Géopolitique
G7 Finances : bientôt la fin du zéro impôt pour les multinationales et les Gafam ?
Nouvelle étape dans le long parcours vers un impôt mondial : l'OCDE a approuvé jeudi 1er juillet un taux d'au moins 15 % pour les multinationales. Décryptage.
Stéphanie Bascou
© HAMILTON/REA
130 pays ont voté pour la réforme du système fiscal international ce jeudi 1er juillet 2021. Au sein de l'OCDE, ils se sont accordés sur deux piliers.
1. La réattribution d'une partie des droits d'imposition sur les grandes entreprises multinationales de leurs pays d'origine aux pays de marché dans lesquels elles exercent des activités commerciales et réalisent des bénéfices, qu'elles y aient ou non une présence physique.
2. L'instauration d'un impôt minimum mondial de 15 % que les pays peuvent prélever pour protéger leur base d'imposition.
Ce vote de l'OCDE intervient après une étape fatidique : la réunion du G7 Finances de Londres, le 4 juin 2021. Ce jour-là, les sept ministres des Finances ont trouvé un accord sur deux points : un taux minimum d'impôt sur les sociétés d'au moins 15 % applicable dans tous les pays, et un changement clef des règles de fiscalité.
Pourquoi parle-t-on d’imposer les multinationales dont les Gafam ?
Avant le début de cette réunion, le mot-clef était l'urgence. L'urgence de « mettre en place un système fiscal international efficace et équitable », relevait cette tribune de quatre ministres européens des Finances, dont Bruno Le Maire.
« Actuellement, les multinationales peuvent échapper à l'impôt sur les sociétés en déplaçant leurs bénéfices à l'étranger. Ce n'est pas quelque chose que le public continuera à accepter », ajoutaient-ils.
Or, le moyen est simple, ont-ils expliqué, il suffit de changer une des règles du jeu.
Éco-mots
G7
Mis en place en 1974 pour trouver une position commune après le premier choc pétrolier, ce « groupe des 7 » informel de discussion et de partenariat économique a d'abord réuni les 5 pays les plus industrialisés du monde (les États-Unis, le Japon, la France, l'Allemagne de l'Ouest et le Royaume-Uni) avant de devenir G7 (avec l’Italie et le Canada).
La filiale irlandaise de Microsoft, relève le média britannique le Guardian, n’a par exemple pas payé d’impôts sur les sociétés en 2020, alors qu'elle y a réalisé 315 milliards de dollars de bénéfices grâce aux ventes sur toute la planète des licences de la firme californienne.
Pourquoi ? Parce que chaque société paie des impôts sur les bénéfices là où elle a élu domicile, c’est-à-dire où elle est enregistrée, de la même façon qu’un citoyen paie des impôts sur ses revenus à l’État dans lequel il est domicilié.
Or, les multinationales choisissent des pays qui imposent peu, voire pas du tout, les bénéfices.
Microsoft s’est ainsi immatriculée aux Bermudes, et paie des impôts seulement aux Bermudes, un paradis fiscal qui … n’impose pas les sociétés.
C’est précisément cette règle du jeu que souhaitent modifier les ministres des Finances du G7. L’idée est maintenant de taxer les sociétés, là où elles réalisent, au contraire, des bénéfices.
Ce projet de réforme existe depuis plusieurs années, porté notamment par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la France.
Éco-mots
L'OCDE est une organisation internationale créée, à l'origine, pour gérer l'aide américaine après la Seconde Guerre mondiale, le plan Marshall. Elle regroupe aujourd'hui 38 pays et représente 80% des échanges et de l’investissement dans le monde. Elle réalise de nombreuses études et rapports, notamment en matière économique, d’éducation et de santé. Elle vise à mettre en place des normes internationales pour « promouvoir des politiques publiques qui favorisent la prospérité, l’égalité des chances et le bien-être pour tous 1 ».
Joe Biden avait d'abord évoqué un taux minimum d'impôt sur les sociétés de 21 %, avant de rétrograder et de s’en tenir à 15 %. En France, le taux d’imposition des sociétés est de 28 %, contre 12,5 % en Irlande, ou 10 % en Bulgarie.
Pour l’économiste Gabriel Zucman, dont les propos ont été rapportés par Libération : le taux de 15 % vers lequel le G7 semble se diriger est « dérisoire », car il s’appliquerait aux entreprises les plus lucratives, alors qu’en France, « les taux d’imposition effectifs des classes moyennes et populaires sont de 30 % ou 40 % en prenant en compte la TVA, autres impôts et cotisation sociale ».
Thomas Piketty, au micro de France Inter, insiste : « Accepter 15 %, c’est structurellement donner le droit aux multinationales de payer moins d’impôts que les PME. »
Mais ce taux pourrait être un point de départ. « Dans les mois qui viennent nous allons nous battre pour que ce taux d'imposition minimal à l'impôt sur les sociétés soit le plus élevé possible », estime Bruno Le Maire dans un tweet.
Selon l’Observatoire européen de la fiscalité, un taux minimum à 15 % rapporterait 4 milliards d’euros à la France.
Quelles sont les chances que ces règles soient adoptées ?
Mettre en place un impôt minimal et faire payer plus d’impôts aux multinationales pourraient aider les États à renflouer leurs caisses, vidées par la crise sanitaire, et des plans de relance. D'après l'OCDE, cette réforme pourrait générer environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires chaque année.
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Pour autant, l’Irlande et la Hongrie, deux pays aux taux d’imposition sur les sociétés les plus faibles, continuent de voter contre.
Après la crise de 2008, le secret bancaire avait sauté. Avec cette crise sanitaire, l’absence de taxation des multinationales va-t-elle aussi faire de même ? Le processus n'est pas terminé.
Ces nouvelles règles doivent encore être discutées lors du prochain G20 des ministres des Finances en juillet 2021 à Venise. Objectif : arrêter les négociations en octobre 2021 pour « préparer un plan de mise en œuvre effective en 2023 », d'après l'agenda dévoilé par l'OCDE.
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