C’est un dilemme sur lequel ont probablement planché des centaines de milliers d’étudiants de premier cycle. Dans ses deux manuels de référence, vendus à plus de 4 millions d’exemplaires à travers le monde, Gregory Mankiw rappelle qu’en économie tout est affaire d’arbitrage, autrement dit de choix. Or l’un des arbitrages les plus classiques est peut-être « celui qui porte sur les dépenses liées à la défense nationale ou à l’alimentation », écrit-il dans Principes de l’économie (1998).
Le professeur à Harvard reprend alors à son compte le dilemme « beurre ou canons » et en formule une résolution on ne peut plus simple : « Plus nous investissons dans la défense nationale (…), moins nous pouvons acheter de biens de consommation afin d’augmenter notre niveau de vie à l’échelle de la nation ».
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Pénurie et hyperinflation
Entre le beurre et les canons, Vladimir Poutine a choisi. Pour répondre aux besoins en matériel et munitions engendrés par l’invasion de l’Ukraine, l’économie russe consent depuis dix mois un colossal effort de guerre. Priorité a clairement été donnée à l’industrie de l’armement au détriment de la production de biens et services à destination des ménages.
C’est un dilemme sur lequel ont probablement planché des centaines de milliers d’étudiants de premier cycle. Dans ses deux manuels de référence, vendus à plus de 4 millions d’exemplaires à travers le monde, Gregory Mankiw rappelle qu’en économie tout est affaire d’arbitrage, autrement dit de choix. Or l’un des arbitrages les plus classiques est peut-être « celui qui porte sur les dépenses liées à la défense nationale ou à l’alimentation », écrit-il dans Principes de l’économie (1998).
Le professeur à Harvard reprend alors à son compte le dilemme « beurre ou canons » et en formule une résolution on ne peut plus simple : « Plus nous investissons dans la défense nationale (…), moins nous pouvons acheter de biens de consommation afin d’augmenter notre niveau de vie à l’échelle de la nation ».
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Pénurie et hyperinflation
Entre le beurre et les canons, Vladimir Poutine a choisi. Pour répondre aux besoins en matériel et munitions engendrés par l’invasion de l’Ukraine, l’économie russe consent depuis dix mois un colossal effort de guerre. Priorité a clairement été donnée à l’industrie de l’armement au détriment de la production de biens et services à destination des ménages.
Sur place, ce virage stratégique est à la fois attesté par la survenue de pénuries ponctuelles mais également par l’hyperinflation qui touche certains produits de première nécessité comme les pâtes et le beurre (justement) dont les prix ont augmenté de plus de 25% en un an.
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Mais pour prendre véritablement la mesure de ce basculement de la Russie vers une économie de guerre, mieux vaut se référer aux données établies par le BOFIT, l’institut de la Banque de Finlande chargé du suivi des économies russes et chinoises. Profitant de ses liens anciens avec la Banque de Russie et l’institut national de statistiques russe (Rosstat), le think tank finlandais est réputé constituer l’une des sources les plus fiables au monde à propos de l’état réel de l’économie russe.
Or, selon le BOFIT, si le revenu des Russes n’a chuté « que » de 3,4% en 2022, leurs dépenses de consommation ont, elles, plongé de 7%. Le mécanisme décrit par G. Mankiw s’est donc bien enclenché : le niveau de vie des Russes a été sacrifié sur l’autel de la course à l’armement.
Fuite des cerveaux et des capitaux
À cet effet récessif immédiat pourraient s’ajouter des conséquences de plus long terme. Le choix des « canons » au détriment du « beurre » est en effet susceptible de fragiliser la trajectoire de croissance potentielle de la Russie.
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Croissance potentielle
Désigne la croissance qu’une économie peut atteindre au plein-emploi de ses capacités de production (main d’œuvre et capital) sans tension inflationniste. Le taux de croissance potentielle est calculé compte tenu de la croissance de la population active et de la dynamique d’accumulation du capital, approchée par la croissance de l’investissement.
Le BOFIT anticipe à ce titre un repli du PIB de 4% en 2022 comme en 2023. L’économiste canadien Dan Ciuriak estime de son côté que le pays pourrait perdre l’équivalent d’une année de production de richesses d’ici 2027 si ses fondamentaux économiques ne se redressent pas rapidement.
Le premier facteur de fragilisation de la croissance potentielle russe est la réaffectation de l’investissement, détourné des activités productives traditionnelles vers le complexe militaro-industriel. Les sanctions internationales, l’incertitude concernant l’issue de la guerre et la forte inflation (de l’ordre de 14%) qui sévit dans le pays ont, en outre, tari le flux des capitaux étrangers. « À ce stade, même les pays considérés comme amis de la Russie sont aujourd’hui très réticents à opérer des investissements d’importance », précise le BOFIT.
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L’institut finlandais montre également que l’invasion de l’Ukraine a fortement réduit le volume de main d’œuvre disponible. Plus que les ponctions dues à la mobilisation des réservistes (environ 300 000 hommes) et aux pertes humaines en Ukraine (environ 100 000 soldats tués ou blessés), c’est la fuite des cerveaux qui semble la plus problématique.
D. Ciuriak révèle par exemple qu’entre 50 et 70 000 travailleurs de la tech ont quitté le territoire de la Fédération de Russie pour éviter d’être enrôlés dans l’armée. En optant pour les « canons » plutôt que le « beurre », V. Poutine a ainsi fragilisé l’investissement et le capital humain, soit les deux piliers de la croissance économique future de son pays. Logiquement, le BOFIT prédit à la population russe « une longue et douloureuse transition vers un niveau de vie plus dégradé encore ».
Capital humain
Selon Gary Becker, père de l'économie comportementale, le capital humain représente le stock de connaissances et d'expériences, accumulé tout au long d’une vie par des investissements.
Dans le programme de SES :
Terminale : « Quelles sont les sources et les défis de la croissance économique ? »