Géopolitique

G7. Les fractures béantes du multilatéralisme

La dernière réunion du G7 a eu lieu au Japon, du 19 au 21 mai dernier. Les sept pays industrialisés avaient invité des pays du Sud. Le multilatéralisme a-t-il redémarré ? Rien n’est moins sûr.

Frédéric Munier, professeur de chaire supérieure, enseigne la géopolitique en classes préparatoires au Lycée Saint-Louis (Paris) et à SKEMA Business School
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Illustration de l'article G7. Les fractures béantes du multilatéralisme

© POOL/ZUMA Press/ZUMA-REA

Publié en 2022 sous la direction de Julian Fernandez et Jean-Vincent Holeindre, l’ouvrage Nations désunies ? porte un sous-titre qui campe le tableau de notre temps : La crise du multilatéralisme dans les relations internationales. Il est un fait qu’aujourd’hui, les organes censés assurer une concertation pacifique à l’échelle de plusieurs pays sont en panne, à commencer par l’ONU. C’est la Russie, l’un des membres permanents du Conseil de sécurité, pourtant garant de la paix mondiale, qui a perpétré l’invasion de l’Ukraine

À cet égard, il n’est pas sûr que la récente réunion du G7 à Hiroshima ait su répondre à ce contexte de crise, synonyme d’instabilité géopolitique grandissante. Rappelons que le G7 a été créé en 1975 à l’initiative de la France autour de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni. Il constitue à cet égard un organe clé au service du multilatéralisme. Mais son emprise sur le monde n’est plus aussi hégémonique que par le passé ; des deux tiers du PIB mondial à l’origine, il n’en représente plus aujourd’hui que 45 %.

Contenir Pékin

Le sommet d’Hiroshima poursuivait un triple but : éviter que ne se constitue une alliance anti-occidentale, réaffirmer un clair soutien à l’Ukraine, mais aussi élaborer une stratégie face à la Chine, considérée comme une menace. Il a été marqué par deux invitations inhabituelles : celle d’États démocratiques majoritairement issus du Sud – dont l’Inde, l’Indonésie et le Brésil – et celle du président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Force est de constater que le bilan de cette double initiative est mince. D’une part, seul Narendra Modi, le Premier ministre indien, a accepté de discuter avec son homologue ukrainien ; ce dernier a dû se contenter d’une vague promesse d’aide humanitaire. D’autre part, les pays du G7 ont cherché à définir à l’égard de Pékin les lignes d’un containment (endiguement) qui maintiendrait les échanges avec la Chine, sauf dans les domaines stratégiques. Le communiqué final du sommet adoptait un ton ferme à l’égard de Pékin sur Taïwan et la situation des Ouïghours.

La Chine s’est offusquée de ce qu’elle a considéré comme de l’ingérence et de l’hostilité. Au même moment, Xi Jinping tenait un sommet avec cinq grandes puissances d’Asie centrale afin d’assurer la poursuite de son grand projet de nouvelles routes de la soie. Bref, la fracture qui sépare « The West » et « The Rest » est loin d’être réduite tandis que les difficultés de l’Occident à organiser un ordre mondial conforme à ses intérêts sont de plus en plus patentes. In fine, en lieu et place d’un multilatéralisme gage de paix se mettent en place des formes de minilatéralisme, synonyme d’instabilité.

Lire aussi > Comment la Chine et la Russie remettent les frontières au cœur des relations internationales

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