Géopolitique

En Chine, la croissance s’essouffle, ce qui pourrait avoir des conséquences mondiales

La croissance chinoise continue de ralentir au troisième trimestre. Cela s’explique par des éléments conjoncturels, mais aussi par des problèmes que rencontre le pays en interne. Pénuries, délais de livraison, baisse des exportations : faut-il craindre des conséquences mondiales ?

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Des ouvriers passent devant les réserves de charbon à l'intérieur de l'usine sidérurgique de Tonghua en Chine, 7 janvier 2016.

Des ouvriers passent devant les réserves de charbon à l'intérieur de l'usine sidérurgique de Tonghua en Chine, 7 janvier 2016.

© Qilai SHEN/PANOS-REA

Mauvaise nouvelle pour Pékin : la croissance chinoise tourne au ralenti. Les chiffres, dévoilés ce lundi 18 octobre, montrent que le produit intérieur brut (PIB) de la Chine a progressé de 4,9 % au troisième trimestre 2021. Il s’agit du rythme le plus faible depuis la reprise post-Covid.

Qui plus est, entre le deuxième et le troisième trimestre, on remarque que la croissance de l’empire du Milieu ne progresse que de 0,2 %.

Ces données, communiquées par le bureau national des statistiques de Chine, doivent être considérées avec prudence - les chiffres officiels sont souvent surestimés par Pékin. Il n’empêche que la tendance est bel et bien au ralentissement. « On est à un moment où l’économie chinoise se retrouve à l’arrêt dans de nombreux secteurs », résume Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE. Ce qui n’est pas sans conséquence pour l’Occident.

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Dépendance au charbon

Comment l’expliquer ? Par des éléments conjoncturels d’abord. « L’économie chinoise a connu sa forte accélération post-covid en seconde partie de 2020, alors que l’Europe a dû attendre le deuxième trimestre 2021. Il est normal qu’un an après, le chiffre soit moins vigoureux », répond Philippe Ledent, senior economist chez ING Belgique, interrogé par L’Écho belge.

L’important rebond qu’a connu l’industrie chinoise après la crise sanitaire, engendre aujourd’hui des problèmes d’approvisionnement. De fait, les usines doivent faire face à des pénuries de composants, mais aussi à une forte hausse du coût des matières premières.

C’est le cas, notamment du charbon, dont la Chine est largement dépendante et qui alimente ses centrales électriques. Le pays subit des pénuries massives d’électricité et certaines provinces sont même rationnées. Résultats ? Des industries ont été obligées de stopper ou de réduire leurs activités.

Pour y faire face, l’État qui avait fermé de nombreuses centrales à charbon, a décidé de rouvrir des mines et d’accélérer les importations du combustible.

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Les coûts de production augmentent donc, ce qui se traduit en chiffres : la production industrielle n’a augmenté que de 3,1 % le mois dernier, par rapport à septembre 2020 (contre 5,3 % le mois précédent).

Éco-mots

Production

C’est l’activité économique qui combine les facteurs de production (capital, travail, ressources naturelles) pour créer des biens et des services afin de satisfaire les besoins individuels et collectifs (production marchande et non marchande).

La crise de l’immobilier

D’autres facteurs expliquent ce coup de frein. Du côté des ménages, la consommation est restée faible. La résurgence du variant Delta cet été a poussé les autorités à remettre en place des mesures radicales, ce qui a découragé la population à consommer.

Et puis, il y a la crise que subit de plein fouet le secteur immobilier. Ce dernier, qui représente dans son ensemble pas moins de 30 % du PIB chinois, est rattrapé par son surendettement endémique. Les autorités chinoises ont mis en place des règles plus strictes pour encadrer le secteur, quitte à laisser craindre la faillite du géant Evergrande.

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Xi Jinping souhaite en effet un resserrement des politiques publiques. Dernièrement, il s’est attaqué aux secteurs du numérique ou du soutien scolaire. Des faits qui ont des répercussions sur la confiance des investisseurs.

Pénuries, délais de livraison et hausse des coûts

Et si une nouvelle crise internationale, « à la Lehman Brothers », n’est pas à l’ordre du jour, le ralentissement de la croissance de l’empire du milieu aura des conséquences sur le monde occidental.

Surtout lorsque l’on sait que la Chine représentait un quart de la croissance mondiale et qu’elle est le premier pays exportateur au monde.

Des risques pèsent donc du côté des chaînes d’approvisionnement : « Le ralentissement économique chinois pourrait engendrer une nouvelle hausse du coût des échanges et du prix des intrants », prévient le spécialiste de l’assurance Euler Hermes, dans une note récente.

« On peut également s’attendre à une hausse des délais de livraison, et à une potentielle exacerbation des pénuries de biens intermédiaires, déjà constatée, aux États-Unis et en Europe. » Dans les colonnes de L’Écho belge, l’économiste Philippe Ledent alerte par exemple sur le « manque d’acier, d’aluminium à transformer, mais aussi de jouets pour Noël ». À deux mois des fêtes de fin d’année, nous voilà prévenus.

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Éco-mots

Intrant

Ou « input » en anglais, désigne un élément qui entre dans la production. Les matières premières ou la main-d’œuvre peuvent être des intrants.

Des conséquences pour les pays qui exportent vers la Chine

« Au niveau de la demande mondiale, les pays exportant vers la Chine pourraient être affectés, et particulièrement ceux les plus exposés aux secteurs de la construction et de la métallurgie (Chili, Hong Kong, Pérou, Australie, Afrique du Sud) », avertit encore Euler Hermes, dans sa note concernant le ralentissement de la croissance chinoise.

En Europe, l’Allemagne devrait être la plus concernée puisque ses exportations vers la Chine représentaient 95,9 milliards d’euros en 2020 (contre 17,5 milliards d’euros pour la France).

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