Pour enrayer la turismofobia, Barcelone légifère
Un bus de visiteurs vandalisé, des graffitis anti-vacanciers, des manifestations contre le tourisme de masse. À l’été 2017, les Barcelonais, dont la maire de la ville Ada Colau, clamaient leur ras-le-bol face au flot de touristes, lançant un mouvement de turismofobia qui a essaimé à Venise, Amsterdam et Lisbonne. La capitale de la Catalogne, qui compte 1,6 million d’habitants, accueille 30 millions de touristes par an, soit 19 fois sa population. Le défi, les revenus et les nuisances sont considérables : plage, rues et transports bondés, vacarme permanent, disparition des commerces de proximité.
Avec la multiplication des hôtels et des locations temporaires, les loyers ont augmenté – de 9 à 18 % en fonction des quartiers selon la presse espagnole – chassant les Barcelonais modestes vers la périphérie de la ville. Après s’être attaquée aux loueurs non déclarés et aux plateformes comme Airbnb, Ada Colau a fait voter un plan d’urbanisme qui interdit toute nouvelle construction locative dans le centre-ville. Fin mai, la justice a pour la première fois validé ce plan, déboutant un promoteur qui voulait bâtir dans l’hyper-centre.
Barcelone ne renonce pas pour autant à un secteur qui assure 12 % de son Produit intérieur brut (PIB). Outre les visiteurs classiques et les croisiéristes, elle cherche maintenant à séduire les hommes d’affaires et les congressistes.

Angkor interdit les pique-niques
Près de 2,6 millions de personnes ont visité en 2018 le plus vaste site archéologique au monde avec ses 400 kilomètres carrés. Elles étaient le double l’année précédente, lorsque l’on prédisait 7 millions de visiteurs en 2020 et même 10 millions en 2025. La déferlante n’a donc pas eu lieu. Heureusement, sinon elle aurait mis en danger l’ancienne capitale de l’Empire khmer classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992.
Tout n’est pas réglé pour autant. Angkor (Cambodge), dont la restauration a été assurée et financée par la communauté internationale, est victime de son succès. Des étrangers en provenance du monde entier, et notamment de Chine, s’y bousculent. En l’absence d’un plan de gestion global, la protection des lieux se fait par petites touches. L’accès au Phnom Bakheng, d’où l’on admire le coucher du soleil sur le temple Angkor Vat, est limité à 300 personnes. Le prix du ticket d’entrée a presque doublé en 2017, passant de 20 à 37 dollars pour une journée, la première hausse en 25 ans. Dernière mesure en date, en mars, l’interdiction de la nourriture sur le site.
À quand la généralisation de quotas de visiteurs par temple et la création de circuits de visite ?

Quand la foule tue sur l’Everest
Les images d’embouteillage d’alpinistes attendant de pouvoir atteindre le toit du monde ont fait le tour des réseaux sociaux entre fin avril et fin mai, période où se concentrent les ascensions. Cette saison a été la plus meurtrière depuis 2015 avec 11 décès, dont quatre imputables au temps d’attente dans la « zone de la mort » à plus de 8 000 mètres d’altitude.
Depuis les années 1990, le Népal, d’où part la majorité des grimpeurs, délivre de plus en plus de permis d’ascension (vendu 11 000 dollars). Il en a accordé un nombre record de 381 cette année. Les opérateurs proposant l’expédition (qui coûte au minimum 50 000 dollars) se sont multipliés. Le pays, parmi les plus pauvres au monde, tire environ 300 millions de dollars par an du tourisme, soit 3,5 % de son PIB. Il veut doubler le nombre d’entrées à deux millions de visiteurs d’ici 2020. Ce qui explique sa réaction… modérée.
Certains officiels plaident pour un contrôle renforcé de l’octroi des permis quand le porte-parole du ministère du Tourisme rappelle que l’ascension est une aventure comportant des risques. Mais pour nombre d’observateurs, le Népal doit réagir sous peine de voir un nombre croissant d’alpinistes (140 cette année) se tourner vers la Chine pour une ascension depuis le Tibet.

Machu Picchu : Le Pérou serre la vis
Pas plus 6 000 personnes par jour avec une visite limitée à quatre heures. C’est la règle pour accéder au sanctuaire inca du XVe siècle qui fait partie des Sept Merveilles du monde. Quelque 1,5 million de visiteurs l’arpentent chaque année. Ils seraient bien plus nombreux sans les restrictions. Le Pérou les a mises en œuvre à partir de 2017 sous la pression de l’Unesco, qui menaçait de placer le site sur la liste du patrimoine mondial en péril. Si elle est désormais régulée, la fréquentation demeure largement supérieure à la recommandation de l’Organisation des Nations unies (2 500 visiteurs par jour).
Le pays a donc expérimenté une nouvelle mesure pour limiter l’usure constatée de la pierre. En mai, l’accès aux trois sites phares – le temple du Soleil, le temple du Condor et la pyramide d’Intiwatana – a été limité à trois heures par jour. Si le test s’avère concluant, la restriction pourrait être pérennisée. Outre l’affluence, une autre menace plane : la construction d’un nouvel aéroport, à 70 kilomètres de la citadelle inca, afin de désengorger celui de la ville de Cuzco. Selon le gouvernement, c’est un projet clé pour développer le tourisme. Reste à s’assurer que cela ne se fasse pas au détriment du patrimoine.
