Géopolitique

Le Pacte vert européen, complexe jeu d’équilibre entre programme environnemental et compétitivité

Pour la quatrième fois depuis sa prise de fonction en 2019, Ursula von der Leyen a prononcé son discours sur l’état de l’Union européenne le 11 septembre 2023, à Strasbourg. Parmi les grands sujets, la présidente de la Commission européenne a cherché à maintenir le Pacte vert européen sans abîmer la compétitivité des entreprises de l’Union. Un véritable exercice d’équilibrisme.

,
Illustration de l'article Le Pacte vert européen, complexe jeu d’équilibre entre programme environnemental et compétitivité

© Christophe Licoppe / Commission européenne

Pourquoi_en_parle.png

C’est le grand événement politique de la rentrée européenne. Depuis 2010, le discours sur l’état de l’Union européenne est l’occasion pour le président ou la présidente de la Commission européenne de faire le bilan des actions de l’Union et de fixer le cap pour l’année à venir.

Ce 13 septembre 2023, et pour la quatrième fois (elle a été nommée en 2019), l’Allemande Ursula von der Leyen a prononcé son discours pendant plus d’une heure devant les députés européens. Une performance au ton particulier cette année puisqu’elle intervient seulement quelques mois avant les élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024.

Le discours était également très attendu puisque le contexte international met au défi la solidité des liens entre les 27 États membres et questionne la capacité de l’UE à évoluer. Entre la guerre en Ukraine, l’euroscepticisme latent, la concurrence commerciale internationale, l’inflation, la crise de l’énergie et le changement climatique, les sujets abordés sont nombreux.

La présidente de la Commission a donc, en plus du bilan de ses quatre dernières années à la tête de l’exécutif européen, dévoilé le cap de l’Union avant les élections. Elle a notamment abordé deux sujets à l’importance cruciale dont les objectifs sont étroitement liés : le Pacte vert européen et la compétitivité européenne.

En toile de fond, l’idée de l’exécutif européen est de maintenir les exigences du premier tout en n’abîmant pas les intérêts du second. Un exercice d’équilibriste qui occupe une grande partie des débats politiques au sein des institutions européennes.

Le Pacte vert est vu par certains comme un frein au développement économique de l’Union car trop contraignant vis-à-vis des entreprises ou des agriculteurs. À l’inverse, d’autres défendent sa mise en application stricte au nom de la lutte contre le changement climatique. De son côté, la Commission tente de faire passer l’idée d’une fusion possible entre les deux objectifs.

Dans un contexte de forte concurrence commerciale internationale, l’exécutif européen fait valoir la ligne de la croissance verte, de la possibilité pour le Pacte vert de créer des emplois et de favoriser une croissance vertueuse pour les 450 millions de citoyens européens.

Pour aller plus loin > Réveillée par les crises, l’Union européenne découvre sa puissance

DEfinition.png

« Nous avons à présent un Pacte vert pour l’Europe qui est la pièce maîtresse de notre économie et dont l’ambition est sans pareil », a déclaré Ursula von der Leyen lors de son discours. Ce Pacte vert, ou Green Deal, est la feuille de route environnementale de l’Union européenne. Présentée par la Commission européenne en décembre 2019, cette trame, qui englobe un ensemble de textes législatifs, a pour objectif de mener l’UE vers la neutralité carbone d’ici à 2050.

Pour aller plus loin > L’Union européenne renforce son arsenal face au réchauffement climatique

Il est l’objectif numéro 1 dans l’UE depuis la prise de fonction de la Commission von der Leyen, forcé par les enjeux climatiques. Mais ce Pacte vert cherche aussi, selon les mots de la présidente de la Commission, à être « la nouvelle stratégie de croissance » de l’Union en réussissant à concilier décarbonation et croissance économique.

Des grands textes controversés sont représentatifs de ce travail d’équilibriste. De la ferme à la table, la loi sur la restauration de la nature, le règlement sur le bois importé issu de la déforestation… toutes ces déclinaisons du Pacte vert sont ambitieux pour la protection de l’environnement mais posent des contraintes importantes sur les entreprises européennes.

Alors, même si Ursula von der Leyen a maintenu le cap du Pacte vert mercredi en le qualifiant de « juste et équitable », elle a tout de même proposé plusieurs mesures en faveur des entreprises européennes afin de réduire la pression sur les entreprises et ne pas abîmer leur compétitivité sur le marché international.

Pour aller plus loin > Comment les entreprises s’adaptent aux réglementations de l’UE sur la déforestation

MEcanisme.jpg

« Parce que nous croyons que cette transition est essentielle pour garantir la compétitivité future de notre Europe », a déclaré la présidente de la Commission européenne dans son discours. Le mot compétitivité y revient d’ailleurs 7 fois.

On peut définir la compétitivité comme « la capacité, pour une entreprise, un secteur d’activité ou une économie, à faire face à la concurrence interne ou extérieure, à conquérir des parts de marché et à occuper une position forte sur les marchés. »

Et si le sujet importe à Bruxelles c’est que l’UE fait face au défi de la compétitivité de ses entreprises face à des pratiques de concurrents commerciaux directs que sont les États-Unis et la Chine.

Les premiers ont lancé en janvier 2023 un vaste plan de subvention de leur industrie domestique, l’IRA. Les seconds subventionnent largement les constructeurs automobiles du pays, créant une situation de dumping. D’ailleurs, à l’occasion de son discours, la cheffe de l’exécutif européen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions massives accordées par la Chine à ses constructeurs de véhicules électriques.

Pour aller plus loin > IRA. Protectionnisme aux États-Unis, l’Europe doit-elle riposter ?

Ursula von der Leyen a proposé une série d’actions afin de garantir la compétitivité de l’Union : rédaction d’un rapport sur la compétitivité par l’ancien président de la BCE Mario Draghi, lancement d’un paquet de soutien à l’industrie éolienne, réduction de 25 % des obligations de déclarations pour les PME à l’exportation, contrôle de compétitivité des entreprises à chaque texte législatif voté etc.

Des annonces qui font suite à l’annonce de deux lois sur l’industrie verte et les matières premières critiques en février 2023 qui cherchaient déjà à répondre aux offensives américaines et chinoises.

Pour aller plus loin > Le protectionnisme, rempart obligatoire pour sauver l’industrie automobile européenne ?

Citation.png

Fiche_VDL_citation.png« Le pacte vert pour l’Europe est né de cette nécessité de protéger notre planète. Mais il a également été conçu comme une occasion de préserver notre prospérité future. Nous avons fait évoluer le programme en matière de climat vers un programme économique. […] L’industrie européenne montre chaque jour qu’elle est prête à faciliter cette transition. En faisant la preuve que la modernisation et la décarbonation peuvent aller de pair. »

Ursula von der Leyen,

Présidente de la Commission européenne lors du discours sur l’état de l’Union le 13 septembre 2023.

Utile pour ce Chapitre

  1. Accueil
  2. Monde
  3. Europe
  4. Le Pacte vert européen, complexe jeu d’équilibre entre programme environnemental et compétitivité