à partir de rien (pensons au nucléaire, aux télécoms) et de déployer de grandes innovations comme le TGV ou la carte à puce. Mais ce potentiel, bien réel, n’est pas assez employé aujourd’hui. Pensons aux batteries, depuis longtemps identifiées comme un domaine stratégique : nous devrions avoir pris de l’avance, technologiquement et industriellement, or ce n’est pas le cas. En cause : la faiblesse des investissements, en particulier publics.
« Oui, si elle utilise ses atouts », par Karine Berger
Je citerai d’abord la capacité qu’a montrée l’État à se moderniser : numérisation, simplification… Les relations avec les particuliers et les entreprises sont plus fluides, l’action publique a gagné en efficacité. On s’inquiétait beaucoup, en 2011, des risques de ghettoïsation. Or les déséquilibres territoriaux sont moins marqués aujourd’hui : l’effort d’investissement des collectivités locales a payé.
Dans ces deux domaines, nous sommes sortis de l’ornière. Oui, nous avons un avenir si nous savons utiliser nos atouts. C’est ce que j’écrivais il y a 10 ans dans Les Trente Glorieuses sont devant nous, cosigné avec Valérie Rabault. Mais ailleurs, nous patinons. Il y a d’abord la question de l’éducation, notamment scientifique : objectivement, la situation s’est dégradée et cela compromet notre avenir. Il est capital d’inverser la tendance.
Deuxième point d’inquiétude, l’industrie. La force de la France, c’est son ingénierie. Nous sommes capables de développer des industries à partir de rien (pensons au nucléaire, aux télécoms) et de déployer de grandes innovations comme le TGV ou la carte à puce. Mais ce potentiel, bien réel, n’est pas assez employé aujourd’hui. Pensons aux batteries, depuis longtemps identifiées comme un domaine stratégique : nous devrions avoir pris de l’avance, technologiquement et industriellement, or ce n’est pas le cas. En cause : la faiblesse des investissements, en particulier publics.
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Sur un certain nombre de sujets, nous sommes capables d’être les meilleurs : je pense aux plasmas ou à la data science. Nous devons retrouver une capacité à mener une politique industrielle ambitieuse et renforcer notre puissance de financement de l’innovation. Des progrès remarquables ont été accomplis, tant sur la partie publique avec la Banque publique d’investissement (BPI) que du côté des investisseurs privés. Nous sommes en train de passer à l’échelle.
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S’il y a 10 ans, les grands groupes étaient quasiment seuls en course, aujourd’hui, des entreprises de taille moyenne innovent, se développent, lancent des produits et créent des usines. Mais nous pouvons faire mieux et davantage. Il faut penser ce développement de nos entreprises, l’accompagner, l’accélérer. Cet effort stratégique ne peut se réduire à une discussion sur la fiscalité.
Karine Berger est haut fonctionnaire. Économiste formée à l’École polytechnique et à l’Ensae, elle a publié deux ouvrages avec Valérie Rabault : Les Trente Glorieuses sont devant nous (Rue Fromentin, 2011) et La France contre-attaque. Ces entreprises qui inventent le millénaire (Odile Jacob, 2013). De 2012 à 2017 elle a été députée (PS) de la première circonscription des Hautes-Alpes.
« Non, si le délitement public continue », par Agnès Verdier-Molinié
Les sujets d’inquiétude sont nombreux, à commencer par le poids de la dette publique ou l’importance des prélèvements obligatoires. À l’origine de tous nos maux, il y a un problème structurel : on n’évalue pas l’efficience de la dépense publique. Dans toutes les grandes démocraties, il existe des contre-pouvoirs, à commencer par le Parlement, dont l’une des missions est de contrôler l’usage des deniers publics.
En France, ces contre-pouvoirs sont trop faibles face à l’exécutif et aux administrations. Ni les parlementaires ni la Cour des comptes ne sont à la hauteur de cette exigence. Cette absence de contrôle et d’évaluation nous distingue des Anglo-saxons et de l’Europe du Nord.
Cour des comptes
Juridiction indépendante, la Cour des comptes se situe à équidistance du Parlement et du gouvernement. Elle assiste l’un et l’autre, conformément à l’article 47-2 de la Constitution. Et remplit quatre missions principales : juger, contrôle, certifier et évaluer.
Les conséquences de notre incurie institutionnelle sont très dommageables. La crise du Covid-19 a révélé, par exemple, à quel point notre hôpital est à la fois suradministré et mal équipé. Partout, on ajoute des couches et des dispositifs. Prenons l’exemple des aides sociales sans critères de ressources : il en existe une cinquantaine, ce qui occasionne des coûts de gestion considérables.
Il faudrait les fondre en une seule allocation, par exemple un crédit d’impôt géré directement par le ministère des Finances – ce qui aurait l’avantage de supprimer le taux de « non-recours » ! Mais une telle réforme se heurte à toutes sortes d’habitudes et d’intérêts, qui finissent par avoir raison de toute volonté réformatrice.
Le « quoi qu’il en coûte » permanent, accompagné de sa logorrhée de lois, nous fait empiler les strates, les organismes publics et mène aux cofinancements, à l’enchevêtrement des compétences. Tout cela en déresponsabilisant les décideurs publics.
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Ce délitement de la gestion publique est la source principale de notre déficit de compétitivité, qui menace notre avenir industriel. Car ces dépenses écrasent les entreprises françaises : celles-ci subissent, par rapport au reste de la zone euro, un surcroît de 80 milliards d’impôts de production et de 72 milliards de cotisations sociales. Un handicap de 150 milliards par an qui les empêche d’investir et d’innover assez. Les allègements de charges ciblent les bas salaires. Cela nous conduit à nous spécialiser dans le bas et le milieu de gamme… pour financer un modèle social luxueux. La France retrouvera son rang de grand pays quand elle y verra clair sur ce qui la freine.
Historienne de formation, un temps journaliste, Agnès Verdier-Molinié dirige, depuis 2007, la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), un think tank libéral visant à évaluer l’efficacité de l’action publique. Elle a publié plusieurs essais dont En marche vers l’immobilisme (Albin Michel, 2018) et La France peut-elle tenir encore longtemps ? (Albin Michel, 2021).