S’investir dans un chantier de « santé publique » au Cambodge pendant deux semaines, sans qualification requise. L’offre peut étonner. C’est pourtant ce que propose le site de Project Abroad à des jeunes de 15 à 18 ans… moyennant 2 325 euros, hors frais de billet d’avion !
Au programme : prise de la tension, mesure du taux de glycémie, nettoyage de petites plaies, mais aussi « incroyables excursions le week-end ».
Présenté comme un « stage d’orientation », ce type de mission relève d’un secteur d’activité économique en pleine expansion depuis les années 1990 : le tourisme « humanitaire », aussi surnommé volontourisme.
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Répondant à une forte demande chez les Occidentaux de « faire de l’humanitaire », des entreprises envoient ces volontaires dans des structures à l’étranger pour des séjours de quelques jours à quelques semaines, sans exiger aucune qualification.
Un business un peu opaque de voyages clés en main qui pèserait plus de deux milliards d’euros d’après le quotidien suisse Le Temps.

Des marges de 30 à 40 %
« C’est une niche très lucrative », estimait déjà en 2016 Mark Watson, directeur de l’organisme britannique Tourism Concern, auprès du média canadien La Presse +. Selon lui, les marges de profit du tourisme humanitaire atteindraient 30 à 40 %. Pour rappel, elles varient entre 2 % et 3 % dans l’industrie touristique traditionnelle.
Project Abroad est le leader du secteur. Derrière ce nom, un ensemble de structures appartenant à une holding domiciliée en Angleterre, Beech View Holdings Limited. Elle commercialise plus de 200 séjours à travers le monde.
Il existe aussi Bamboo, une agence de voyages qui inclut dans ses packages des visites d’écoles primaires en Ouganda ou des « rencontres » avec des enfants malades au Népal ; ou encore International Volunteer HQ (IVHQ), société néo-zélandaise dont 80 % du capital sont détenus par la société d’investissement australienne Mercury Capital.
À chaque fois, les volontaires payent leur « mission » très cher au regard du coût de la vie sur place. On est loin de la logique d’une association à but non lucratif… « Au Togo, le tourisme humanitaire s’est tellement développé qu’une permanence a été mise en place à l’aéroport de Lomé pour sensibiliser sur des organisations peu vertueuses », témoigne Clarisse Bourjon, chargée de mission Plaidoyer à France Volontaires.

Gare aux faux orphelinats
Ce business afflige de nombreux professionnels de l’humanitaire. Car en ligne avec leur logique commerciale, ces sociétés satisfont en priorité aux demandes de leurs clients plutôt que de répondre aux vrais besoins des populations locales.
Dans l’immense majorité des cas, les « missions » n’ont qu’un faible intérêt pour les résidents et peuvent même aller jusqu’à leur porter préjudice ! Au Cambodge et au Népal, par exemple, de faux orphelinats ont fleuri pour combler la demande.
Sur son site, le gouvernement britannique met d’ailleurs en garde ses jeunes ressortissants : « Il existe des preuves que certaines organisations sans scrupules hébergent délibérément des enfants dans de mauvaises conditions pour attirer les dons de la part des visiteurs. […] En vous portant volontaire ou en visitant de telles structures, vous pouvez sans le savoir contribuer à l’exploitation des enfants. »
Clarisse Bourjon explique : « Un vrai projet de volontariat se prépare six mois à un an à l’avance. » Il existe de nombreuses offres sur le site de France Volontaires. Des plateformes comme HelpX. net ou WorkAway. info permettent également de rentrer en contact avec des structures qui recherchent des volontaires en échange du gîte et du couvert.
Dans tous les cas, la vigilance est de mise dès lors qu’il s’agit de verser de l’argent pour donner de son temps !