Heinz Erlemann est concessionnaire automobile dans la petite ville de Villmar, en Allemagne. Fin avril, dans les colonnes du journal régional Frankfurter Neue Presse, il raconte, pour son Land, la Hesse, la tension du marché de l’automobile à cause de la pénurie de puces (semi-conducteurs), ces petits composants électroniques essentiels au bon fonctionnement, entre autres, des airbags, des systèmes de conduite ou de freinage de nos véhicules.
Il se lamente de la chute brutale des nouvelles immatriculations et de l’intérêt croissant pour les véhicules d’occasion qui, du coup, se raréfient : « La crise des puces bouleverse tout : il y a moins de retours de leasing, moins de voitures de démonstration, moins de voitures de service d’usine. »
La Commission européenne est formelle : la pénurie de puces a empêché la production de 1,3 million de voitures en 2021. Dans certains États membres, les usines automobiles tournent à leur niveau de… 1975. Et ce n’est pas tout.
Heinz Erlemann est concessionnaire automobile dans la petite ville de Villmar, en Allemagne. Fin avril, dans les colonnes du journal régional Frankfurter Neue Presse, il raconte, pour son Land, la Hesse, la tension du marché de l’automobile à cause de la pénurie de puces (semi-conducteurs), ces petits composants électroniques essentiels au bon fonctionnement, entre autres, des airbags, des systèmes de conduite ou de freinage de nos véhicules.
Il se lamente de la chute brutale des nouvelles immatriculations et de l’intérêt croissant pour les véhicules d’occasion qui, du coup, se raréfient : « La crise des puces bouleverse tout : il y a moins de retours de leasing, moins de voitures de démonstration, moins de voitures de service d’usine. »
La Commission européenne est formelle : la pénurie de puces a empêché la production de 1,3 million de voitures en 2021. Dans certains États membres, les usines automobiles tournent à leur niveau de… 1975. Et ce n’est pas tout.
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La pénurie qui résulte des confinements successifs et de la demande accrue de matériel informatique pousse certaines entreprises à faire des stocks de puces par précaution et bride les usines d’Apple, Huawei ou Sony. La crise pourrait durer jusqu’en 2023.
Quadrupler la production avant 2030 ?
Une situation délicate pour l’Europe, qui n’assure que 10 % de la production mondiale de semi-conducteurs et dépend massivement des fournisseurs américains et asiatiques. Afin de limiter ces dépendances, la Commission européenne a présenté, début février, un plan de bataille baptisé « loi sur les puces » ou « Chips Act ».
En Chiffres
10 %
Part de l’UE dans les revenus mondiaux liés aux semi-conducteurs. Elle était de 20 % dans les années 1990.
L’ambition affichée : multiplier par quatre la production européenne de semi-conducteurs d’ici 2030. « Ce n’est pas uniquement une question de quantité », explique la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, il s’agit de « franchir de nouvelles frontières en matière d’innovation ».
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Le Chips Act prévoit d’une part, de renforcer les capacités européennes de recherche afin de produire des puces à très haute performance, d’autre part, d’encourager le déploiement de nouveaux outils de conception ainsi que de gigantesques usines dans toute l’UE.
Un mécanisme de « contrôle des exportations » devrait également voir le jour, pour permettre aux Européens de garder la main, en cas de tensions commerciales ou politiques, sur les précieuses puces qui sortiront de ces usines.
Tête-à-queue sur les aides d’État
La Commission européenne a promis un investissement à hauteur de 43 milliards d’euros pour financer ces opérations. Sur ce total, L’UE et les États membres iront piocher 11 milliards dans leurs budgets respectifs d’ici à 2030.
Diverses actions de facilitation des investissements viendront gonfler cette enveloppe de quelques milliards. Le reste, à ce stade, relève de l’estimation. L’UE veut attirer près de 30 milliards d’euros d’investissements pour financer la construction de ses futures usines.
Afin de séduire les investisseurs, la Commission s’est autorisée à revenir sur les sacro-saintes règles européennes en matière d’aides d’État. En principe, les aides d’État aux entreprises sont interdites.
Mais dans le cadre du Chips Act, les 27 pourront contourner cette interdiction, moyennant le respect d’une longue série de critères : ils ne pourront apporter leur soutien qu’aux usines de semi-conducteurs « pionnières » en Europe, dans la limite d’un certain montant, à condition que ces installations ne fassent pas d’ombre à un projet en cours et ne disposent d’aucune autre solution de financement.
Pour l’heure, seul le groupe américain Intel a fait part de son intérêt. Il investira jusqu’à 80 milliards d’euros sur 10 ans dans l’UE pour permettre la fabrication de puces made in Europe.
En Chiffres
52 milliards de dollars
Somme que les États-Unis veulent investir dans la recherche et la fabrication de semi-conducteurs. La Chine devrait y injecter 150 milliards de dollars d’ici 2025.
Thierry Breton contre Margrethe Vestager : bras de fer sur les aides d’État
La dérogation aux règles sur les aides d’État est une source de discorde sans fin entre les deux architectes du Chips Act : le commissaire européen au marché intérieur et à l’industrie Thierry Breton, et la vice-présidente de la commission chargée de la concurrence, Margrethe Vestager.
Ses arguments à lui : l’UE ne doit pas dépendre des autres, « l’autonomie stratégique » est nécessaire, la hausse des financements publics aidera les entreprises européennes à se démarquer sur la scène internationale. Ses arguments à elle : l’autosuffisance est une illusion, vive « l’ouverture », attention à une « course aux subventions », dont les contribuables paieront la facture.
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Ce n’est qu’après de longs débats en interne qu’un compromis a été trouvé sur le Chips Act. Pas de modification fondamentale des règles en vigueur, mais un affinage de certains concepts, ouvrant la voie à des investissements d’un genre nouveau. Cet exercice d’équilibriste a créé beaucoup de confusion à Bruxelles.
« Nous n’avons pas adapté nos règles », assurait Margrethe Vestager en présentant le projet, avant d’être contredite dans la minute par un Thierry Breton revendiquant fièrement un changement de cap. Pauline Weil et Nicolas Poitiers, analystes au sein du think tank économique Bruegel commentent : « La Commission est la gardienne des traités, elle a pour mission de s’assurer que les États ne dérogent pas aux règles européennes, en particulier sur la concurrence. Mais la Commission actuelle promet d’assumer un rôle plus géopolitique, elle veut faire de l’UE un acteur mondial compétitif. »
Dans cette phase de transformation, pas étonnant de voir cohabiter au sein du même organisme deux cerveaux qui fonctionnent différemment, l’un imprégné de l’interventionnisme français, l’autre davantage dans la tradition libérale nordique.