Géopolitique
Évasion fiscale : 5 chiffres pour comprendre les « Pandora Papers »
L'enquête d'un consortium de journalistes d'investigation révèle la création massive de sociétés dans des paradis fiscaux... et incrimine de nombreuses personnalités.
Pierre Garrigues
© EKA/ES-REPORTERS-REA
Les scandales des « Panama Papers » puis des « Paradise Papers » n'ont pas découragé les évadés fiscaux. C'est ce que révèlent les résultats de l'enquête menée par un consortium international de journalistes d'investigation, à partir de documents dérobés à des cabinets spécialisés dans l'optimisation fiscale. En quoi consistent ces manœuvres financières ? Quelles sommes représentent-elles ? Qui est concerné ? Pour L'Éco vous explique les « Pandora Papers » en cinq chiffres.
Éco-mots
Évasion fiscale
Évitement légal ou illégal de l'impôt, en utilisant les failles légales d'un système fiscal ou en déplaçant une partie de son patrimoine vers des systèmes fiscaux plus permissifs. L'évasion fiscale englobe la fraude fiscale, illégale, ainsi que l'optimisation fiscale, quant à elle légale.
De 5 600 à 32 000 milliards de dollars
Pourraient ainsi avoir échappé à l’imposition, grâce leur placement dans des paradis fiscaux. Parmi ces derniers, de nouveaux lieux privilégiés par les évadés fiscaux ont émergé ces dernières années, d’après les documents : notamment les États américains du Nevada, du Delaware et surtout du Dakota du Sud. Rien que dans le Dakota du Sud, les actifs des clients des trusts ont quadruplé en 10 ans, pour atteindre 360 milliards de dollars. En 2020, l’OCDE évaluait l’évasion fiscale mondiale à 11 300 milliards de dollars (9 710 milliards d'euros).
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Trusts
Structures opaques, utilisées par les évadés fiscaux, qui permettent à une personne (le settlor) de transférer la propriété de ses biens ou de ses fonds à une autre entité (le trustee), et ainsi de déconnecter la richesse d’une personne.
35 dirigeants, dont 14 actuellement au pouvoir
Sont incriminés par les fuites de documents. Parmi eux, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, le roi Abdallah II de Jordanie, ou encore l’actuel Premier ministre libanais Najib Mikati et son prédécesseur Hassan Diab.
Plus de 300 officiels de 91 pays apparaissent également dans les documents, à l’instar de l’ancien directeur du FMI et ancien ministre français de l’Économie Dominique Strauss-Kahn, ainsi que de nombreux proches du président russe Vladimir Poutine. Une centaine de milliardaires sont enfin concernés, ainsi que plusieurs personnalités, comme Pep Guardiola, entraîneur de l’équipe de football de Manchester City, ou la chanteuse colombienne Shakira.
29 000 sociétés offshore
Ont été mises au jour par l’enquête. Elles émanent des 14 fournisseurs de services financiers dont proviennent les documents, basés au Bélize, à Singapour, en Suisse, en Chypre ou aux Etats-Unis. Un seul d’entre eux, Alemán, Cordero, Galindo & Lee, un cabinet d’avocats panamien dirigé par un ancien ambassadeur a aidé de nombreuses banques à fonder au moins 3 926 sociétés offshore.
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Une « société extraterritoriale » est enregistrée à l’étranger, dans un pays autre que celui où son fondateur réside. Elle ne réalise aucune activité économique dans le pays où elle est basée. Elle peut revêtir plusieurs formes : trusts, holding, société écran. Elle permet à son fondateur d’éviter de payer les impôts dans son pays de résidence.
600 journalistes
Issus de 150 médias répartis dans 117 pays ont participé à l’enquête dans le cadre de l’International consortium of investigative journalists (ICIJ), un réseau indépendant de journalistes d’investigation. L’ICIJ est à l’origine des scandales de Swiss Leaks, en 2015, des Panama Papers, en 2016 ou encore des Paradise Papers en 2017.
11,9 millions de documents
Ont été publiés par l’ICIJ. Soit une quantité d’informations encore supérieure à celle qui avait mené au scandale des Panama Papers, en 2016. Ces documents, issus de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore (alors que ceux des Panama Papers ne provenaient que du cabinet Mossack Fonseca), précisent l’étendue de l’évasion fiscale au niveau international.
La « boîte de Pandore » était déjà entrouverte
L’ICIJ n’en est pas à son coup d’essai. Depuis sa création, en 1997, le consortium s’est fait un point d’honneur de dénoncer la fraude fiscale. Dès 2013, il publie les « Offshore Leaks », les détails de 130 000 sociétés offshore.
En 2014, les « LuxLeaks » accusent le gouvernement luxembourgeois de faciliter l’évasion fiscale sur son sol. L’année suivante, les Swiss Leaks révèlent les manipulations de la banque helvétique HSBC, liée à des milliers de sociétés offshore.
Les investigations de l’ICIJ prennent une ampleur nouvelle en avril 2016, lorsque ses médias partenaires s’attaquent aux « Panama Papers » et aux 11,5 millions de documents soutirés au cabinet Mossack Fonseca.
À l’intérieur, les informations de plus de 214 000 entités offshore, liées parfois à des personnalités politiques (le président ukrainien Petro Poroshenko, l’ancien ministre de l’Economie Dominique Strauss-Kahn), sportives (le footballeur argentin Lionel Messi), ou médiatiques.
Un an et demi plus tard, la publication des Paradise Papers enfonce le clou. Notamment issus du cabinet d'avocats Appleby, 13,5 millions de documents confidentiels détaillent à leur tour les manœuvres d’optimisation fiscale de centaines d’entreprises et personnalités. Selon les calculs de l'économiste français Gabriel Zucman, elle représente 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an pour des États du monde entier.
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