Lorsque l’inflation recule de façon prononcée, au point d’atteindre un niveau trop bas, comme c’est le cas actuellement en Chine (avec une inflation inférieure à 1 % sur un an), le spectre de la déflation est toujours présent.
Le spectre de la déflation
Une économie qui connaît une baisse des prix peut avoir du mal à s’en remettre – comme le montre l’exemple édifiant du Japon qui ne parvient pas à sortir d’une déflation rampante depuis le début des années 1990.
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Pourquoi ? Les agents économiques adaptent leurs anticipations et ont tendance à attendre que les prix continuent de baisser pour réaliser leur consommation de biens importants (comme l’automobile), ce qui déprime la demande et réduit la croissance économique.
Un phénomène de prophétie autoréalisatrice peut alors se mettre en place, où la baisse de la consommation alimente la baisse des prix. En outre, avec la déflation, les entreprises voient leurs marges s’effondrer, ce qui peut se traduire au pire par des faillites et au mieux par le report des plans d’investissement. À nouveau, la croissance économique s’en ressentirait très négativement. L’économie chinoise n’en est pas encore là mais, selon de nombreux économistes, il convient de surveiller son évolution dans les prochains mois…
Deux PIB bien distincts
La Chine connaît en fait une situation de très vive désinflation : en septembre 2022, elle pouvait compter sur une inflation de 2,8 % en rythme annuel, ce qui est très proche de la cible d’inflation de 3 % fixée par la Banque centrale chinoise (Banque populaire de Chine ou BPC). Il faut se rappeler que le gouvernement chinois avait longtemps poursuivi sa politique du « zéro Covid », ce qui a entravé la reprise économique. La levée des restrictions explique, en partie, que l’inflation ait pu alors augmenter au niveau de la cible de la BPC. À l’inverse, si l’inflation est si faible maintenant, c’est la démonstration que la croissance économique s’est révélée finalement peu robuste et n’a pas pu suffisamment se prolonger dans le temps.
Une façon (technique) de comprendre d’où vient l’inflation est d’introduire la distinction entre deux PIB (produit intérieur brut), cet agrégat qui mesure la quantité de biens et services produite sur un territoire : PIB potentiel et PIB effectif. Lorsque le PIB effectif s’élève au-dessus du PIB potentiel, cela signifie que la demande globale augmente au-delà de l’offre globale d’une économie, ce qui se traduit par des tensions inflationnistes.
Ne pas confondre
PIB potentiel : PIB qui mesure la croissance économique de long terme. Il dépend des facteurs qui alimentent l’offre globale d’une économie. /PIB effectif : PIB qui mesure la croissance économique de court terme. Il dépend des facteurs qui alimentent la demande globale d’une économie.
Dans le cas chinois, si l’inflation marque le pas, c’est que le PIB effectif n’augmente pas suffisamment. Autrement dit, la demande globale n’est pas assez puissante. Comment peut-on l’expliquer ? Pour le comprendre, il convient de revenir rapidement sur les grandes étapes de la stratégie du développement économique de la Chine.
Une économie basée sur la demande extérieure
Dans un premier temps, du début des années 1980 jusqu’au début des années 2000, l’émergence de l’économie chinoise s’appuie considérablement sur la demande extérieure. Ce sont les exportations qui tirent la demande globale chinoise (et donc le PIB effectif). Mais avec la crise de 2007-2008, le gouvernement chinois mesure combien ce modèle extraverti est fragile : lorsque les pays avancés connaissent une crise économique, la baisse de leurs importations affecte très fortement la croissance économique chinoise. Si bien que les autorités prennent la décision de recentrer leur modèle économique en cherchant à alimenter la demande interne (ménages et entreprises qui se situent sur le territoire chinois).
De fait, les exportations deviennent moins importantes. En 2022, elles en arrivent à ne plus progresser, ce qui limite la demande globale et se traduit par un ralentissement de l’inflation. L’économie chinoise doit donc compter sur les ménages et les entreprises domestiques pour assurer la solidité de sa croissance économique de court terme.
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Une trop faible consommation interne
Or, les producteurs voient leur prix à la production baisser depuis 2022, ce qui témoigne à la fois d’une trop faible consommation interne et du fait que leurs marges se réduisent. Or, si les entreprises domestiques connaissent une dégradation de leur profit, cela aura un impact sur leurs plans d’investissement, ce qui affaiblira à nouveau la croissance économique de court terme (en impactant négativement le PIB effectif).
Au début du mois de mars 2023, le gouvernement chinois avait indiqué qu’avec le contexte international particulièrement compliqué, il comptait tout particulièrement sur un relèvement de sa demande intérieure pour atteindre ses objectifs de croissance économique.
C’est donc cette demande interne qui, pour l’instant, ne répond pas aux attentes des autorités. Si bien que le PIB effectif chinois s’élève très faiblement, ce qui ralentit la hausse des prix. Aussi, la faible inflation de l’économie chinoise démontre finalement que la croissance économique ne sera pas à la hauteur des attentes.
Dans le programme de SES
Terminale. « Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? »
Terminale. « Quels sont les fondements du commerce international et de l’internationalisation de la production ? »