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Tout comprendre au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, l’outil de l’UE pour lutter contre le réchauffement climatique.

L’Union Européenne promeut le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour lutter contre le réchauffement climatique. Projet freiné par les eurodéputés ce mercredi 8 mai, Pour l’Éco vous explique simplement en quoi consiste ce dispositif.

Antoine Tirot
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© Alessio Paduano/REDUX-REA

Dans son dernier rapport paru le 28 février, le GIEC (groupe international d’experts sur le climat) pointe du doigt que les efforts internationaux en termes de baisse d’émissions de gaz à effets de serre sont largement insuffisants.

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Face au défi climatique, l’UE tente d’agir et de montrer l’exemple au niveau mondial. Pour ce faire, la Commission Européenne a voté en août 2021 la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, un outil qu’elle estime efficace pour faire face à ce défi.

Cependant le mécanisme ne verra pas le jour tout de suite car les eurodéputés ont rejeté, ce mercredi 8 juin, la réforme du projet d’ajustement carbone aux frontières. Jugé trop peu ambitieux par les écologistes et la gauche, le texte sera réévalué en commission avant d’être instauré pour de bon. Pour l’Éco vous explique simplement cette politique publique européenne, en trois questions.

Le MACF, c’est quoi ?

Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est un dispositif qui permet de lutter contre les « fuites de carbone ».

Éco-mots

Fuite de Carbone

Lorsqu’une entreprise ou une industrie délocalise sa production dans un pays tiers pour échapper aux normes environnementales plus strictes sur le territoire sur lequel elle opérait précédemment.

De nombreux pays, en particulier en Asie, n’ont pas les mêmes normes et standards environnementaux qu’en Europe. Les entreprises opérant sur le sol européen peuvent donc être tentées de délocaliser dans ces pays où les coûts de production et les contraintes réglementaires environnementales sont moins strictes.

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Le mécanisme veut répondre à cette problématique en imposant une taxe sur les émissions de CO2 "importées". Si une entreprise européenne importe une marchandise d’un pays non européen, cette entreprise devra payer un surcoût correspondant aux émissions de C02 "dissimulées" dans son importation. La taxe correspond au prix du carbone qui aurait été payé si les marchandises importées avaient été produites selon les règles de l’UE.

Par exemple, si un fabricant de voitures importe un moteur produit en Chine, elle devra payer, en plus du prix initial, un surcoût qui correspond aux émissions émises en Chine lors de la production du moteur.

Un seuil d’émissions de gaz à effet de serre sera établi et toutes les importations qui affichent un bilan carbone trop important seront soumises à une taxe.

L’objectif : inciter les exportateurs vers l’UE à verdir leurs modes de production et à trouver des solutions plus soutenables écologiquement. Dans le cas contraire, ils deviendront de moins en moins compétitifs.

Éco-mots

Compétitivité

C’est la capacité, pour une entreprise, un secteur d’activité ou une économie, à faire face à la concurrence interne ou extérieure, à conquérir des parts de marché et à occuper une position forte sur les marchés. Ici, à cause du surcoût appliqué, le prix deviendra plus cher, ce qui nuit à la compétitivité-prix.

Un système de quotas d’émissions existe déjà en Europe depuis 2008. Les producteurs européens paient des droits à polluer dont le prix varie selon les marchés des quotas d’émissions.

Si une entreprise émet 3 tonnes de CO2 dans sa production de biens ou services, elle doit acheter des droits à polluer (des quotas d’émissions) pour pouvoir être en règle. Le but est ici de donner un prix au carbone.

Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est en quelque sorte une extension, pour les importations provenant de pays non européens, du système des quotas d’émissions.

Quels seront les effets du mécanisme ?

Les importations de carbone de l’UE représentent environ 20 % de l’ensemble des émissions de la zone, soit l’équivalent de 2 100 milliards d’euros en 2019 (équivalent du PIB français).

Cet outil permettra, selon l’UE, de pouvoir réaliser les engagements signés lors des accords de Paris. L’Union Européenne s’est fixée comme objectif de baisser de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) et devenir un continent neutre en carbone d’ici 2050.

Éco-mots

Neutralité carbone

La neutralité carbone est atteinte quand l’équilibre existe entre les émissions de carbone et l’absorption naturelle du carbone capté dans l’atmosphère. Attention, il ne faut pas confondre neutralité carbone avec l’expression “zéro émission". Il est donc permis d’émettre du CO2 tant que celui-ci est entièrement absorbé dans l’atmosphère.

Cet outil constitue une solution parmi d’autres pour atteindre la neutralité carbone. L’Union Européenne ne veut pas voir ses industries et ses emplois quitter son territoire. Le MACF permet donc de combiner la sauvegarde de l’industrie européenne la baisse des émissions dans le monde.

Près de 94 % des émissions des entreprises et industries européennes sont considérées à risque de « fuite de carbone », c’est-à-dire qu’elles pourraient être tentées de se délocaliser pour échapper aux normes européennes. Elle se voient donc offrir des quotas gratuits (pas de surcoût sur les produits importés) pour ne pas trop perdre en compétitivité-prix, à condition de progresser sur le plan climatique.

La fin des émissions de quotas gratuit était prévu pour 2030, cependant la majorité parlementaire européenne a voté un amendement pour repousser cette à 2034, ce qui a provoqué la colère des écologistes et de la gauche. Le texte a finalement été rejeté et sera réévalué en commission.

Le système de quotas d’émissions actuel conduit également à certains abus que le MACF souhaite corriger. Les entreprises disposent de quotas d’émissions gratuits, s’ils en utilisent moins que prévu, ces entreprises peuvent donc les revendre sur le marché des droits à polluer et gagner de l’argent.

Des industriels européens peuvent ainsi revendre ces quotas gratuits sur le marché des droits à polluer. Ils ont fait environ 50 milliards de profits entre 2008 et 2019, uniquement grâce à ces reventes.

L’octroi de quotas gratuits au sein du MACF pour les marchandises et secteurs à fort risque de "fuite de carbone" devra être contrôlé avec attention. La mise en place sera progressive, pour laisser du temps aux industriels de s’adapter, mais à moyen terme, il faudra mettre fin à ce cadeau pour inciter les acteurs à baisser réellement leurs émissions.

Quand sera mis en place le MACF ?

Le MACF sera mis en place progressivement à partir de 2023. Les entreprises et industries devront déclarer auprès de l’UE les émissions de carbone importées, ils paieront le surcoût seulement à partir de 2026 afin de leur laisser du temps pour adapter leur processus de production.

À court terme, les effets seront contenus car dans un premier temps, seulement le fer, l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais et l’électricité seront touchés par le MACF.

Ces produits sont très gourmands en émissions de CO2, augmentant le risque de "fuite de carbone". L’objectif est de se concentrer sur ces produits, dont la liste pourra être élargie si le mécanisme porte ses fruits.