L’essentiel
- La Coupe du monde de football de 1970, remportée par le Brésil de Pelé, a été la première diffusée en couleur et en direct dans le monde entier.
- La Fédération internationale de football (FIFA) comprend que les revenus télévisuels pourraient être multipliés grâce à la diffusion internationalisée de l’évènement et de sa popularité.
- Le progrès technique permet de répondre à la demande des fans, créant un nouveau marché, particulièrement lucratif.
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La coupe du monde de 1970 était la neuvième d’une série qui en compte 22 et dont la dernière en date a baissé le rideau au Qatar en décembre 2022 après le sacre de l’Argentine. Mais la mémoire collective la considère souvent comme la plus belle, la plus grande de toutes. « Il y a tout un récit autour de la Coupe du monde 1970 », confirme Paul Dietschy, historien du sport et spécialiste du football.
« Le fameux arrêt du siècle de Gordon Banks, le match de légende entre l’Italie et la RFA (4-3) en demi-finales et les exploits du Brésil et de Pelé. Mais l’éblouissement de la télévision joue aussi beaucoup. »
Un progrès technique
Le Mondial 1970, organisé au Mexique, est d'abord marqué par un progrès technique majeur. c'est le premier diffusé en mondovision, en direct et en couleurs. « Le monde entier découvre enfin le maillot jaune de Pelé », sourit Pierre Rondeau, économiste du sport. C’est en tout cas durant cet événement, le 21 juin 1970, après une victoire contre l’Italie (4-1) en finale devant plus de 100 000 spectateurs et beaucoup plus de téléspectateurs, que le « Roi », décédé le 29 décembre 2022 à l’âge de 82 ans, entrera dans la légende. Ce jour-là, il remporte son troisième titre mondial pour le Brésil après 1958 et 1962. Un exploit jamais égalé.
« On entend souvent que la finale de 1966 (en Angleterre, remportée par le pays hôte contre la RFA) a été suivie par 600 millions de téléspectateurs grâce au satellite Early Bird, reprend Paul Dietschy. Mais la différence, au Mexique, ce sont les couleurs, la simultanéité et l’accessibilité de l’événement sportif qui s’invite dans le salon et se joue même à des heures calibrées pour satisfaire les pays européens. » Une offre en réponse à la demande des spectateurs qui consommaient jusque là le sport surtout via la radio ou les journaux. Ils pouvaient désormais voir les exploits de l’attaquant brésilien que beaucoup considèrent comme le meilleur joueur de tous les temps.
De nouvelles sources de revenus
« Rien qu’en France, au moment de l’événement, les ventes de téléviseurs couleur explosent, rappelle Pierre Rondeau. À partir de 1970, la FIFA (Fédération internationale de football) se rend compte qu’elle pourra décupler sa richesse grâce à la diffusion télévisuelle internationalisée. Et plus seulement via la billetterie, le sponsoring ou la subvention publique. »
Même si les revenus télévisuels « commencent à croître », comme le confirme Paul Dietschy, « avec une vraie prise de conscience du monde sportif qui ne voit plus la TV comme une ennemie, beaucoup de chaînes sont encore publiques. C’est la décennie 1990 qui fera tout basculer ».
Le Mondial 1970, qui regroupe toujours 16 équipes, se veut par ailleurs plus représentatif des différentes confédérations. Une place est notamment allouée à la « zone Afrique » et à la « zone Asie et Océanie ». Le Maroc, deuxième pays africain à participer à la Coupe du monde après l’Égypte en 1934, et Israël obtiendront chacun le précieux sésame.
Une étape importante dans l’ouverture au monde même si l’Europe, et ses neuf représentants, ainsi que l’Amérique - le Mexique au Nord, le Salvador au centre, le Brésil, l’Uruguay et le Pérou au Sud - demeurent alors surreprésentés par rapport aux autres parties du globe.
La qualité renforcée du spectacle
Autre manifestation de la mondialisation du sport à cette période, le fameux ballon Telstar d’Adidas, premier ballon officiel de l’histoire de la Coupe du monde. « En 1970, ce ballon est en plus produit au Mexique. C’est un signe de la délocalisation de l’industrie du sport », commente Paul Dietschy, auteur notamment de l’ouvrage Histoire du football. « Avant, on utilisait le ballon local. Désormais, le Telstar devient la référence mondiale, une icône, un design » : 12 pentagones noirs et 20 hexagones blancs.
Plusieurs nouveautés apparues lors de cette Coupe du monde 1970 font également entrer le sport dans une nouvelle ère et contribuent à l’amélioration de la qualité du spectacle ainsi qu’à son succès aux yeux des centaines de millions de téléspectateurs. « Il est désormais possible pour les équipes de faire deux remplacements par match. On enlève un peu d’aléatoire », souligne Ludovic Tenèze, spécialiste de l’histoire du football. De quoi laisser la place aux changements tactiques.
« Les cartons jaunes et rouges font aussi leur apparition pour la première fois », poursuit l’auteur du livre 150 ans de football (1863-2015) : Histoire des lois du jeu. Evgeni Lovchev, le numéro 6 de l’Union soviétique, récoltera ainsi le premier carton jaune de l’histoire, lors du match d’ouverture contre le Mexique (0-0).
Malgré un engouement certain autour de cette Coupe du monde, les habitudes de consommation ne changent pas encore radicalement. « Le public qui regarde les matches à la télévision reste très masculin, surtout des passionnés de sport. Ce n’est pas le public d’aujourd’hui », confie Paul Dietschy.
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Mais une certitude : après le mondial 1970, rien ne sera plus jamais comme avant. En parallèle, on assiste à la montée en puissance d’autres très grands événements sportifs.
Comme en 1968, avec les Jeux olympiques d’hiver à Grenoble, diffusés pour la première fois en couleurs, en mondovision et organisés par rapport « aux besoins de la télévision américaine. Il y a aussi les compétitions automobiles avec les Grand Prix de Formule 1, les 24 Heures du Mans ou, encore, le Tour de France », conclut l’historien.
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