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France-Afrique : le divorce post-colonial
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France-Afrique : le divorce post-colonial
Départ piteux du Burkina Faso, démontage de l’opération Barkhane au Sahel… Deux générations après la décolonisation, jamais les positions françaises en Afrique n’ont été aussi affaiblies et les oppositions si fortes.
Frédéric Munier, professeur de chaire supérieure, enseigne la géopolitique en classes préparatoires au Lycée Saint-Louis (Paris) et à SKEMA Business School
© Romain GAILLARD/REA
Début mars 2023, le président Macron a réalisé une série de déplacements en Afrique afin d’y « réarticuler » la présence française. La réalité est que la France cherche à endiguer le rejet dont elle est l’objet dans des pays qui avaient conservé jusque-là des liens étroits avec elle. On ne compte plus les manifestations contre « l’armée coloniale française », tandis que le Burkina Faso s’appuie désormais sur les mercenaires russes de Wagner pour assurer sa sécurité. La perte d’influence française n’est pas que militaire : la Chine, la Russie mais aussi les États-Unis multiplient les accords d’échange et d’investissement avec l’Afrique, où certains pays annoncent fièrement que le français pourrait cesser d’être enseigné. Le temps où le président ivoirien Felix Houphouët-Boigny (au pouvoir de 1960 à 1993) louait les bienfaits de la « France-Afrique » semble bien loin.
Les raisons de ce reflux sont multiples. La diplomatie d’influence chinoise et la guerre informationnelle menée par la Russie ont affaibli l’image de la France en soufflant sur les braises du sentiment anti-colonial. Mais c’est que, précisément, le rejet de la présence française est profond dans les opinions publiques africaines. Il tient au sentiment que la décolonisation n’a jamais été totale, mais aussi au fait qu’après 10 ans de présence militaire accrue au Sahel, rien n’a vraiment changé.
L’Afrique dominée, c’est fini
Les populations rejettent l’ancienne puissance coloniale qui n’est pas venue à bout du djihadisme et dont la présence a pu être ressentie comme de l’occupation. Ajoutons à cela l’ambivalence permanente de la France : elle condamne les exactions djihadistes, mais soutient, au Tchad, le jeune président Déby, qui a réprimé dans le sang une manifestation en octobre 2022. Emmanuel Macron affirme la nécessité d’une « autre voie », mais le ministre des Armées Sébastien Lecornu réaffirme que « l’Afrique fait partie de notre profondeur stratégique »…
Certes, Paris conserve pour le moment de solides appuis – au Sénégal, au Niger, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Gabon. Mais ils reposent avant tout sur de bons rapports avec des chefs d’État dont certains sont peu soucieux des valeurs démocratiques que la France est censée soutenir. Les populations, quant à elles, grondent. Le général Bruno Clément-Bollée, grand connaisseur de l’Afrique, considère que « nous sommes tout simplement en train de changer d’époque » et que « l’Afrique dominée » cherche à devenir « une Afrique souveraine ». Il n’est pas sûr, pour les populations africaines, que troquer le soutien de Paris contre celui de Moscou change leur sort. Mais une chose est certaine : la décolonisation est un plat qui se mange froid.
Au programme d’histoire-géographie de terminale
Thème 2, chapitre 2 : « Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde ».
Thème 4, chapitre 1 : « Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux ».