L’essentiel
- La Chine est devenue leader mondial en métaux rares en investissant dans toute la chaîne de valeur.
- Devenir le premier pays minier du monde a un coût environnemental.
- Les externalités négatives (dommages écologiques, pollution…) n’ont pas été internalisées dans les coûts de production.
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Lithium, cobalt, terres rares… Enfouis dans la croûte terrestre aux quatre coins du globe, ces minerais sont nécessaires à la fabrication d’éoliennes, de panneaux solaires, de batteries électriques ou de composants électroniques. L’Union européenne a même établi en 2020 une liste de trente matières premières stratégiques pour assurer son indépendance technologique et opérer sa transition énergétique, dont ces métaux font partie.
Problème, un seul pays domine le marché international de ces minéraux : la Chine. Le reste du monde dépend de Pékin pour développer certains secteurs stratégiques.
Non seulement la Chine abrite d’importantes ressources minérales dans son sous-sol, mais elle mène aussi, depuis une quinzaine d’années, une politique d’investissements colossaux dans des mines partout sur la planète. Entre 2005 et 2021, ses investissements directs à l’étranger (IDE) dans le secteur minier ont atteint 125 milliards de dollars, « soit l’équivalent, à une dizaine de milliards près, de la valeur actualisée du plan Marshall », selon un rapport du Cepii.
L’essentiel
- La Chine est devenue leader mondial en métaux rares en investissant dans toute la chaîne de valeur.
- Devenir le premier pays minier du monde a un coût environnemental.
- Les externalités négatives (dommages écologiques, pollution…) n’ont pas été internalisées dans les coûts de production.
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Lithium, cobalt, terres rares… Enfouis dans la croûte terrestre aux quatre coins du globe, ces minerais sont nécessaires à la fabrication d’éoliennes, de panneaux solaires, de batteries électriques ou de composants électroniques. L’Union européenne a même établi en 2020 une liste de trente matières premières stratégiques pour assurer son indépendance technologique et opérer sa transition énergétique, dont ces métaux font partie.
Problème, un seul pays domine le marché international de ces minéraux : la Chine. Le reste du monde dépend de Pékin pour développer certains secteurs stratégiques.
Non seulement la Chine abrite d’importantes ressources minérales dans son sous-sol, mais elle mène aussi, depuis une quinzaine d’années, une politique d’investissements colossaux dans des mines partout sur la planète. Entre 2005 et 2021, ses investissements directs à l’étranger (IDE) dans le secteur minier ont atteint 125 milliards de dollars, « soit l’équivalent, à une dizaine de milliards près, de la valeur actualisée du plan Marshall », selon un rapport du Cepii.
À retrouver dans la note du CEPII : Métaux stratégiques : la clairvoyance chinoise.
Éco-mots
Investissements directs à l’étranger (IDE)
Prises de participation dans le capital d’une entreprise étrangère avec pour objectif d’obtenir « un intérêt durable et la capacité d’exercer une influence dans sa gestion ». En règle générale, ce sont des investissements de long terme allant de la création d’entreprise au rachat d’une entreprise existant déjà à l’étranger.
60 % de la production mondiale de lithium
Rien qu’en Australie, qui produit 52,5 % du lithium mondial, la Chine a investi 26,6 milliards de dollars sur cette même période, poursuivent les auteurs de l’étude. Pékin possède aussi d’importants actifs en Argentine et au Chili, respectivement 6 % et 25 % de la production de ce métal indispensable au stockage d’énergie dans les batteries. Au total, la Chine a mis la main sur 60 % de la production de lithium sur la planète. Ses deux géants, Jiangxi Ganfeng et Tianqi Lithium, se sont hissés aux première et troisième place du marché.
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La Chine est aussi fortement implantée en RDC ( République démocratique du Congo), d’où est extrait plus 70 % du cobalt mondial, autre élément clé du stockage d’énergie dans les batteries lithium-ion. Les mines congolaises d’"or bleu" ont reçu 13,7 milliards d’investissements chinois entre 2005 et 2021, toujours selon le Cepii. En 2016, China Molybdenum Co. (CMOC) a racheté la mine Tenke Fungurume et poursuit depuis son expansion dans le secteur du cobalt. En Afrique, la mainmise de la Chine est aussi affirmée sur le cuivre, notamment en Zambie.
Géant des terres rares
Mais l’Empire du milieu possède aussi d’importantes ressources dans son propre sol, dont 95 % de la production mondiale actuelle de terres rares (néodyme, dysprosium, silicium, tungstène, gallium, germanium, indium, graphite…). Ces minerais sont nécessaires à la fabrication d’éoliennes offshore, de panneaux solaires et de composants électroniques utilisés dans des industries de pointe comme le numérique et l’aéronautique. Le principal producteur mondial de terres rares, China Minmetals, est détenu par l’État chinois.
