Depuis 2005, dans l’UE, les entreprises les plus émettrices paient pour pouvoir polluer. Raffineries, compagnies aériennes, usines de ciment, de verre, de papier : toutes sont soumises à un plafond d’émissions et achètent ou reçoivent des quotas, des « droits à polluer », dans la limite de ce plafond. Les entreprises peuvent ensuite revendre les quotas non utilisés.
Ce marché du carbone, ou Système d’échange de quotas d’émission (SEQE), profite à certaines entreprises plus qu’il ne les contraint. Ces 10 dernières années, les sociétés italiennes ont ainsi engrangé plus de cinq milliards d’euros de profit grâce à ce système, selon le cabinet indépendant de conseil en environnement CE Delft. La société d’hydrocarbures ENI, par exemple – dont les stations-service jaunes, siglées d’un chien noir, bordent les routes italiennes – a enregistré 371 millions d’euros de bénéfices entre 2008 et 2019. Des bénéfices dus, notamment, à un excédent de quotas distribués gratuitement.
Depuis 2005, dans l’UE, les entreprises les plus émettrices paient pour pouvoir polluer. Raffineries, compagnies aériennes, usines de ciment, de verre, de papier : toutes sont soumises à un plafond d’émissions et achètent ou reçoivent des quotas, des « droits à polluer », dans la limite de ce plafond. Les entreprises peuvent ensuite revendre les quotas non utilisés.
Ce marché du carbone, ou Système d’échange de quotas d’émission (SEQE), profite à certaines entreprises plus qu’il ne les contraint. Ces 10 dernières années, les sociétés italiennes ont ainsi engrangé plus de cinq milliards d’euros de profit grâce à ce système, selon le cabinet indépendant de conseil en environnement CE Delft. La société d’hydrocarbures ENI, par exemple – dont les stations-service jaunes, siglées d’un chien noir, bordent les routes italiennes – a enregistré 371 millions d’euros de bénéfices entre 2008 et 2019. Des bénéfices dus, notamment, à un excédent de quotas distribués gratuitement.
Le SEQE demeure malgré tout l’un des meilleurs outils dont l’UE dispose pour réduire à zéro ses émissions d’ici 2050. Afin de le rendre plus performant, les Européens s’apprêtent à le réformer. Mais la tâche est délicate. Les eurodéputés ont réussi à se mettre d’accord sur ce dossier fin juin, après un an de travail et un premier échec retentissant.
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Moins de quotas gratuits
Cet échec remonte au 8 juin. Ce jour-là, on les a entendus crier, siffler, taper du poing en rythme sur leurs pupitres, s’interpeller d’un bout à l’autre de l’hémicycle en espagnol, en français, en anglais. Chose rare dans cette enceinte. « Voilà un vrai Parlement ! », s’est amusée la présidente de l’institution, Roberta Metsola.
À l’origine de cette séquence, deux points cruciaux de la réforme du SEQE. L’allocation de quotas gratuits, tout d’abord. Une partie de ces quotas sera supprimée, à une échéance qu’il reste à déterminer. Le niveau d’ambition climatique, ensuite. Chaque année, le nombre de quotas d’émissions alloués diminue. Plus le temps passe, moins les entreprises ont le droit de polluer.
En Chiffres
6,66 milliards
Le nombre de quotas alloués à titre gratuit entre 2013 et 2020. Les prix des quotas fluctuaient alors entre 3 et 25 euros. Les quotas alloués à titre gratuit représentent plus de 40 % du total des quotas disponibles
Sources : Agence européenne pour l’environnement et Cour des comptes européenne.
Les règles actuelles imposent aux États membres de réduire de 43 % les émissions « autorisées » d’ici 2030, par rapport à 2005. Avec la réforme, un objectif plus ambitieux encore doit être acté. Un terrain d’entente avait été trouvé entre les groupes politiques. Mais le jour J, rien ne s’est passé comme prévu.
Certains députés n’ont pas tenu leurs promesses de vote et la droite (PPE), avec l’appui des libéraux et de l’extrême droite, a obtenu des changements de dernière minute : une révision à la baisse de l’ambition climatique et un sursis de cinq ans pour les quotas gratuits. Des ajustements qui permettront de « donner à l’industrie et aux citoyens plus de répit en ces temps difficiles », maintient l’Allemand Peter Liese, rapporteur du PPE sur ce dossier.
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Les négociations continuent
Pour les socialistes, les écologistes et l’extrême gauche, impossible de soutenir une réforme « affaiblie ». Dans l’hémicycle, les chefs des trois groupes ont incité leurs membres à rejeter le texte. Les eurosceptiques s’y sont eux aussi opposés. Le vote s’est clos dans une ambiance électrique, les présidents de groupe s’accusant mutuellement d’avoir fait alliance avec l’extrême droite pour tirer leur épingle du jeu.
La réforme a donc été renvoyée en commission parlementaire, pour qu’un nouveau terrain d’entente soit trouvé. Car au Parlement européen, c’est en commission que tout se joue : les négociateurs s’y démènent pour s’assurer le soutien d’une majorité de députés. « On est dans un parlement où, d’une part, le compromis est la base du travail et où, d’autre part, il n’y a plus de coalitions évidentes. Depuis 2019, le PPE et les socialistes n’ont plus la majorité à eux seuls », note Éric Maurice, responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Robert Schuman. Aujourd’hui, il y a donc plus de groupes à contenter, davantage de compromis à trouver.
En Chiffres
10 000
Nombre d’installations couvertes par le SEQE dans tous les États membres de l’UE, en Islande, au Liechtenstein et en Norvège. Elles sont responsables de plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE
Sources : services de recherche du Parlement européen.
Lorsqu’un texte arrive devant l’assemblée, ce travail ayant déjà été fait, l’issue du scrutin est en général écrite. « C’est exceptionnel que la plénière n’entérine pas un texte », confirme Éric Maurice. Les députés ont rattrapé le coup : de nouveaux compromis ont été trouvés en commission et la plénière les a adoptés le 22 juin.
Victoire ? Oui et non. D’autres négociations attendent les eurodéputés. Ils doivent maintenant défendre leur position commune auprès des vingt-sept États membres, ce qui prendra encore quelques mois.
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La taxe aux frontières : dégommée aussi
Un autre projet essentiel à la réussite du Green Deal européen est censé voir le jour sous peu. Faute d’accord sur la réforme du SEQE, il a été lui aussi renvoyé en commission parlementaire. Ce projet, c’est le « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ».
Une fois ce mécanisme en place, les entreprises étrangères polluantes – produisant de l’électricité ou du ciment, par exemple – seront contraintes d’acheter elles aussi des quotas d’émissions pour pouvoir exporter leurs produits sur le territoire européen. Les entreprises européennes bénéficieront ainsi d’une concurrence équitable et ne seront pas tentées de délocaliser leur production dans des pays où polluer coûterait moins cher.
Pas question, toutefois, d’imposer cette taxe carbone aux entreprises étrangères tout en continuant à allouer des quotas gratuits aux entreprises européennes. « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre », commente un député européen. La date qui sera retenue pour mettre un terme à l’allocation de certains quotas gratuits déterminera donc l’entrée en application de la taxe aux frontières. Au Parlement, on oscillait entre 2030 et 2034. C'est finalement l'année 2032 qui a été choisie, en guise de compromis.