So long, My son et la politique de l’enfant unique. Quand l’État chinois s’immisçait dans l’intimité des familles
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So long, My son et la politique de l’enfant unique. Quand l’État chinois s’immisçait dans l’intimité des familles

Clément Rouget
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Dans So long, My son, la vie banale d’un couple de jeunes Chinois prend un tournant dramatique quand se met en place l’autoritaire politique de l’enfant unique.

Imaginez. Vous vous rendez au travail alors que dans les haut-parleurs résonne d’une voix neutre ce message. « Camarades membres du Parti et de la Jeunesse. Afin de réaliser l’objectif d’une population contenue à 1,2 milliard à la fin du siècle, le Conseil des affaires d’État appelle les couples à n’avoir qu’un seul enfant. Cette mesure engage l’avenir, la santé et le bonheur des générations à venir ainsi que l’intérêt national à court et long terme. Le Comité central demande aux membres du Parti, et notamment aux cadres, de mettre activement en œuvre l’appel de l’État. »

Prise pour réguler une fécondité jugée alors trop importante, cette mesure va percuter la vie intime de millions de Chinois, dont Yaojun et Liyun, un couple d’ouvriers. Ils ont déjà un enfant. Liyun tombe enceinte à nouveau. Un évènement normalement banal, mais dont les conséquences sur leur vie sont immédiates dans la Chine de Deng Xiaoping. « Je ne pourrais pas le cacher longtemps.

On trouvera bien des idées, il y a des solutions.

- Quel genre de solutions ? Aujourd’hui, j’ai failli m’évanouir à l’atelier.

- On prend un congé maladie et on se cache au village chez ma tante.

- Le contrôle des naissances est pire à la campagne. »

Une amie du couple, par ailleurs directrice du bureau du planning familial local et chargée d’appliquer la politique de l’État, va obliger la jeune femme à avorter. « Vous n’avez pas honte de m’avoir joué la comédie ? Vous croyiez pouvoir vous cacher éternellement ?, lâche-t-elle au mari, qui frappe le mur de colère à en avoir les mains ensanglantées. « Inutile d’épiloguer, j’ai appelé l’hôpital. L’ambulance arrive»

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Couples sacrifiés et… modèles

Le coup de grâce viendra pourtant plus tard, lors d’une cérémonie du Parti où sont présents tous les employés. « Notre usine a bien travaillé au contrôle des naissances avec zéro grossesse non planifiée chez nos couples, déclare fièrement l’exécutante de la politique. Même si certains camarades ont dû combattre leurs réticences, notre travail idéologique attentif leur a permis de répondre à l’appel de l’État. »

Elle y récompense le « couple exemplaire de l’année » pour avoir renoncé à son deuxième enfant et les invite à monter sur scène sous les applaudissements.

Ils doivent faire front malgré la douleur, sourire forcé aux lèvres. « Ne faites pas cette tête », murmure-t-elle à l’oreille de la jeune ouvrière au visage marqué par le deuil, en lui tapotant le dos tout en dardant un regard noir. « Souriez, il y a une prime qui va avec. »

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Making-of

So Long, My Son se déroule sur 40 ans, de 1979 à nos jours. Le réalisateur Wang Xiaoshuai a eu l’idée du thème en 2011 lors de l’annonce par le gouvernement chinois de l’abandon de la politique de l’enfant unique.

« Chacun devrait avoir le droit de décider de sa propre vie et du nombre d’enfants qu’il désire. Avec cette politique, chaque Chinois a dû organiser sa vie pour se mettre au service du pays, de la société et des décisions du gouvernement, sans aucun choix possible sur le plan personnel. Maintenant que l’on est de nouveau autorisé à avoir plusieurs enfants, il faut se pencher sur cette génération sacrifiée de parents d’enfants uniques, pour essayer de comprendre comment cela a influencé leur vie, leur état psychologique, et comment on pourrait les aider. »