À retrouver dans la note du CEPII : Métaux stratégiques : la clairvoyance chinoise.
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En moins de vingt ans, la Chine est donc devenue le premier pays minier du monde. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas à l’acquisition des ressources brutes. Pékin a aussi développé une industrie de raffinage qui traite aujourd’hui 62 % du lithium mondial, 67 % du cobalt, 41 % du cuivre et 90 % des terres rares note encore le Cepii. Surtout, le pays est devenu le champion de la fabrication de batteries électriques, avec deux entreprises phares, China Aviation Lithium Battery (CALB) et China Electronics Technology (CETC).
Maîtrise de la chaîne de valeur
« La Chine a toujours été une économie industrielle et a compris depuis longtemps l’importance de maîtriser des chaînes de valeur de bout en bout, analyse Nicolas Mazzucchi, directeur de recherche au Centre d’études stratégiques de la Marine. L’acquisition et l’exploitation de mines ne sont que la première brique de cette stratégie. » La Chine est aujourd'hui un pays minier "complet".
Éco-mots
Chaîne de valeur
Processus permettant de décortiquer la chaîne d’activités d’une entreprise pour évaluer la façon dont chaque activité contribue (ou non) à l’obtention d’un avantage compétitif et à la création de valeur. Le but est d’aider une entreprise à augmenter ses marges en réduisant le coût des différentes activités de la chaîne de valeur ou en la modifiant. Le concept de chaîne de valeur a été créé dans les années soixante-dix par Michael Porter, professeur de stratégie à l’Université Harvard et consultant.
Dès le plan quinquennal de 2006 et surtout depuis celui de 2011, l’État chinois a affiché sa volonté de devenir le leader des technologies de stockage énergétique, et notamment des batteries. « Avec cette impulsion par le haut, les banques d’État financent les projets des entreprises chinoises et leur permettent de racheter des actifs miniers ou des pans entiers de sociétés étrangères », mais aussi de soutenir des industries de pointe au niveau national, poursuit le spécialiste en géopolitique des minerais.
Pollution délocalisée
Pourtant, malgré ses investissements tout azimut et sa performance technologique, la Chine essuie aussi quelques échecs. La Belt and Road Initiative (Nouvelles routes de la soie), qui visait à relier la Chine au reste du monde par des voies terrestres, maritimes et ferroviaires afin de s’approvisionner en matières premières, est à l’arrêt à certains endroits. Face à l’appétit de Pékin en nickel, l’Indonésie a interdit en 2019 les exportations de ce minerai pour l’intégrer dans une filière de production de batteries que Jakarta développe sur son propre sol.
Par ailleurs, si la Chine tient sa place de premier pays minier du monde, "c’est "au prix d’un dumping économique, puisque les coûts de production sont cassés ; et d’un dumping environnemental, car les dommages à la nature sont considérables », comme le rappelle le journaliste Guillaume Pitron dans son livre La guerre des métaux rares (éd. Les liens qui libèrent).
La couverture des dommages écologiques n’a pas été intégrée dans les coûts de production, alors même que l’extraction minière est particulièrement polluante. Il faut briser la roche, la couper ou la broyer, puis purifier ensuite les métaux avec de l’eau et des produits chimiques comme de l’acide sulfurique. Cette industrie est gourmande en eau et les eaux usées sont ensuite rejetées dans les cours d’eau, souvent sans être purifiées.
Éco-mots
Externalités négatives
Situation dans laquelle un agent économique provoque par son activité des effets négatifs sur la société. Dans le cas de la pollution, exemple classique d’externalité négative, le pollueur ne s’intéresse qu’au coût direct de la production et au profit qu’il peut en tirer sans toujours se soucier des coûts indirects pour ceux qui subissent la pollution. Le coût social, c’est-à-dire le coût total de la production, est donc plus élevé que le coût privé.
Certains pays industrialisés comme la France ont depuis longtemps cessé leurs activités minières sur leur territoire afin d’éviter de polluer leur sol. Mais cette pollution délocalisée a créé une dépendance à la Chine sur les métaux stratégiques.
Une situation qui inquiète en Occident et pousse certains pays à agir. Le 24 octobre, le groupe français Imerys, leader des spécialités minérales pour l’industrie, a annoncé l’ouverture d’une mine de lithium à Échassières (Allier) pour 2028. Objectif : équiper 700 000 véhicules par an en batteries lithium-ion. Comme la Chine, la France montre une volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur sur le marché des voitures électriques.
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Pour aller plus loin
Métaux stratégiques : la clairvoyance chinoise, Tanguy Bonnet, Carl Grekou, Emmanuel Hache & Valérie Mignon, juin 2022
Dans le programme de SES
Terminale. « Quels sont les fondements du commerce international et de l’internationalisation de la production ? »
Terminale. « Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? »